Conception et chorégraphie de Salia Sanou, avec huit danseurs et quatre musiciens. Compagnie Mouvements perpétuels. Au Tarmac – La Scène internationale Francophone.
Danseur et chorégraphe engagé depuis une vingtaine d’années dans la recherche de langages chorégraphiques singuliers, Salia Sanou travaille à partir de sa terre d’origine le Burkina Faso, et de ses expériences françaises.
En France, il a notamment participé comme danseur, puis comme chorégraphe, aux créations du Centre chorégraphique national de Montpellier dirigé par Mathilde Monnier, il a été artiste associé à la Scène nationale de Saint-Brieuc, puis en résidence au Centre national de la Danse. Au Burkina-Faso où il a été formé à la danse et au théâtre, il dirige avec Seydou Boro la biennale Dialogues de Corps de Ouagadougou, qui propose des résidences d’écriture, des ateliers et des rencontres autour d’une programmation internationale de danse. Puis ils fondent tous deux en 2006, à Ouaga, le premier Centre de développement chorégraphique africain, Termitière. En 2011, il crée sa Compagnie, Mouvements Perpétuels, implantée à Montpellier et chorégraphie Au-delà des frontières, pour le Festival Montpellier Danse, l’année suivante. Son implication pour le développement de la danse dans le monde est régulièrement saluée et récompensée.
Avec Clameur des Arènes, sa démarche s’inscrit dans une proximité entre l’art de la danse et la lutte, sport qui le fascine, très populaire au Sénégal car emblématique de la position sociale autant que du combat pour la vie. Il est entouré de trois danseurs et cinq lutteurs, graves et sculpturaux, qui mènent le spectateur sur un chemin initiatique et jusqu’au cœur du sujet, l’arène, qui sera ce moment de lutte finale où ils s’affronteront avec puissance et grâce. Il est porté par la création musicale d’Emmanuel Djob – dont la voix de gospel aux profondeurs ancestrales marque les différentes séquences de la chorégraphie – interprétée en direct par quatre musiciens chanteurs, sensibles et à l’écoute.
Quand danseurs et lutteurs prennent lentement possession du plateau, tout est concentration et gravité, rituel et gestes sacrés. L’environnement scénographique de Mathieu Lorry Dupuy construit une installation en fond de scène, composée de coussins aux formes pulpeuses, couleur carmin, soigneusement alignés dans une structure de bois. Elément vivant, il devient aussi mur d’entraînement dans lequel se fondent les danseurs.
Des jeux d’étoffe de même couleur donnent de la grâce et de la maitrise aux mouvements d’ensemble – visages cachés, puis voilés – jusqu’à la confection d’un pagne qui se superpose au premier, et s’ajuste en dansant. Les musiciens aux aguets accompagnent finement les différents moments chorégraphiques, laissant des respirations et des silences : ensembles, quadrilles, dialogues, gestuelles en décalage, l’individualité s’écrit avec le collectif. L’énergie évoque Béjart dans sa Messe pour le temps présent, elle conduit à la danse traditionnelle, avec son ancrage à la terre et l’écoute de la forêt. Les bras s’ouvrent comme chauves-souris aux ailes de grande amplitude sous les lumières crues d’Eric Wurtz qui accompagnent glissements, déhanchements, croisements, jeux rituels et guerriers. Puis un cercle s’élabore, avec des sacs que les danseurs déposent, délimitant ainsi l’aire des lutteurs, savamment agencée.
Alors deux clans s’affrontent, soutenus chacun par ses supporters, ainsi que par les musiciens entrant dans l’espace de jeu, pour les porter. Echauffement, mise en spectacle, arrêt, reprise, conciliabule, intimidation, parade, passage de témoin, coups de griffes, pattes de velours, tête contre tête, espace de liberté du corps, de l’expression, de la sensualité. Il n’y a aucune agressivité. Nous sommes au coeur des pratiques magiques et de la liberté des corps. Danseurs et lutteurs remontent ensuite lentement le plateau, masqué d’un tissu blanc où se dépose l’empreinte de leur sueur, puis ils sortent, un à un, comme ils sont venus.
« Le projet illustre pour moi une confrontation passionnante du spectaculaire en Afrique » dit Salia Sanou. « Qu’il s’agisse des conseils de famille, des cérémonies rituelles, des enterrements, des baptêmes, des fêtes pour les mariages. L’espace délimité est le cercle, c’est-à-dire le Fogo qui définit en soi l’espace du dedans vers le dehors. C’est, d’une certaine manière, la configuration de l’arène qui contient l’espace émotionnel, et, de façon tout à fait inconsciente, rassemble de façon collective. » Il y a tant de fluidité dans la gestuelle et de délicatesse qu’on ne sait plus qui est lutteur et qui danseur. La disparité des techniques s’efface et la présence de tous et de chacun participe d’une sorte de chant choral.
Brigitte Rémer le 21 février 2015
Avec, en alternance, les danseurs : Ousséni Dabaré, Jérôme Kaboré, Ousséni Sako, Ousséni Dabaré, Jérôme Kaboré, Romual Kaboré, Konan Jean Kouassi, Jean-Paul Mehansio, Nicolas Mombounou, Pape Ibrahima Ndiaye, Ousséni Sako, Marius Sawadogo, Marc Veh – Les musiciens : Emmanuel Djob, Bénilde Foko, Elvis Megné, Séga Seck musique créée et interprétée par Emmanuel Djob – création sonore et mix live Hughes Germain – scénographie Mathieu Lorry Dupuy – lumière Eric Wurtz – régie Générale Rémi Combret – administration de production Stéphane Maisonneuve
Vu au Tarmac, scène internationale francophone, 159 avenue Gambetta. 75020. Paris – métro : Gambetta – Tournée en France de février à avril 2015 : Hivernales d’Avignon, le 23 février – Scène nationale de Narbonne, le 27 février – Scène nationale de Chambéry, le 3 mars – Arsenal Metz en scène le 2 avril – Théâtre de Grasse, les 10 et 11 avril – Le Moulin du Roc Scène nationale de Niort, le 14 avril.