Exposition Elizabeth et Bernard Hugonnot, peintures et textes – Salon du Vieux Colombier, Mairie du VIème.
C’est un chemin initiatique que proposent Elizabeth et Bernard Hugonnot dans ce grand Salon d’exposition avec sa coursive de circulation à l’étage. Il témoigne de leurs parcours personnels et professionnels, sorte de carnets de voyages qui iraient des rives de la Méditerranée à celles de l’océan indien, en passant par celles de la mer Rouge. “Mais cette exposition ne garde de nos pérégrinations que les traces de nos rencontres avec des pays, des cultures et des hommes que la mémoire, l’émotion éprouvée et retrouvée et l’imagination ont transformées en poèmes et en tableaux” écrivent-ils.
De cette invitation au voyage émergent d’éclatantes couleurs. Il faut marquer chaque station, longuement, pour en comprendre la complexité – les toiles sont signées Bernard Hugonnot – et pour s’immerger dans une méditation poétique signée Elizabeth Hugonnot, réaction sensible aux tableaux et écho qu’elle répercute par l’écriture.
Le visiteur a donc un double travail : à chaque tableau son texte ou à chaque texte son tableau, charge à lui d’orienter la diagonale de son regard vers l’un d’abord ou vers l’autre, ou le contraire et de ne pas oublier l’autre, ni l’un. Car les deux expressions tracent des univers à la fois parallèles en même temps que tout autre.
On ne peut citer toutes les toiles car elles sont nombreuses, en voici quelques-unes : les Lauriers-roses et les Pins pignons de Bandol ainsi que le Marché de Bandol aux parasols rouges (2001) ; les Danseurs d’Aix-en-Provence (1970), ou est-ce un danseur en mouvement et son élégant reflet, sous un soleil rouge cerné de blanc dans des dégradés de bleu presque nuit ? De Paris et pour mémoire, Une Marine avec deux personnages admirant un tourbillon d’indigos (2000), « Et si le ciel était la mer ? » questionne le texte. Les couleurs sont profondes, intenses, les patines travaillées ont la densité de la mémoire et des sensations. Le Souvenir marocain, qui appelle le pays (1999) et Guerre (2001) sorte de mosaïque vermeil comme le sang, une évocation du Kosovo, confirment cette densité.
De nombreuses toiles font trace du passage d’Elizabeth et de Bernard Hugonnot à L’île de La Réunion (2007/2009) dont un Portrait, sans concession, ou encore l’immensité de la Ravine à malheur qui s’étend, dans le lieu-dit La Possession ; Un Nocturne où les nuages s’immobilisent, où se forme une brume au ras de l’eau dans un lieu du bout du monde où s’est résolument perdue une maisonnette ; la profondeur de L’Averse sur Saint-Denis et Les deux pétroliers qui glissent en parallèle, l’un blanc l’autre noir. Deux étapes de travail où se croisent obliques et diagonales sont présentées, avec la Tour de Babel I et II, et avec Cosmos, montrant deux boules de feu en spirales sur un désert qui pourrait être de glace. La sensation d’un rideau d’eau à travers Cascades, accompagnée des mots suivants : « Elle tombe drue l’interjection, allume un feu de la passion, jette des pierres sur l’horizon, mais l’eau se rit de la passion… »
À l’étage, on entre dans une autre démarche, spirituelle et mystique, qui propose des toiles de transfiguration à partir de signes et de fragments mémorisés (1999/2001) : Passage de la mer Rouge met en scène et en couleurs les mouvements successifs de l’eau ; Lazare se dresse sur fond rouge et chemins jaunes ; le Mont des Oliviers (Gethsémani) semble encaissé ; La piscine de Bethesda sur le chemin de la vallée de Beth Zeta, parle d’espérance et de guérison, une silhouette blanche dans le lointain ; un Crucifié sorti de son vitrail révèle une forte présence tragique en mêlant les bleus d’amplitude aux stries de discrètes couleurs qui s’y fondent. « Où donc se perd la vérité ? » commente le texte.
Avec l’exposition L’appel du large on est entre deux mondes, le pictural et le littéraire, le visuel et le poétique. « Le texte ne commente ni n’explique l’œuvre peinte qui apporte le souffle des mots en faisant pénétrer son lecteur au coeur de l’œuvre » dit Elizabeth Hugonnot. Papier marouflé sur toile ou sur bois, huile sur carton entoilé, acrylique ou huile sur papier ou sur toile, réalisées au pinceau ou au couteau, la peinture de Bernard Hugonnot esquisse, évoque et communique une émotion esthétique certaine, renforcée par les textes. Ainsi dans Océane (2008), une huile sur toile : « Un homme s’assoit sur une vague, un bateau file vers le large, en bleu, en rose, en vert et jaune. Le cœur repose. Plus loin viendra l’exaltation. Poète, tu vois dans le couchant, la très grande arche de l’Orient ? »
Brigitte Rémer, le 24 septembre 2020
Du 9 septembre au 7 octobre 2020 – du lundi au vendredi 10h30/17h, jeudi 10h30/19h, samedi 10h/12h – Mairie du VIème. Place Saint-Sulpice. 75006. Paris (métro : Saint-Sulpice).