Spectacle présenté par la Maison de la Culture du Japon et le Festival d’Automne. Texte et mise en scène Kurô Tanino – Compagnie Niwa Gekidan Penino.
Une auberge coupée du monde dans une ville thermale de la Vallée de l’Enfer, au coeur des montagnes. Deux personnages, étranges, arrivent de Tokyo, un début d’après-midi. Le thermomètre affiche zéro. Ils se chauffent autour d’un poêle en attendant le directeur des lieux qui les a invités à donner une représentation de leur spectacle de marionnettes, lettre à l’appui. Un grand silence s’installe entre ces deux hommes, qui se présentent comme père et fils. Le premier est de petite taille, nain aux longs cheveux, le second semble impassible et flotter dans son corps.
Pas de propriétaire du lieu, l’expéditeur de la lettre reste inconnu et il n’y a plus de car avant 6h30 le lendemain matin pour repartir. Ils font, dans cette auberge plus que singulière, une série de rencontres avec les quelques villageois qui l’habitent, venus en cure : Takiko, la vieille femme du premier étage, méfiante et croyante à outrance qui leur offre l’hospitalité ; deux geishas qui occupent la même chambre et avec lesquelles elle conspire ; Matsuo, qui a perdu la vue, féru de flore par l’herbier qu’il compose, homme du désespoir avec qui ils vont partager la chambre du rez-de-chaussée. Un sansuke dans son office, aperçu à travers la vitre à l’arrière-plan, saisonnier chargé de l’entretien des bains, de laver le corps des clients, de les coiffer, un réel métier aujourd’hui disparu.
Au-delà de l’histoire racontée par la narratrice, la scénographie fait vivre les lieux, elle en est le personnage principal et traduit la topographie de l’auberge. Sur plateau tournant – une belle idée – apparaissent successivement les différentes pièces de la maison : le vestibule, où l’on se déchausse ; les chambres, superposées, où l’on suit les activités de chacun, rencontre improbable de deux mondes qui se télescopent entre les marionnettistes – hommes de la ville – et les villageois ; les thermes, pièce maitresse d’où s’échappent les vapeurs des bains chauds qui ponctuent la vie des occupants et où se déroule une partie du spectacle.
Le mot Avidya a plusieurs sens, c’est le premier des douze maillons du bouddhisme, il signifie en sanskrit ignorance, illusion et aveuglement. Le metteur en scène retient le mot égarement, ses personnages sont décalés, perdus et hors du temps. L’auberge est d’ailleurs vouée à la démolition pour laisser place à une nouvelle ligne de chemin de fer et cette fin d’un monde inquiète les résidents.
Dans cette ambiance lourde et d’immobilité, d’obscurité, plane le mystère du spectacle caché au fond de la valise. Père et fils se décident à le montrer, la marionnette engage son corps à corps avec le père tandis que le fils égrène les cordes de son shamisen. Le spectacle qu’ils jugent incompréhensible déstabilise les fragiles locataires de l’auberge et se termine sur une petite apocalypse sexuelle.
Kurô Tanino a abandonné ses études de médecine pour la dramaturgie et la mise en scène et créé sa compagnie, Niwa Gekidan Penino, en 2000. Il présente son travail en public depuis 2007 et remporte un vif succès. Il obtient le 60ème Kunio Kishida Drama Award en mars 2016 pour cette mise en scène de Avidya – L’Auberge de l’obscurité dans laquelle il démystifie les corps et crée tout au long une ambiance d’étrangeté et de mystère.
Brigitte Rémer, 20 septembre 2016
Avec Mame Yamada, Takahiko Tsuji, Ichigo Iida, Bobumi Hidaka, Atsuko Kubo, Kayo Ishikawa, Hayato Mori – Dramaturgie Junichiro Tamaki, Yukiko Yamaguchi, Mario Yoshino – Décors Kurô Tanino, Machiko Inada – Directeur technique Isao Kubo – Lumière Masayuki Abe – Musique Yu Okuda – Narration Ritsuko Tamura – Traduction surtitrage Miyako Slocombe.
Du 14 au 17 septembre 2016 – Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Branly. 75015. Métro : Bir Hakeim – Tél. : 01 44 37 95 00/01 – Site : www.mcjp.fr et Festival d’Automne – Tél. : 01 53 45 17 17 – Site : www.festival-automne.com
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