Un colloque international s’est tenu à Kairouan (Tunisie) en sa première édition, les 30 et 31 mars 2017, au Centre National des Arts Dramatiques et Scéniques, sur le thème : La désacralisation de l’espace théâtral.
En partenariat avec l’Unité de recherche de l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Sousse, le Centre National des Arts Dramatiques et Scéniques de Kairouan que dirige M. Hamadi Louheibi, acteur et metteur en scène, a réuni des chercheurs et praticiens venant de Tunisie, d’Egypte, d’Espagne et de France autour du thème : La désacralisation de l’espace théâtral. Les maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage, deux jeunes chercheurs en art du spectacle et scénographes, Mme Hanène Othmani et M. Fathi Rached, membres du CIRRAS – Centre International de Réflexion et de Recherche sur les Arts du Spectacle – ainsi qu’un jeune réalisateur enseignant chercheur en littérature et cinéma, M. Malek Ouakaoui, ont conçu et réalisé la manifestation.
Cette rencontre s’inscrivait dans le cadre du Symposium des théâtres organisé pour la seconde fois à Kairouan par le Centre des Arts, mini festival qui programme des spectacles venant de différents pays, pendant une semaine. Un appel d’offre avait été lancé aux écoles d’art de Tunisie, proposant des bourses pour la prise en charge d’étudiants qui souhaitaient participer au colloque. Une douzaine se sont joints aux débats.
Plus l’on réfléchit à la question de La désacralisation de l’espace théâtral et plus l’objet échappe. Il semble aussi volatile que la représentation théâtrale elle-même dont les traces s’estompent au fil du temps et de la mémoire. Parle-t-on de l’espace de jeu, du plateau ? Evoque-t-on le public, le lieu où se déroule la représentation, dans sa configuration scène-salle ? Pose-t-on la question de l’acte théâtral, son contenu, ses langages ?
Chaque intervenant a apporté sa réponse et ses interrogations dans les différents domaines du théâtre, de la danse, du cinéma, de la littérature et du numérique, au cours de cinq tables rondes.
Du côté du théâtre, Sana Mahroug Mhibik, enseignante à l’Université Paris 13 a partagé ses Réflexions sur les aspects théâtraux dans Les Cerbères, de Mohamed Khair-Eddine, un des plus grands auteurs de la littérature marocaine, sorte d’Artaud maghrébin ; Hanène Othmani a évoqué Godot transplanté par Mohamed Kaouti le fondateur du théâtre marocain, sous l’intitulé : Quand Godot devient Sidna Kdar ; Ezzedine Abbassi professeur à l’Institut Supérieur des Arts Dramatiques de Tunis, a lancé une réflexion sur le thème Espace sacré et Espace profane à travers l’exemple d’Œdipe-Roi, faisant référence à Jean-Pierre Vernant et à Tawfiq al-Hakim. Mohamed Hedi Farhani, professeur à l’Université de Kairouan a mis en exergue, d’Adam à Œdipe, la dualité entre le sacré et l’impur, l’ombre et la lumière ; A partir des mots de Roland Barthes « Car ce que la scène fermée supprime, c’est un travail, c’est une liberté » Brigitte Rémer a parlé de décentrement selon Tadeusz Kantor et d’Espace vide selon Peter Brook, des passeurs de cultures entre l’Europe et l’Afrique et des niches de création que sont les friches industrielles et les arts de la rue ; Fathi Rached, a parlé du Spectacle Arab, du Nouveau Théâtre : quand la fuite devient un acte constructeur, co-mis en scène en 1986 par Fadhel Jaïbi et Fadhel Jaziri, dans la Cathédrale Saint-Louis de Carthage ; Olfa Bouassida Souli, enseignante à l’Institut des Beaux-Arts de Sousse a analysé L’espace scénique chez Ariane Mnouchkine : forme et enjeux, et la place du public, juge, complice et critique, dans son spectacle 1789.
Du côté de la danse Carolane Sanchez a évoqué une Cartographie Flamenca : espace et mutations autour du poids de la tradition lié au poids de la religion. Du côté du cinéma, Maha Gad El Hak, professeur à l’Université du Caire, en Egypte, a parlé de L’Espace dans le film Rough stage à partir de l’analyse d’images sur un jeune danseur palestinien préparant un concours de danse contemporaine avec pour partenaire une juive estonienne, à contre courant des volontés de sa famille ; Malek Ouakaoui a présenté son travail sur L’esthétique cinématographique ou l’affranchissement des lois théâtrales, se référant à L’Art poétique de Boileau, à la question du rythme, et à Méliès, homme de théâtre autant que cinéaste, dans sa pensée d’un plan et dans le placement très frontal de la caméra.
Du côté de la littérature, Dorsaf Ben Essid, assistante à l’Université de Kef a évoqué l’inscription du théâtre dans l’œuvre de Pierre Loti à partir de son premier roman, Aziyadé, dont l’action se déroule en Turquie, parlant de transgression, et de la figure de Karagöz comme moyen de subversion, et du côté du numérique, Soumaya Haj Amor, de l’Institut des Beaux-arts de Sousse, a présenté La posture de l’acteur dans le théâtre numérique : enjeux et esthétique. »
Chaque table ronde a remis en débat cette notion de désacralisation de l’espace, qui cherche autour des concepts de profanation, subversion, transgression, déconstruction et illusion, mais qui s’en détache. La construction de la théâtralité se fait-elle par l’implosion du lieu théâtral ? Entre abri, édifice ou tréteaux, comment raconter l’histoire de notre temps ? Quelle frontière entre univers réel et univers onirique ? A la multiplicité de questions engendrées par le thème, cette première édition, prometteuse, a tenté d’apporter des réponses.
Brigitte Rémer, le 18 avril 2017
Centre National des Arts Dramatiques et Scéniques de Kairouan. Tél. : + 216 772 365 52 – Contacts : fethi.benrached@yahoo.fr – hanene_othmani@yahoo.fr
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