Présentation des photographies de l’artiste Emeric Lhuisset, au Salon H.
Rue de Savoie, à deux pas de Saint-André des Arts, le charmant Salon H a fait son nid. Créé en février 2013 par Yaël Halberthal et Philippe Zagouri, c’est un lieu d’expositions et d’échanges singuliers, imaginé comme un salon du XXIème siècle, et qui se découvre comme un espace stimulant, une passerelle où se répondent expériences et parcours inédits.
Emeric Lhuisset y expose la série Théâtre de guerre, qui pose la question de la mise en scène face au réel, et invite à repenser la guerre dans ses représentations. Il emprunte son titre à Carl Von Clausewitz. Depuis son origine, la photographie de conflit est confrontée à cette question du réel et interroge l’éthique. On est ici entre la photographie de guerre, les tableaux militaires, la recomposition photographique et la peinture classique.
Très élaborés, les grands formats d’Emeric Lhuisset montrent des groupes de soldats, hommes et femmes, en action, certains allongés car blessés, d’autres répliquant aux tirs. Les uniformes se fondent dans un paysage de rocailles et de montagnes, d’herbes passées sous le soleil déjà vif de ces petits matins. Gestes et temps suspendus, mitraillettes, blessures, on entend le silence jusqu’à ce qu’une une rafale parte en éclair et se perde dans l’immensité de ce désert habité. Des combattants se protègent derrière un mur. Un soldat au sol, blessé, remet ses dernières cartouches à un camarade.
Dans cette série du Théâtre de guerre, « le photographe invite de vrais combattants sur une zone d’affrontement à rejouer leur réalité dans des mises en scène inspirées de peintures classiques » dit le dossier de presse. Nous sommes au Kurdistan, dans la zone de conflit entre Irak, Iran, Turquie et Syrie. Combattants de ces régions et pershmergas kurdes s’affrontent. Le résultat est singulier. Le visiteur est interpelé par une sorte d’artifice, ou de mise en scène qui questionne la composition, la reconstitution et la notion de représentation. Est-on face à des acteurs en uniformes qui prennent la pose, ou face à des combattants ? Y a t-il un jeu de superposition d’images, partant de la réalité ? Et l’on se prend à penser qu’il existe un certain paradoxe pour traiter de la guerre en termes d’art et d’esthétique. Autrement dit comment la guerre peut-elle devenir une œuvre d’art et comment représenter les conflits ? Par ses photographies Emeric Lhuisset pose un point de vue et traduit en images son analyse géopolitique. La composition est picturale et les combattants en suspens. Un intérieur dévasté, par ses objets éparpillés et l’étrangeté du désordre, appelle Tadeusz Kantor et ses soldats de Wielopole.
Diplômé en arts – Ecole des Beaux-Arts de Paris – et en géopolitique – Université Panthéon-Sorbonne-ENS Ulm – Emeric Lhuisset mêle les techniques et invente son espace de création entre le géopolitique et l’artistique, se rendant dans différents pays en guerre. En même temps qu’il élabore la photo, il en fait le commentaire et questionne. Son travail repose sur la citation. Il a participé à de nombreuses expositions – Tate Modern à Londres, Museum Folkwang à Essen, Running Horse Contemporary Art Space au Liban, Stedelijk à Amsterdam – a reçu le prix Paris Jeunes Talents en 2011, et a publié en 2014 un ouvrage sur le soulèvement en Ukraine : Maydan-Hundred portraits, série de cent portraits de volontaires du mouvement Maydan de Kiev/Ukraine.
Eric Lhuisset se situe au carrefour de plusieurs disciplines dont il détourne les codes : l’histoire, l’ethnologie, la mise en scène et la peinture. Il traduit le géopolitique en art et superpose la photographie documentaire et la peinture classique. La nature à perte de vue, la lumière du petit matin, le bleu gris des uniformes, les expressions, frappent le regard. Ses photos portent une étrangeté et invitent à une réflexion sur l’image.
Brigitte Rémer, 24 juin 2016
Du 16 juin au 20 juillet 2016 (mardi au samedi 14h30-19h, tous les jours sur rendez-vous) – Salon H. 6/8 rue de Savoie. 75006. Paris – Métro : Saint-Michel, Odéon – Tél. : 06 80 17 65 47 – Site : www.salonh.fr
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