Exposition-jubilé des céramiques d’Antoinette Henein, à l’occasion de son 80e anniversaire, du 3 au 7 juillet 2022.
Ici ou là-bas, son regard s’ajuste aux matériaux et aux couleurs qu’elle sédimente pour mieux créer ses formes et son nuancier, toujours en mouvement. Ici, c’est dans la campagne genevoise, en Suisse où elle naquit et se forma à l’école des Arts Décoratifs de Genève, avec pour maître l’un des pionniers de la recherche céramique dans le pays, Philippe Lambercy. Après ces années d’apprentissage elle eut un bel atelier à Arare, qu’elle transforma en véritable lieu de création et de rencontres avec d’autres céramistes et artistes avec lesquels s’élaborèrent des projets, comme un bateau-lavoir.
Là-bas, c’est à quinze kilomètres du Caire, à deux pas des Pyramides où elle vécut une quarantaine d’années à partir de 1974, aménagea un grand atelier et construisit son four.
De ses échappées dans le désert elle ramenait des cendres, des sables et argiles qu’elle utilisait pour les glaçures. Les étés se passaient en Suisse, puis commencèrent à se prolonger. Elle sentit alors le besoin de pouvoir y travailler et ré-installa un modeste atelier lui permettant de tourner et de cuire – avec petit tour et four électriques -. Ces deux points géographiques, l’Égypte et la Suisse, ont nourri ses recherches. La terre n’est pas la même ici ou là-bas, ni la clarté, ni le climat, ses fours sont différents, la combustion aussi – au Caire, cuisson à 1300 degrés en réduction dans un four où s’écoulait goutte à goutte du diésel sur une brique creuse d’où partait la flamme ; à Genève, four électrique en oxydation à 1240 degrés -. L’inspiration se décale, mais toujours les mains sont en action et la couleur en état de veille. Malaxage, battage, centrage, creusage, tournage…
La douceur du paysage qui l’enveloppe se réfléchit dans ses compositions, comme ce vert pâle céladon qui rappelle la couleur du saule ou de la feuille de pêcher, oxydes de chrome pour le vert, de cobalt pour le bleu, de fer pour le brun rouge. La cuisson haute température transforme l’argile cru en cuit, en le surveillant comme le lait sur le feu. Superpositions et glaçures, émaillage et fusion, vitrification, transparence, composants et proportions participent au traitement des terres mêlées où émergent craquelures, fissures et marbrures. Les influences qu’elle a reçues sont de partout, principalement d’Égypte et du Japon, on en trouve traces dans les subtiles traits, écritures et spirales qu’elle inscrit sur certaines pièces, et dans la profondeur des tons. Comme un coureur de fond, Antoinette Henein saisit l’esprit des lieux, la nature dans la polysémie du mot, les paysages, dans les éclats et reliefs des pièces qu’elle réalise.
Chaque objet est un récit. Ceux qu’elle présente dans cette exposition ont été réalisés au cours des cinq dernières années. Ils sont délicatement présentés dedans et dehors, sur d’étroits supports placés à bonne hauteur face au grand champ qui ouvre sur l’horizon, devant la maison. Antoinette Henein a principalement montré son travail à Alexandrie, au Caire et à Genève. Au Caire elle avait exposé avec Adam Henein, sculpteur égyptien connu et peintre sur papyrus, son beau-frère, à la Zamalek Art Gallery – cf. notre article du 10 juin 2020 -.
Elle était également proche d’Evelyne Porret, céramiste, formée comme elle à Genève et qui avait créé l’École de poterie du Fayoum. Antoinette Henein se plaît à dire qu’elle fait de la céramique utilitaire. Ses formes épurées, ses émaux et glaçures de toute beauté, ses textures et la richesse des couleurs classent sa céramique au rang de grand art et son geste avec la terre, ici ou là-bas, à celui d’artiste qui, avec l’eau et le feu, écrit ses plus beaux poèmes.
Du 3 au 7 juillet 2022 – Atelier de céramique A. Henein – Chemin Plein Vent, 33 – 1228. Plan-les-Ouates (CH) – https://antoinette-henein.blogspot.com/
Brigitte Rémer, le 11 juillet 2022