Texte Jacques Forgeas, mise en scène Sophie Gubri, compagnie Restons masqués, production Dominique Attal, au Théâtre du Ranelagh.
C’est une rencontre imaginée sur un mode assez loufoque entre deux grands Jean du XVIIème, Racine et La Fontaine, on ne peut plus opposés dans leurs genres littéraires. Le premier, costume classique gris anthracite est aussi taciturne que son vêtement, le second, bien dans sa peau bien dans la vie, blouson de daim couleur sable pantalon marron glacé, plutôt gai luron. Tous deux se présentent, par le vêtement, copie conforme à leurs univers respectifs, celui de la tragédie pour le premier, celui des fables et des élégies pour le second.
A la demande de La Fontaine, deux jeunes femmes servent d’appât pour provoquer une rencontre fortuite entre les deux écrivains, La Fontaine – ami de Racine malgré les remontrances de Port-Royal – voulant vérifier une information sur laquelle il bute : Racine aurait accepté de devenir l’historiographe du Roi, signant par là même son arrêt en écriture, il veut comprendre.
Les deux jeunes femmes acceptent de se prêter au jeu, même si l’une d’entre elle est au départ plus réservée que l’autre à l’idée de séquestrer Racine, ou tout au moins de le détourner de sa trajectoire. La première, Clarisse, actrice, est un chromo de l’élégance : bandeau dans les cheveux et ballerines rouges, robe noire au liseré de cuir et veste blanche imitation fourrure, elle adore le théâtre, a de l’expérience, elle relève le défi. La seconde, jeune fille d’aujourd’hui, pantalon marine et tennis blanc, haut seyant, à poids, est sur la réserve et finit par se laisser convaincre.
Le tandem vaille que vaille réalise le plan La Fontaine, détournant Racine dans une loge de l’Hôtel de Bourgogne où il avait obtenu de grands succès. Les souvenirs alors ressurgissent, autant de prétextes pour parler de la complexité du théâtre. D’abord sur la défensive, Racine se laisse aller aux confidences, parle de sa jeunesse orpheline – sa mère décède quand il a deux ans, son père quand il en a quatre – et de ses études strictes à Port-Royal-des-Champs, de ses amours déçus avec la Champmeslé pour qui il avait écrit les plus grands rôles féminins qu’elle interprétât – Atalide dans Bajazet, Monime dans Mithridate, Iphigénie dans la pièce du même nom, Phèdre dans Phèdre et Hippolyte -.
Appelé auprès du Roi comme historiographe, Racine confirme à son ami La Fontaine suspendre le temps de l’écriture et comme le dit l’Histoire, après le succès de Phèdre, en 1677, il garda le silence pendant de nombreuses années.
La pièce de Jacques Forgeas, ni tragédie ni fable est une fantaisie à la manière de… qui superpose les époques. L’exaltation et les passions de Racine se sont éloignées, La Fontaine sert de maître de cérémonie et les actrices, dans ce monde d’homme prennent toute leur dimension. Une soirée qui transforme l’Histoire en un sympathique roman photo où chacun – acteurs, scénographe, création costumes, musique et lumière – est à sa place.
Brigitte Rémer, 20 octobre 2016
Avec Baptiste Caillaud (Racine), Clovis Fouin (La Fontaine), Katia Miran (Clarisse), Perrine Dauger (Sylvia). Création musicale Nicolas Jorelle – scénographie Camille Dugas – lumière Marie-Hélène Pinon – costumes Laurence Forgue Lockhart.
A partir du 15 septembre 2016, soixante représentations, du mercredi au samedi à 19h, dimanche à 15h – Théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes, 75016. Métro : La Muette – E-mail : www.theatre-ranelagh.com et www.cierestonsmasques.fr – Tél. : 06 07 78 97 60.
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