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Paris se souvient de Juan Camilo Sierra

© El País /Colombia

Un adieu de France des plus chaleureux à Juan Camilo Sierra Restrepo, grand gestionnaire culturel colombien qui s’est envolé vers l’Ailleurs, samedi 26 septembre 2020, à Bogotá, à l’âge de cinquante-cinq ans. Il souffrait d’un cancer. Une amie de Colombie nous a transmis la bien triste nouvelle.

Homme de conviction et d’action, Juan Camilo avait passé un an à Paris, en 1994/1995, dans le cadre de la Formation Internationale Culture créée en 1991 par Jack Lang alors Ministre de la Culture et mise en œuvre sous l’égide de la Commission nationale française pour l’Unesco. Il était diplômé de l’école de journalisme de Bogotá, écrivait des articles sur les événements culturels dans divers organes de presse colombiens et était correspondant à Paris du journal El Tiempo. A son retour il avait été commissaire d’expositions et critique d’art, conseiller éditorial en relation avec le Mexique et directeur du Fondo de Cultura Económica à Bogotá, entre 2001 et 2007 et, plus tard, entre 2011 et 2015. Il s’était spécialisé dans le domaine du livre en créant, en 2016, la Feria del Libro/ le Salon du Livre de Cali qu’il développait au fil des ans. Il en avait préparé l’édition virtuelle 2020, programmée entre le 15 et le 25 octobre.

Juan Camilo, 2d à gauche, et la Formation Internationale Culture – Novembre 1994 – Ministère de la Culture, Paris.

Avec quatorze autres responsables culturels de pays et continents différents, Juan Camilo s’était formé à la gestion culturelle à partir de l’observation en France et en Europe du fonctionnement des institutions culturelles, du montage de projets et par les rencontres sur le terrain avec les décideurs politiques et les opérateurs culturels de toutes disciplines. De la politique culturelle de la ville de Lille à la problématique européenne de la ville de Luxembourg, cette année-là ville européenne de toutes les cultures ; de la Cité des Sciences et de l’Industrie où il avait effectué un stage, au Festival d’Avignon où la promotion achevait son parcours d’étude, Juan Camilo se montrait curieux de tout et analysait avec pertinence et talent les expériences rencontrées.

Il avait élaboré et soutenu un mémoire pour l’obtention du DESS Action artistique, Politiques culturelles et Muséologie délivré par l’Université de Bourgogne/Faculté de Droit et de Science politique, intégré dans les apprentissages, sur le thème : La communication culturelle – Une approche de la salle Sciences-Actualités de la Cité des Sciences et de l’Industrie. Daniel Jacobi, professeur en sciences de l’information et de la communication, l’avait accompagné dans son travail.

Homme de partage, Juan Camilo échangeait volontiers son expérience culturelle colombienne avec les collègues de sa promotion. Il avait acquis un véritable savoir-faire international qu’il a mis en pratique tout au long de sa vie professionnelle. A son retour en Colombie il avait travaillé plusieurs années au centre d’art de Banco de la República/Biblioteca Luis Angel Arrango, à Bogotá. Là, avec sa collègue russe de la session précédente, Katia Selezneva-Nikitch, chargée des relations internationales à la Galerie Tretiakov de Moscou, il avait créé de fructueux partenariats et monté deux expositions qui avaient voyagé de Moscou à Bogotá. La première, en 1999 : Pioneros del arte moderno/Arte ruso y soviético, 1900-1930. La seconde, en 2002 : 500 Años de Arte Ruso/Iconos de la Galería Tretyakof de Moscú. Un exploit que de réussir à faire venir en Colombie ce patrimoine russe !

