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Au “Point Fort” d’Aubervilliers

Alsarah & the Nubatones © Waleed Shah

Le Pavillon Dream City présentait un concert de Alsarah & the Nubatones et une chorégraphie de Radouan Mriziga, Libya – en partenariat avec le Théâtre de la Commune/Centre dramatique national d’Aubervilliers et la Carte blanche du Festival d’Automne, au Point Fort d’Aubervilliers.

Dans ce bel espace dit Le Point Fort, sur l’ancien territoire du Fort d’Aubervilliers et longeant le Théâtre Zingaro, au fond d’un grand terrain, on débouche sur différents aménagements dont un espace chapiteau en dur et toit de toile aux proportions intéressantes, comportant pour le concert une scène surélevée, un grand dance floor, au fond, quelques rangées de gradins. L’endroit est chaleureux.

Alsarah & the Nubatones – C’est sous ce chapiteau que se présente le groupe musical Alsarah & the Nubatones fondé en 2010 par la chanteuse, compositrice et ethnomusicologue américano-soudanaise, Sarah Abunami-Elgadi. Avec ses musiciens : sa sœur, Nahid Abunami-Elgadi (claviers et vocaux),Mawuena Kodjavi (trompette et basse), Brandon Terzic (oud électrique), Rami El-Aasser(percussion), elle cherche dans la rétro-pop d’Afrique de l’Est et, vivant à New-York, n’oublie pas son Soudan natal.

Libya © Pol Guillard

Son inspiration et ses rythmes puisent dans les chants de retour, chants traditionnels de l’espérance nubienne, pour l’Égypte, autant que dans la soul et le groove afro-américain. Le voyage et la migration nourrissent sa musique, et sa voix, intense, passe de collines en collines, déclinant les gammes pentatoniques de la musique afro-arabe soudanaise. Alsarah & the Nubatones ont déjà enregistré trois albums. Ils électrisent, dans tous les sens du terme. La majorité du public est sur le dance floor et ça swingue.

Libya, la troisième pièce du chorégraphe maroco-bruxellois Radouan Mriziga, parle de l’héritage Amazigh du Maghreb, ce peuple du désert dont le savoir et l’histoire sont notamment transmis à travers les conteurs, les chanteurs et danseurs. Au sol, sur tapis blanc, s’entrecroisent des lignes de couleur jaune, verte, rouge, formant des triangles et comme des itinéraires. A l’arrière-plan, un immense écran sur lequel sont projetés des paysages. La musique – principalement oud et percussions – et le texte sont enregistrés, le texte est en langue anglaise, je l’aurais préféré en v.o, en arabe. Les danseurs viennent de formations et d’horizons différents. Des solos de grande virtuosité, des duos et des danses collectives se succèdent sur des entrées et sorties fondues et enchaînées. Certains s’immobilisent et observent les autres. On se touche peu. A certains moments les rythmes amazighs nous emmènent dans la fête populaire, les danseurs se passent le relais, ou avancent en ligne, ou en ronde.

Méditatif, Libya appelle la mémoire collective. C’est une invitation à parcourir la palette des états de l’âme humaine – amour, joie ou tristesse, désir, passion. Des incantations accompagnent le mouvement de l’eau, la mer sur écran. Plusieurs discours se superposent. Un chant solo guide une danse solo, comme une prière. Après la mer, défilent des images de désert, le spectacle se clôt sur un chant en anglais. Dommage !

La carte blanche du Festival d’Automne, pose un geste artistique et politique à travers la création, dialogue entre les différentes pratiques et disciplines, une précieuse initiative qui permet la découverte.

Brigitte Rémer, le 24 septembre 2024

Alsarah & the Nubatones concert du 21 septembre 2024 – Avec : Sarah Abunami-Elgadi, chanteuse et les musiciens : Nahid Abunami-Elgadi (claviers et vocaux), Mawuena Kodjavi (trompette et basse), Brandon Terzic (oud électrique), Rami El-Aasser(percussion) – Ingénieur du son Mohamed Abd El Halem – Manager Mounir Kabbaj

Libya, vu le 22 septembre 2024. Concept et chorégraphie Radouan Mriziga – interprètes : Sondos Belhassen, Mahdi Chammem, Hichem Chebli, Bilal El Had, Maïté Minh Tâm Jeannolin, Senda Jebali, Feteh Khiari, Myriam Rabah-Konaté. Scénographie Radouan Mriziga – costumes Anissa Aidia & Lila John – lumières Radouan Mriziga – contribution poème And set them alight de Asmaa Jama – assistanat Aïcha Ben Miled, Nada Khomsi, Khalil Jegham.

