Deux chorégraphies : førm Inførms, de Marco Da Silva Ferreira et Emaphalkathini d’Amala Dianor – compagnie Via Katlehong, à la Maison des Arts de Créteil.
Créée en 1992, la compagnie Via Katlehong originaire d’Afrique du Sud porte le nom d’un township où règnent pauvreté et apartheid. Pilotée par Buru Mohlabane et Steven Faleni elle s’inscrit à la croisée de cultures métissées, de la contestation et de l’engagement, et remplit une mission éducative et sociale. La troupe travaille sur les cultures communautaires et témoigne particulièrement de la sienne, la culture pantsula née de l’exode rural et de l’enfermement dans des townships, ces ghettos situés à la lisière des grandes villes où régnaient chômage et criminalité.
Dans l’hybridation de sa danse, Via Katlehong combine la danse pantsula, sorte de hip hop moins le côté acrobatique, la tap danse, comme des claquettes avec chaussures ferrées, le step, ces pas variés et rythmés sur une musique d’enfer, le gumboot, une danse de mineurs à base de frappes des mains sur les cuisses et les mollets, le tout réalisé avec une incroyable rapidité et un tonus témoignant d’une grande force de vie, d’une belle virtuosité. La compagnie s’adjoint parfois le regard, les techniques et l’univers de chorégraphes invités. Ce fut le cas avec Robyn Orlin et Christian Rizzo, et en 2017 avec Gregory Muqoma qui avait créé pour et avec eux Via Kanana qui remporta un grand succès. Cette année, Marco Da Silva Ferreira, chorégraphe portugais et Amala Dianor, chorégraphe franco-sénégalais, créèrent avec huit danseurs de la Compagnie, Via Injabulo pour le Festival d’Avignon.
Formé en autodidacte aux danses urbaines et imbibé de kuduro, un style venu d’Angola, Marco Da Silva Ferreira inscrit sa pièce førm Inførms, en première partie et « revisite les archives de ses créations précédentes. » Avec humour et dans une rapidité folle jusqu’à l’anéantissement, en référence à hier, les danseurs se cassent et se réparent, expriment leur bonheur et leur souffrance, dansent seuls mais ensemble. La pièce s’inscrit dans le contraste, le contrepoint, la décomposition et la recomposition et étire les opposés jusqu’à la dérision, mettant l’accent sur la métamorphose des corps.
En seconde partie, c’est avec Emaphalkathini – qui signifie en zoulou entre deux – que le danseur hip hop et chorégraphe Amala Dianor formé entre autres au CNDC d’Angers et ayant été interprète dans différentes compagnies, développe l’hybridation et la résilience, la fête et la fureur de vivre. Hybride aussi la musique, composée de chants zoulous et de house music. Le chorégraphe est allé travailler dans le township des Via Katlehong, et a choisi « de donner la part belle à cette énergie tout en montrant le revers de la médaille, la tension inhérente en Afrique du Sud. » Avec les danseurs, il défriche de nouveaux espaces en repoussant les frontières, crée un hymne à la jeunesse et une poétique de l’altérité.
Accompagné de ces deux chorégraphes, Marco Da Silva Ferreira et Amala Dianor, Via Katlehong s’engage dans la danse, célèbre la vie et dégage avec sa générosité partagée une frénétique énergie collective. Les danseurs ne touchent plus terre et dépassant les tourments, inventent leurs fêtes à travers leurs engagements pleins de fantaisie et d’inventivité. Cette puissance et cette force de vie sont contagieuses et bien utiles, par les temps qui courent.
Brigitte Rémer, le 30 novembre 2022
Avec les danseurs : Thulisile Binda, Julia Burnhams, Katleho Lekhula, Lungile Mahlangu, TshepoMohlabane, Kgadi Motsoane, Thato Qofela et Abel Vilakazi – musique : førm Inførms, Jonathan Uliel Saldanha – Emaphalkathini, Awir Leon – lumières Cárin Geada – costumes, stylisme : førm Inførms, Dark Dindie styling concept – Emaphalkathini, Julia Burnham – régisseur général Alexander Farmer – directeurs de projet, Buru Mohlabane et Steven Faleni (Via Katlehong).
Du 24 au 26 novembre 2022 à 20h – à la Maison des Arts de Créteil, Place Salvador Allende, 94000 Créteil – ligne 8 : Créteil-préfecture – site : www.maccreteil.com – tél. : 01 45 13 19 19
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