Ouvert et généreux, compétent et inventif, Juan Camilo était directeur du Salon du Livre de Cali/ Feria del Libro de Cali qu’il avait créé en partenariat avec la Mairie de Cali et la Fundación Spiwak, en 2016, et dans laquelle l’Université de Valle del Cauca, était partie prenante. Un vibrant hommage vient de lui être rendu par le Réseau des Salons du Livre de Colombie qu’il avait fondé, la Chambre colombienne du Livre et le Ministère colombien de la Culture. Ses collègues de Colombie, d’Espagne et du Mexique, tous, ont mis en exergue son immense professionnalisme et son éthique, son intelligence vive et sa dynamique, sa générosité et sa bienveillance attentive.

Juan Camilo Sierra, Juan Cam comme certains le nommaient, était une personne et une personnalité fascinante, d’une élégante profondeur et richesse. Par son impressionnant travail et son expérience sédimentée il a beaucoup apporté à l’écosystème, si fragile, qu’est le domaine culturel, et a ouvert de grands espaces pour le livre et pour la culture, tous le reconnaissent. Il avait une vision culturelle et de nombreuses ressources, il avait la foi en ce qu’il faisait. Par son don pour le travail en réseau, il laisse son empreinte, comme au centre culturel Gabriel Garcia Márquez de Bogotá au cœur de La Candelaria où se trouve le siège de la maison d’éditions mexicaine Fonds de Culture Économique qu’il a longtemps fréquentée.

Son sourire communicatif, son enthousiasme, sa discrétion et son attention aux autres vont manquer dans le paysage culturel. De Paris jusqu’à Bogotá et Cali, d’Europe à l’Amérique Latine, nous nous joignons à la tristesse de ses proches, famille, amis et collègues et transmettons toute notre amitié. Précieusement, nous le gardons dans nos mémoires.

« Mais avant d’arriver au vers final, il avait déjà compris qu’il ne sortirait jamais de cette chambre car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l’instant où Aureliano Babilonia achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui y était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n’était pas donné sur terre de seconde chance. » (Cent ans de solitude, de Gabriel Garcia Márquez).

Brigitte Rémer, le 15 octobre 2020

Artistes dans la Cité – Bourses d’étude de la Fondation Hermès

© Atelier Julia Bernard

La Fondation d’entreprise Hermès propose, depuis 2018,  des bourses d’étude pour les artistes du spectacle vivant, dans le cadre de son programme Artistes dans la Cité.

L’appel à propositions et règlement 2020 lancé par la Fondation avec les conditions d’éligibilité et le dossier de candidature se trouvent ci-dessous. Date limite d’inscription : vendredi 18 septembre 2020, à 12 h (midi).

“Vous soumettez aujourd’hui un dossier de candidature à  la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme Artistes dans la Cité.

Depuis sa création en 2008, la Fondation d’entreprise Hermès explore de nombreux domaines relatifs aux savoir-faire artisanaux et artistiques. Création,  transmission et savoir-faire, telles sont les trois orientations qui guident son action, notamment dans le domaine des arts de la scène.

Depuis 2011, le programme New Settings accompagne ainsi, avec un regard buissonnier, les artistes dans la création de spectacles ayant une forte porosité avec les arts visuels, plastiques et / ou numériques. Le programme Artistes dans la Cité, créé en 2018, rassemble quant à lui un certain nombre d’initiatives qui tendent à inscrire la parole des (futurs) artistes du spectacle vivant dans la  vie de la Cité.

Dans ce cadre, la Fondation d’entreprise Hermès a aujourd’hui la volonté de développer une action structurante qui permette à des jeunes gens motivés de réaliser  leur rêve en poursuivant des études supérieures en danse ou en théâtre. L’accompagnement vers les métiers du geste et de la parole résonne fortement avec les valeurs propres au milieu de l’artisanat portées par la maison Hermès et sa Fondation.

En mettant l’humain au centre de sa démarche, avec un focus plus particulier sur le processus d’apprentissage et de formation, cette action vise à faciliter l’accès aux carrières artistiques dans les domaines de la danse et du théâtre à des jeunes ne bénéficiant pas des conditions matérielles favorables à l’expression de tout leur potentiel.