Le Point Fort d’Aubervilliers, 174 avenue Jean-Jaurès. 93300. Aubervilliers – métro : Fort d’Aubervilliers – tél. : 01 48 36 34 02 – site : www.lepointfort.com et Festival d’Automne :  tél. : 01 53 45 17 17 – site : www.festival-automne.com

Bird

Performance de Sofiane et Selma Ouissi – danse, Sofiane Ouissi – musique Jihed Khmiri – co-réalisation Théâtre de la Commune d’Aubervilliers/carte blanche Dream City, Festival d’Automne 2024 – au Théâtre de la Commune.

© Ali Al Fadlio

Créé dans la Médina de Tunis en 2007, Dream City regroupe plusieurs artistes dont Sofiane et Selma Ouissi, qui dessinent un nouvel espace urbain à travers la création artistique. Jan Goossens les rejoint autour de ce festival pluridisciplinaire qui s’est installé cette année à Aubervilliers à l’initiative du Festival d’Automne et du Théâtre de la Commune. Dream City présente dans différents lieux de la ville théâtre, danse, performances, musiques, rencontres etc.

La performance que présentent Sofiane et Selma Ouissi, est un délicat objet théâtral et dansé. Sofiane Ouissi le fait vivre, seul en scène, accompagné d’un musicien, Jihed Khmiri. Déambulant derrière le public disposé en carré et sur trois rangs, le performeur échange quelques mots à la volée, notamment avec les enfants présents qui font connaissance avec l’oiseau. Dans un coin de ce bel espace scénique – un carré recouvert d’un plancher – le musicien et ses percussions, de l’autre côté un pupitre et le oud, dans un troisième angle, la star de la représentation qui a rejoint son perchoir, Blanche Neige, l’oiseau blanc qui remplace Chams, le partenaire privilégié de Sofiane Ouissi, resté en Tunisie car interdit de sortie du territoire. Suspendu près du perchoir, un amas de coquillages qui plus tard portés en ceinture, rythmeront les pas du danseur.

© Pol Guillard

Quand il entre en scène portant une veste vert pomme, un pantalon orange et une blouse lie-de-vin, le danseur présente ses collaborateurs puis ganté, invite l’oiseau à se poser sur sa main avant qu’il le repose aussi délicatement et se mette à danser. Comme un derviche, il crée son personnage et devient lui-même oiseau. Puis il écrit sur le sol à la craie, lettre par lettre, le mot B.I.R.D. en dansant au rythme des percussions, dans une chorégraphie ludique et élaborée, de diagonale à accélération, marche arrière marche avant, amplitude et légèreté.

Quand il danse avec l’oiseau, posé sur la main ou sur le bras, ou encore sur la tête comme un chapeau, du duo improbable se dégage une grande élégance. Les gestes sont ritualisés en même temps que simples et denses. De ce tête-à- tête en complicité et confiance se dégage une grande poésie à laquelle se joint le musicien aux aguets, qui entre avec eux dans la danse.

Dans une évidente concentration, tel un grand-prêtre, Sofiane Ouissi dialogue avec l’oiseau qui fait le beau en dépliant les ailes au son délicat du oud. Entre déséquilibres et balancements, suspension et accélération, ce pas de deux traduit une complicité douce renforcée par la musicalité des coquillages dont s’est paré le danseur, répondant au oud. L’instrument s’amplifie dans une partition qui s’accélère, la danse mène à la transe, le performeur tourne en boucle en dessinant des cercles, jusqu’au noir final.

© Selma Ouissi

Dans Bird Sofiane Ouissi explore la relation à l’oiseau à partir des gestes ordinaires du quotidien. En symbiose avec lui et en empathie avec le public, il nous entraîne dans sa danse des sept voiles vers un moment magique. Et Rimbaud n’est pas bien loin quand il écrit : « J’ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse… »

Brigitte Rémer, le 1er octobre 2024

Avec : Sofiane Ouissi, Jihed Khmiri, deux pigeons – création musicale Jihed Khmiri – soutien technique (animalier) Mohammed Attia, Akhtar Ali Khan – régie technique Mohamed Belkhir – production Paul Kerstens.

Vu le dimanche 22 septembre 2024, au Théâtre de la Commune, Centre Dramatique National d’Aubervilliers, 2 rue Edouard Poisson. 93300. Aubervilliers – tél. : 01 48 33 16 16 – site : www.lacommune-aubervilliers.fr et  www.festival-automne.com, tél. : 01 53 45 17 17