Le Festival d’Avignon se tiendra du 5 au 26 juillet 2025 sous une bannière qui, au-delà des trois clés qui le symbolisent, inscrira en arabe sur les murs des théâtres et trottoirs de la ville le mot Ensemble choisi par le directeur et son équipe, et qui se traduit littéralement par Avec. Depuis trois ans, chaque année, le Festival choisit une langue qu’elle promeut. Après l’anglais et l’espagnol, cette 79ème édition met la langue arabe sur le devant de la scène.
« Je suis toi dans les mots / أنا أنت بالكلمات » cette phrase empruntée au poète palestinien Mahmoud Darwich, disparu il y a plus de vingt-cinq ans et référence majeure des Pays Arabes, inspire Tiago Rodrigues qui programme sa troisième édition et pourrait l’inscrire en lettres d’or ou de néon sur les frontons, comme il l’a dit aux journalistes rassemblés – belle initiative – à l’Institut du Monde Arabe.
C’est le Président de l’IMA, Jack Lang, « fanatique pluri-linguiste de toutes les langues » qui ouvre la séance, magnifiquement, avec des mots chaleureux et pleins de sens, en présence du Dr. Ali Bin Tamim, directeur du Centre de langue arabe d’Abu Dhabi. Il parle de cette cinquième langue la plus pratiquée dans le monde, une langue très ancienne, poétique et musicale, d’une grande richesse et qui construit une galaxie de mots à partir d’une unique racine. Et il prend pour exemple le mot amour décliné en une multiplicité de nuances selon les situations, à partir de sa racine, hob / حب
Il parle également de l’emprunt de la langue française à la langue arabe, des chiffres arabes qu’on utilise, des Mille et Une Nuits qu’Antoine Galand, orientaliste et professeur de langue arabe au Collège de France, traduisit pour la première fois en occident et qu’il compléta par des récits qui lui avaient été racontés et publia au début du XVIIIème. La présidente du Festival et ex-ministre de la Culture, Françoise Nyssen intervient ensuite. Elle a une longue histoire avec la langue arabe – via Farouk Mardam-Bey qui dirige la collection Sinbad d’Actes-Sud – éditions qu’elle a co-fondées avec son père. Né à Damas, il vit en France depuis 1965, et fut conseiller culturel à l’Institut du monde arabe.
Apparaît ensuite Tiago Rodrigues, directeur du Festival, qui met en exergue ce choix de la langue arabe pour cette édition, s’inscrivant comme un geste de liberté, de découverte, de plaisir de l’art, de respect de l’Autre et de partage de la pensée, et qui se réalisera grâce aux sept cents salariés engagés dans l’aventure. 20 lieux, 15 communes autour d’Avignon, 44 projets artistiques dont les deux-tiers produits ou co-produits par le Festival et la moitié créés en France, 300 événements, 121 000 places à vendre, des actions de formation et transmission et l’accueil de nombreux jeunes de 13 à 19 ans, des partenariats exemplaires et une diversité artistique pour une parenthèse enchantée.
La liste est longue qui permet de mettre l’eau à la bouche pour ces instants de partage dans tous les lieux du Festival, dedans et dehors, autour de manifestations finement pensées et qui, à coup sûr, seront tout aussi finement conduites et réalisées autour de spectacles, lectures, concerts, expositions, tables rondes et débats, itinérances, rencontres festives… Tiago Rodrigues présente ensuite les spectacles et manifestations, appuyés par quelques mots de chaque créateur, sur écran. Il n’oubliera pas, au final, ce qu’il appelle avec justesse le slam des remerciements à tous les partenaires.
Le lancement du Festival dans la Cour d’Honneur se fera avec Nôt de Marlène Monteiro Freitas, artiste d’origine cap verdienne, dite artiste complice de l’édition et figure majeure de la scène chorégraphique internationale ; la clôture se fera avec le concert Soma de l’artiste portugais João Barbosa autrement appelé Branko. En avant-première, le 4 juillet à 19h, la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen investira le parvis du Palais des Papes avec des amateurs du territoire, pour une performance participative, They always come back, célébrant la diversité.