La Fondation a donc décidé d’agir en amont et en aval des concours d’entrée dans les écoles supérieures de danse et de théâtre. Parallèlement à son soutien à une classe préparatoire « Égalité des chances » en théâtre (la Prépa’ Théâtre 93 mise en place par la MC 93), elle a donc lancé en 2019 un dispositif de bourses d’études sur critères sociaux pour les étudiants qui ont accédé à des études supérieures.

Le fonctionnement de ce système de bourses est l’objet du présent RÈGLEMENT :

1 • L’organisateur

La Fondation d’entreprise Hermès, dont le siège social est situé au 24, rue du faubourg  Saint-Honoré à Paris, 75008, France, régie en application de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, et ses modifications successives, lance, à compter du 1er juillet 2019, un dispositif d’attribution de bourses d’études destinées à des étudiants inscrits dans un cursus supérieur de danse ou de théâtre, dans le cadre de son programme Artistes dans la Cité.

2 • Les formations éligibles

Les formations ouvrant droit à une bourse sont les formations dispensées dans un des  établissements publics d’enseignement supérieur de théâtre et de danse suivantes :

Théâtre :

• Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) – Paris
• École supérieure d’art dramatique du Théâtre national de Strasbourg (École du TNS)
• École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT) – Lyon
• École de la Comédie de Saint-Étienne – Centre dramatique national
• École du Nord – École professionnelle supérieure d’art dramatique Hauts-de-France – Lille
• École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine (éstba)
• École nationale supérieure d’art dramatique de Montpellier / Maison Louis Jouvet (ENSAD)
• École régionale d’acteurs de Cannes et Marseille (ERACM)
• École supérieure d’art dramatique de la Ville de Paris (ESAD)
• L’Académie de l’Union – École supérieure professionnelle de Théâtre du Limousin
• École du Théâtre national de Bretagne (École du TNB) – Rennes

Danse :

• Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMD) – Paris
• Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon (CNSMD) – Lyon
• École supérieure du centre national de la danse contemporaine – Angers (CNDC)
• Centre international de danse Rosella Hightower – Pôle national supérieur danse Cannes-Mougins / Marseille
• ICI – Centre chorégraphique national de Montpellier – Occitanie / Pyrénées Méditerranée,  master exerce

En outre, pour ouvrir droit à une bourse, le diplôme préparé doit être soit un diplôme national supérieur professionnel (DNSP) de comédien ou de danseur, soit un diplôme dispensé dans  le cadre d’un parcours LMD.

3 • Les bénéficiaires

Les bourses sont destinées aux étudiants en situation de précarité financière, inscrits en formation
initiale ou continue dans les cursus et établissements prévus à l’article 2. En conséquence,
les étudiants en alternance ne sont pas éligibles au présent dispositif de bourses.

4 • Montant et durée des bourses

Le montant des bourses délivrées par la Fondation d’entreprise Hermès est déterminé au cas par cas, en fonction de critères sociaux et du parcours de l’étudiant.

Ces bourses peuvent venir en complément d’autres revenus de l’élève, qu’il s’agisse notamment
d’autres bourses (par exemple du Crous), des allocations (APL…) ou des ressources familiales. Ces bourses seront calculées de manière à ce que chaque bénéficiaire dispose d’une somme décente pour subvenir à ses besoins.

Ces bourses sont versées à des étudiants inscrits dans les cursus dispensés par l’un des établissements mentionnés à l’article 2, pour une année de formation du mois de septembre N au mois de juin N+1 et au maximum pour une durée de trois (3) ans.

La reconduction des bourses d’une année sur l’autre est soumise aux conditions énoncées à  l’article 9.

En cas de changement de situation intervenant au cours de l’année de formation et de nature à modifier le droit à la bourse, le demandeur doit en informer la Fondation et produire les justificatifs dans un délai maximal de deux (2) mois à compter de ce changement.

