Expositions de la Fondation Louis Vuitton – Commissariat général Suzanne Pagé, Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton – Derniers Jours, jusqu’au 23 février 2023.
Deux expositions hautes en couleurs et complémentaires sont à recommander avant qu’elles ne quittent la Fondation Vuitton. Dialogue Claude Monet – Joan Mitchell et Rétrospective Joan Mitchell, la seconde permettant d’approfondir l’œuvre de cette grande artiste américaine. Claude Monet (1840 – 1926) et Joan Mitchell (1925-1992), deux époques, deux sensibilités, un même éclat en dialogue, dans le cadre d’un partenariat avec le Musée Marmottan-Monet.
Une double raison permet ce rapprochement confirme la Fondation Vuitton : d’une part c’est en 1950 aux États-Unis que Les Nymphéas de Monet font un triomphe et sont reconnues comme signes avant-coureurs de l’abstraction ; l’œuvre de Joan Mitchell est définie comme répondant à la notion d’impressionnisme abstrait et s’expose à ce titre dans deux salons ; Joan Mitchell d’autre part s’installe en 1968 dans le village de Vétheuil, dans l’Eure, où avait vécu Monet pendant trois ans avant de s’installer à Giverny – années difficiles pour lui, car sa femme, très malade, y décèdera et il fait face à des difficultés économiques. Période au demeurant où il peint plus de deux cents toiles sur son bateau-atelier ancré sur la Seine.
Joan Mitchell a donc regardé les mêmes paysages que Claude Monet mais a gardé sa propligne de travail, elle s’en explique : « Le matin, surtout très tôt, c’est violet ; Monet a déjà montré cela… Moi, quand je sors le matin c’est violet, je ne copie pas Monet ». Tous deux, à plusieurs décennies de distance, ont les mêmes perceptions de cet environnement magique et restituent sur la toile sensations pour le premier, feelings pour la seconde, au-delà de l’espace et du temps.
Pour Claude Monet, la dernière période de création apporte des oeuvres magistrales réalisées à Giverny, comme la Gare Saint-Lazare, la Cathédrale de Rouen et l’infinie minutie du travail sur la représentation des Nymphéas et leurs insondables déclinaisons sur l’eau. C’est le moment où il privilégie les couleurs et s’éloigne du contour. Parlant du principe de travail élaboré par Monet, le critique d’art américain Clément Greenberg disait qu’il « ne résidait pas dans la nature comme il pensait, mais dans l’essence même de l’art, dans sa faculté d’abstraction. » Dans une lettre au critique d’art Gustave Geffroy, Monet commentait, en 1912 : « Pour arriver à rendre ce que je ressens, j’en oublie totalement les règles les plus élémentaires de la peinture, s’il en existe toutefois. Bref, je laisse apparaître bien des fautes pour fixer mes sensations ».
Née à Chicago en 1925, Joan Mitchell est partie à vingt-quatre ans pour New-York, puis s’est installée durablement à Paris en 1959, avant de se poser dans sa maison de Vétheuil, en 1968. De ses allers et retours, elle construit ses règles et détermine ses rythmes, couleurs, gestes et matières, traduisant ses souvenirs et sentiments, ses paysages d’enfance. « Ma peinture est abstraite mais c’est aussi un paysage, sans être une illustration » dit-elle.
L’exposition présente une soixantaine d’œuvres emblématiques des deux artistes mettant en jeu des correspondances visuelles et thématiques. Entre autres, pour la première fois, l’ensemble du Triptyque des Agapanthes de Monet, conçu en trois parties réparties dans trois musées américains dont le thème est le bassin aux nymphéas et les reflets de l’eau. Pour Joan Mitchell, de nombreux tableaux exaltent la couleur – bleu cobalt, jaune colza, vert, rouge – et complètent son œuvre majeure, la Grande Vallée dont dix tableaux sur vingt et un sont ici montrés.
Monet et Mitchell utilisent tous deux de grands formats pour traduire les variations et subtilités de la couleur, jouant avec la lumière et alternant la matière, entre fluidités et épaisseurs. Tous deux expriment leur rapport fusionnel et lyrique au paysage avec une grande vitalité. Suzanne Pagé, commissaire générale de l’exposition avait organisé en 1982 la première exposition de Joan Mitchell dans un musée français. Le travail accompli est ici remarquable pour une mise en dialogue risquée mais pertinente entre ces deux artistes de générations donc de parcours bien différents.
Brigitte Rémer, le 8 février 2023
Dialogue Claude Monet – Joan Mitchell : Commissariat général de l’exposition Suzanne Pagé, Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton – Co-commissaires : Marianne Mathieu, directrice scientifique du Musée Marmottan Monet, et Angeline Scherf, conservatrice à la Fondation Louis Vuitton, assistée de Cordelia de Brosses, chargée de recherches et Claudia Buizza, assistante conservateur – Rétrospective Joan Mitchell : Commissariat général Suzanne Pagé, Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton – Commissaires de l’exposition : Katy Siegel, Senior Curator pour la recherche et programmation au Baltimore Museum of Art, et Sarah Roberts, Andrew W. Mellon Foundation Curator et responsable des peintures et sculptures au SFMOMA – Commissaire associé pour la présentation à Paris : Olivier Michelon, conservateur à la Fondation Louis Vuitton.
L’exposition « Rétrospective Joan Mitchell » est co-organisée par le San Francisco Musem of Modern Art (SFMOMA) et le Baltimore Museum of Art (BAM) avec la Fondation Louis Vuitton. Les expositions « Monet-Mitchell » sont organisées dans le cadre d’un partenariat scientifique avec le Musée Marmottan Monet – Jusqu’au 27 février 2023, Fondation Louis Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne. Paris – métro : Sablons, ligne 1.
Crédits photos : 1/ Claude Monet, Nymphéas, 1916 – 1919, huile sur toile, 200 × 180 cm, Musée Marmottan Monet, Paris © Musée Marmottan Monet, Paris – 2/ Joan Mitchell, La Grande Vallée, 1983, huile sur toile, 259 x 200 cm, Fondation Louis Vuitton © The Estate of Joan Mitchell – 3/ Claude Monet, Le jardin à Giverny, 1922-1926, huile sur toile, 93 x 74 cm, Musée Marmottan Monet © Musée Marmottan Monet, Paris – 4/ Joan Mitchell, La Grande Vallée XVI, pour Iva, 1983, huile sur toile, 259,7 x 199,4 cm, © The Estate of Joan Mitchell, Courtesy Joan Mitchell Foundation, New-York.
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