Suit une grande liste de propositions, toutes plus séduisantes les unes que les autres, à commencer par La Voix des femmes, en partenariat avec Le Printemps de Bourges, autour de la figure de la légendaire chanteuse égyptienne Oum Khalthoum, appelée l’Astre d’Orient, ou Quatrième Pyramide, dans la Cour du Palais des Papes le 14 juillet. L’auteur-compositeur libanais Zeid Hamdan en assure la direction musicale pour marquer les cinquante ans de sa disparition. Et le lendemain, une célébration poétique de la langue arabe, Nour/Lumière, est programmée au cours d’une soirée réalisée en partenariat avec l’Institut du Monde Arabe. La richesse de cette langue, savante et poétique, prendra de nombreuses formes, de l’antéislamique au raï, des maqâm originels au rap, de la musique soufie à l’arabo-andalou. Suivront de nombreux spectacles comme Yes Dady ! de l’auteur et metteur en scène palestinien Bashar Murkus dont on avait vu Hash en 2021 (cf. notre article du 26 novembre 2021) et qui avait présenté Milk au Festival d’Avignon 2022 programmé par Olivier Py, alors directeur ; il est accompagné de Khulood Basel pour la dramaturgie et la production. Chapitre quatre de Waël Kadour, auteur et metteur en scène syrien sera présenté dans le cadre de la manifestation Vive le sujet ! Tentatives, réalisée en partenariat avec la SACD. Des chorégraphes comme Ali Chahrour (Liban), Radouan Mriziga (Maroc-Belgique), Selma et Sofiane Ouissi (Tunisie), Mohamed Toubakri (Tunisie-Belgique) présenteront leurs dernières pièces.
De nombreux artistes venant de partout dans le monde complètent la programmation diversifiée et ambitieuse du Festival, dont le retour de Thomas Ostermeier et la Schabühne de Berlin avec Le Canard sauvage d’Henrik Ibsen ; la danoise Mette Ingvartsen, dans une nouvelle chorégraphie, Delirious Night ; les performers portugais Jonas et Lander ; Mami de Mario Banushi, spectacle albano-grec. Une soirée particulière autour de Brel réinventé par Anne Teresa de Keersmaeker et Solal Mariotte est proposée dans la Carrière de Boulbon. De Suisse, Christoph Marthaler présentera Le Sommet et Milo Rau en nomade, tournera sur les terres avignonnaises avec La Lettre. La chanteuse capverdienne Mayra Andrade tentera de ré-enchanter le monde.
Beaucoup d’artistes français ou vivant en France sont aussi au générique du Festival dont François Tanguy du Théâtre du Radeau en ses deux derniers spectacles, Item et Par autan ; Tamara Al-Saadi, Jeanne Candel, Frédéric Fisbach, Clara Hédouin, Joris Lacoste, Gwenaël Morin, Émilie Rousset. Israël Galvan en duo avec Mohamed El Khatib, deux chemins artistiques a priori éloignés créeront Israël et Mohamed (Espagne-France). Tiago Rodrigues (Portugal-France) présentera un texte qu’il a écrit et mettra en scène, La Distance.
Telles sont les grandes lignes de l’édition qui se prépare. Comme le dit avec passion le Directeur du Festival d’Avignon, soyons Ensemble pour chercher les nouvelles formes d’un monde en crise, autour de la danse, la musique et le chant, le théâtre et les écritures, les arts visuels, autour de la langue arabe poétiquement portée, haut et fort. « Mais je poursuivrais le cours du chant, même si plus rares sont mes roses » écrivait Mahmoud Darwich.
Brigitte Rémer, le 5 avril 2025
La conférence de presse s’est tenue le 4 avril à Avignon et le 5 avril à l’Institut du Monde Arabe. Le Festival d’Avignon se déroulera du 5 au 26 juillet 2025. La billetterie électronique a ouvert ce matin, 5 avril à 11h sur www. festival-avignon.com et fnacspectacles.com –
À partir du 21 juin : par téléphone, de 10h à 19h (33(0) 4 90 14 14 14) – au guichet, du mardi au samedi, de 10h à 14h et de 16h à 19h, 20 rue du Portail Boquier, Avignon.
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