Marionnettes bozo du Mali, au musée du quai Branly-Jacques Chirac/Théâtre de Verdure, en partenariat avec la maison des Cultures du Monde.
Au bord du fleuve Niger, près de Ségou, au Mali, Kirango est un village où vivent un peuple d’agriculteurs, les Bamanas et un peuple de pêcheurs, l’ethnie Bozo. Ils font partie des Mandingues et sont appelé « Maîtres du fleuve. » A certaines occasions les deux communautés célèbrent une fête rituelle, moment important de la vie sociale autour des masques, au rythme des tambours et de la danse.
L’association des jeunes du quartier Jaka organise de loin en loin la fête des pêcheurs, lors de la circoncision des garçons d’une même classe d’âge, ou lors d’un événement particulier. La fête se célèbre autour de la sortie de masques aux formes animales, fabriqués artisanalement et appelés marionnettes bozo. Elle est le reflet de leur identité culturelle. De grands masques représentant des animaux, mythiques ou réels, les sogow, relient le monde des esprits à celui des humains. Quand le secret sort, les esprits paraissent. Les pêcheurs Bozo, descendants de Faaro, esprit de l’eau et vivant sous l’eau, dieu créateur selon la légende, appellent cette manifestation do bò / la sortie du secret.
Dans les temps précoloniaux les Bozo furent les premiers à pratiquer des défilés de sogow/masques-marionnettes ils sont les précurseurs de cette tradition. La fête se passe sur les pirogues qui défilent sur le fleuve Niger, pendant le jour, plus de deux cents femmes y prennent place pour chanter, masques et castelets y sont déposés. Sur la première pirogue se trouvent le masque du méchant chimpanzé/ Gonfarinman ainsi que deux castelets couverts d’étoffe. L’un porte une tête d’oiseau/Kono, l’autre une tête de cheval/So et un cavalier sur le dos. Chanteurs et joueurs de tambour se tiennent sur la deuxième pirogue. La troisième pirogue porte un castelet d’étoffe et de paille, sur lequel se dresse une tête d’antilope/Koon. Le soir, la fête se poursuit sur la place publique, les sogow de nuit, fabriqués en tissu, représentent des animaux aquatiques ou terrestres, comme les poissons/Wulujege et Saalen, les scorpions/Bunteninw figure de jumeaux, le crocodile/Bama, le serpent/Sa. Autour d’eux nage un poisson, ou un crocodile.
Dans le charmant Théâtre de Verdure du musée du quai Branly où l’on est si bien un dimanche d’été, sont réunis huit danseurs et musiciens, une chanteuse-danseuse, pour ce spectacle inédit, Masques et Danses des Maîtres du Fleuve. Nous ne sommes pas sur les rives du fleuve Niger, les danseurs présentent les sogow du côté jardin au côté cour, sur un plateau peu profond mais de belle ouverture permettant une circulation fluide et un geste ample de la marionnette. On y retrouve les figures animales et mythiques énoncées ci-dessus, masques de jour : méchant chimpanzé fabriqué dans des sacs de jute récupérés (100 kilos), cheval qui danse, antilope au castelet de paille, oiseau aux plumes de couleurs, esprit de l’eau femme-sirène aux ongles de magicienne, et masques de nuit : poisson-capitaine, scorpions de couleur orange et qui dansent, crocodile à la longue queue, serpent rebelle et brave hippopotame. Certains animaux rampent, le danseur enfermé dans le tissu carapace n’a souvent qu’une faible visibilité, il est guidé par l’un d’entre eux, à l’aide d’une cloche.
Ce défilé de sogow est porté, tout au long de la représentation, par les tambours qui battent le rythme et par le chant en langue bamanan de Fatoumata Famanta. Ce chant accompagne le thème animal, comparant les poissons à un miroir d’or, ou parle des prouesses de chasse des Bozo, ou encore évoque la jalousie. La danse Sogolon, collective, qui ouvre et ferme le spectacle, et la danse Tèrè qui se danse en duo, s’ancrent dans le sol. Les danseurs et la chanteuse portant un vêtement écru magnifiquement couvert de signes noirs – lettres et symboles – tiennent à la main des foulards noirs et déposent, au début du spectacle, des calebasses. Tous sont à féliciter chaleureusement.
Inscrites depuis 2014 sur la liste Unesco du patrimoine culturel immatériel, les Marionnettes bozo du Mali, sont un événement rare où se côtoient le réel et l’imaginaire. Le partager est un privilège. L’anthropologue néerlandaise, Elisabeth den Otter, spécialiste des marionnettes non-européennes, est venue initier le public en introduction au spectacle. Ce bel événement du musée du quai Branly a provoqué l’enthousiasme des petits et des grands.
Brigitte Rémer, le 21 juillet 2021
Distribution – Manipulateur, danseur et chef de la troupe : Amadou Famanta – Manipulateurs et danseurs : Adama Dembele, Madou Kone, Soumana Karabenta, Oumar Konta – Tambours bongolo et nganga : Bougadary Fanafo, Ibrahima Famanta, Yaou Karabenta, Moulaye Niono – Chant soliste : Fatoumata Famanta.
Les samedi 10 et dimanche 11 juillet à 16h, musée du quai Branly-Jacques Chirac / Théâtre de Verdure, 37 quai Branly 75007 Paris. M° Alma-Marceau (ligne 9), RER C Pont de l’Alma, Bus ligne 92 Bosquet-Rapp. Accès gratuit sur présentation d’une contremarque (retrait 1h avant le spectacle, à l’accueil dédié dans le jardin) – Vu le 11 juillet 2021.
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