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Tous danseurs

30 artistes qui font la danse d’aujourd’hui et de demain, par Dorothée de Cabissole, aux éditions Marabout.

1ère de couverture

C’est un livre plein de charme dans lequel on peut piocher à la recherche de l’oiseau/l’oiselle rare, danseur ou danseuse qui nous a fait vibrer ou qui va nous prendre dans ses ailes pour nous emmener bien haut dans le ciel de ses émotions. À feuilleter, à butiner ou à dévorer, dans tous les cas à savourer tant la conception graphique et les photographies pleine page sont séduisantes et donnent envie.

Alors entrons dans le mouvement avec ce portrait des différents styles et formes de danses ouvrant sur une multiplicité de langages corporels qui rappelle, ou qui appelle, la danse classique, contemporaine, hip-hop, breaking, krump, électro, voguing, waacking, danses en talons, danses de salon, flamenco, à travers la parole de trente danseurs et danseuses. Le cœur du dispositif est un podcast, Tous danseurs, dans lequel l’auteure, Dorothée de Cabissole, passionnée de danse et qui la pratique depuis l’enfance, donne la parole à des acteurs/actrices de toutes les danses, dans le but de rendre leur art accessible à tous.

D’un classement en onze techniques et expressions dansées, la danse contemporaine occupe un tiers du livre. « C’est le territoire du présent et de l’avant-garde pour toutes les générations de chorégraphes… Elle n’a pas de frontière esthétique et ne cesse d’imaginer des ailleurs » dit l’auteure qui en reprend le développement depuis les années 1930, aux États-Unis et en Allemagne, pour arriver en France une quarantaine d’années plus tard. Isadora Duncan, Loïe Fuller, Ruth Saint-Denis contribuent à l’avènement d’une nouvelle danse qui va se développer avec Martha Graham et Merce Cunningham. « Pour moi, Cunningham, c’est le Marcel Duchamp de la danse. Il a mis le curseur si haut, avec une conception si avant-gardiste de l’idée qu’on avait de l’art, que la plupart des artistes essaient encore de combler ce vide », dit Angelin Preljocaj – auteur de la préface du livre – qui, en tant que chorégraphe, s’est imprégné de son vocabulaire.

L’auteure évoque la révolution de la danse à partir de 1960, avec l’émergence de la postmodern dance et de Pina Bausch avec le Tanztheater qui casse l’image du danseur parfait, et crée un langage nouveau basé notamment sur le collectif. Puis elle décline les mutations de la danse en France à partir de 1970, avec le développement de la danse contemporaine puis l’institutionnalisation une dizaine d’années plus tard avec Michel Guy puis Jack Lang comme ministres de la Culture, avec Georges Frêche comme Maire de Montpellier et l’implantation dans la ville de Dominique Bagouet et du festival Montpellier Danse, de la création des lieux de diffusion et de celle d’un diplôme d’enseignement de la danse contemporaine.

Assembly Hall, de Crystal Pite © Michael Slobodian

Dorothée de Cabissole liste les chorégraphes de renom venant de tous les points du monde dont Sidi Larbi Cherkaoui, Damien Jalet, Anne Teresa de Keersmacker, Blanca Li, Mourad Merzouki, Ohad Naharin, Angelin Preljocaj, Rachid Ouramdane, Crystal Pite, Hofesh Shechter et met la focale sur beaucoup d’autres, parcourant leur biographie et les questionnant sur leurs parcours, sur ce qu’ils aiment.

Elle poursuit son inventaire avec des techniques populaires, ou parfois moins connues, définit le hip-hop comme « une culture positive, un mouvement, une philosophie », proche du graffiti pour les arts visuels et expression de la révolte en interviewant plusieurs de ses chorégraphes, dont Ousmane Sy ; présente le breaking en son étymologie, ses origines et sa gestuelle ; le krump en parlant notamment de Grichka Caruge, son pionnier ; la danse électro et ses battles, danse cent pour cent française qui, à partir des années 2000, puise dans les musiques électroniques mixées par les DJ ; le voguing, syncrétisme de nombreuses influences dont les arts martiaux et les sports de combat ; le waacking, né dans les clubs gay, avec une de ses figures majeures, Josépha Madoki, née à Kinshasa (RDC).

Requiem(s) d’Angelin Preljocaj © Didier Philispart

Le livre se poursuit, investiguant autour de la danse en talons qui allie puissance et sensualité et dont la figure-phare est Yanis Marshall qui en assure la transmission dans le monde ; puis survole les danses de salon, témoignage de l’évolution de la danse et de la société qui a ses origines dans les danses de cour et inclut la danse sportive, une danse de compétition dont Fauve Hautot est une représentante inspirée ; le flamenco, qui a pour origine les danses populaires d’Andalousie et mêle la danse, la musique et le chant, avec Paula Comitre, comme étoile montante de la catégorie.

Tous danseurs, s’ouvre sur la préface d’Angelin Preljocaj : « Dans la danse j’ai trouvé ma vie, j’ai trouvé mon être. C’est ma façon d’exister », suivi des cent dates qui ont marqué l’évolution de la danse. Le livre se ferme sur un petit répertoire de livres et de films sur la danse, et la postface de Marion Motin : « Pour danser, j’ai besoin de musique, beaucoup. La musique me transcende et je n’ai besoin de rien d’autre. Être présente dans mon corps. Être là, c’est tout. » C’est un livre flamboyant et un magnifique itinéraire proposé par Dorothée de Cabissole qui met en lumière un art libre et créatif, la danse, et ceux qui l’inventent, la respirent et la vivent. Sa mise en page est pleine de vie et de couleurs, de photographies et de mots qui dansent.

Brigitte Rémer, le 11 août 2024

Tous danseurs – 30 artistes qui font la danse d’aujourd’hui et de demain, par Dorothée de Cabissole, Hachette Livre (Marabout), octobre 2023 (29,90 euros) – site : www.marabout.com – tél. : 01 43 92 35 97.

Danseuses et danseurs interviewés : Laura Arend – Mehdi Baki – Marion Barbeau – Camille Bon – Mellina Boubetra – Grichka Caruge – Paula Comitre – Dexter – Carlota Dudek – Johanna Faye – Jade Fehlmann – Jann Gallois – Fauve Hautot – Nicolas Huchard – Edouard Hue – Leïla Ka – Mehdi Kerkouche – Pablo Legasa – Germain Louvet – Josépha Madoki – Yanis Marshall – Brandon Masele – Matteo Masson – Antonin Monié – Nach – Laura Nala – Arthur Perole – Amalia Salle – Noé Soulier – Léo Walk. La préface est signée Angelin Preljocaj, la postface Marion Motin.