5 • Modalités de dépôt de dossiers

Les étudiants doivent faire parvenir un dossier de candidature via le module de candidatures en ligne prévu à cet effet, sur le site de la Fondation, dans l’onglet « Candidatures », avant le vendredi 18 septembre 2020, à 12 h (midi). Les étudiants ayant besoin d’aide dans la constitution de leur dossier peuvent demander l’assistance du service de scolarité de leur établissement.

Dans le cas où le concours d’entrée à l’une des formations éligibles citées à l’article 2 aurait été repoussé au-delà de septembre 2020, du fait de l’épidémie de Covid-19, les candidats concernés sont tout de même autorisés à déposer un dossier de candidature suivant le calendrier ci-dessus. S’ils venaient à être sélectionnés par la Fondation d’entreprise Hermès, ils recevront une notification d’attribution conditionnelle de bourse.

Pour être recevables, les dossiers doivent obligatoirement comporter les éléments suivants :

• Le formulaire de demande d’aide, téléchargeable sur le site de la Fondation d’entreprise Hermès (www.fondationdentreprisehermes.com) ;
• La déclaration d’imposition du foyer fiscal de l’année N-1 (de la / des personne[s] dont ils dépendent fiscalement – parents, tuteurs…) ;
• Le curriculum vitae de l’étudiant.

Pour les candidats bénéficiant d’une autre aide financière, les dossiers doivent également comporter les éléments suivants :

• La notification conditionnelle ou définitive de bourse Crous 2020-2021 ;
• Le justificatif du Fnauc (ministère de la Culture) ;
• Le justificatif d’une autre aide financière (RSA, Pôle emploi, bourse d’un mécène, etc.)
• Le justificatif de la CAF (APL ou autres).

Seuls les dossiers complets pourront être acceptés.

Les candidats sont invités à prendre en compte le temps de transmission électronique afin de s’assurer de l’arrivée de leur dossier avant la date et l’heure limites. La Fondation ne pourra être tenue responsable dans le cas du retard pris par un candidat dans l’envoi de sa candidature, notamment lorsque ce retard est dû à des problèmes techniques et / ou informatiques.

Ces données sont traitées et conservées dans la plus grande confidentialité, conformément  à la Politique de confidentialité de la Fondation d’entreprise Hermès.

6 • Commission d’attribution

À l’issue du dépôt des dossiers, un comité de sélection souverain se réunira afin d’étudier les dossiers reçus et de sélectionner les étudiants qui bénéficieront d’une bourse d’études de la part de la Fondation d’entreprise Hermès.

Ce comité est composé de personnalités qualifiées du monde du théâtre, de la danse et de la formation, incluant des collaborateurs de la maison Hermès.

De façon exceptionnelle, en cours d’année scolaire, la Fondation d’entreprise Hermès pourra, en cas d’urgence, examiner l’octroi de nouvelles bourses, en collaboration avec le comité de sélection. Cette décision ne pourra en aucun cas diminuer le montant des aides allouées auparavant à d’autres bénéficiaires.

7 • Critères d’attribution

Ces candidatures et bourses d’études sont individuelles. Elles sont attribuées à des étudiants en situation de précarité financière en fonction de critères sociaux et du parcours de l’étudiant. Le niveau de revenu de l’élève est considéré par le comité de sélection.

Les situations particulières de chaque élève sont aussi prises en compte (éloignement familial,
rupture familiale…).

Il est fortement conseillé aux étudiants de prendre contact avec la scolarité de leur établissement afin d’obtenir tous les renseignements utiles à cette démarche.

8 • Annonce des résultats

La Fondation d’entreprise Hermès s’engage ensuite à contacter, dans les meilleurs délais,  chaque candidat par courriel afin de lui notifier la décision du comité de sélection.

De façon exceptionnelle et dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, les candidats n’ayant pas encore finalisé les épreuves d’admission aux formations citées à l’article 2 et qui auraient tout de même été retenus par le comité de sélection recevront leur résultat par courriel à travers une notification d’attribution conditionnelle de bourse. Cette dernière sera confirmée après la présentation par l’étudiant concerné d’un justificatif d’admission définitive, décerné par son établissement.

9 • Versement des bourses

a) Versement dans l’année

Préalablement au premier versement de sa bourse, chaque bénéficiaire sélectionné doit signer le présent règlement et fournir à la Fondation d’entreprise Hermès un certain nombre d’informations administratives susceptibles de faciliter le traitement de son dossier (RIB, attestation de scolarité…).

Les bourses sont versées pendant toute l’année de formation hors vacances estivales, soit durant dix (10) mois, du mois de septembre au mois de juin. Elles sont versées mensuellement
sur le compte bancaire de l’étudiant.

Ces versements peuvent être suspendus ou arrêtés par la Fondation d’entreprise Hermès après notification, par le bénéficiaire, d’un changement de situation financière susceptible de modifier les informations notifiées dans le dossier qu’il aura constitué lors de sa candidature.

b) Reconduction de la bourse

La reconduction de la bourse d’une année sur l’autre nécessitera un réexamen préalable de
la situation personnelle de chaque bénéficiaire. Pour ce faire, la reconduction sera soumise :

• D’une part, à l’envoi par chaque bénéficiaire, avant le 15 septembre de chaque année, (I) d’une fiche d’information fournie par la Fondation d’entreprise Hermès, et (II) de la déclaration d’imposition du foyer fiscal de l’année N-1 (le leur ou celui de la / des personnes dont ils dépendent fiscalement – parents, tuteurs…), et (III) la notification conditionnelle ou définitive de bourse Crous de l’année scolaire à venir ;

• D’autre part, au respect par le bénéficiaire des engagements prévus à l’article 10 ci-dessous.

Ces documents seront adressés à la Fondation d’entreprise Hermès selon le mode d’envoi qu’elle leur indiquera alors.

c ) Communication avec les bénéficiaires

Le mode de communication privilégié pour les échanges entre la Fondation d’entreprise Hermès et les bénéficiaires est le courriel. Cependant, des échanges téléphoniques pourront avoir lieu afin de garantir une circulation optimale des informations.

Les services de la scolarité des établissements cités à l’article 2 restent les interlocuteurs privilégiés des bénéficiaires pour le bon déroulement de leurs études.

10 • Engagements du bénéficiaire

En envoyant son dossier de candidature à la Fondation d’entreprise Hermès, l’étudiant accepte
de fait la possibilité de recevoir une bourse d’études de trois (3) ans maximum.

Ce faisant, il s’engage à :

• Fournir des informations exactes et à jour à la Fondation d’entreprise Hermès lors de l’envoi  de son dossier de candidature ;
• Informer la Fondation d’entreprise Hermès de tout changement de situation personnelle de nature à modifier son équilibre financier ;
• Autoriser le traitement de ses données personnelles par la Fondation d’entreprise Hermès ;
• Assister avec assiduité aux cours et activités dispensés par son établissement ;
• Participer, sous réserve de remplir ses engagements professionnels et vis-à-vis de son établissement, aux activités proposées par la Fondation ;
• Veiller à ce que toute intervention de sa part ne porte pas atteinte à l’image, à la réputation et au prestige du nom Hermès et / ou de la Fondation d’entreprise Hermès.

11 • Règlement et litiges

La participation à ce dispositif de bourses d’études implique l’acceptation sans réserve ni  restriction du présent règlement. Tout manquement à ce dernier et aux engagements susmentionnés entraînerait un réexamen de la bourse attribuée à l’étudiant par la Fondation d’entreprise Hermès, en collaboration avec les services de la scolarité de son établissement.

Toute contestation relative au présent règlement, quelle que soit sa nature, sera tranchée  souverainement et en dernier ressort par la Fondation d’entreprise Hermès dans le respect de l’esprit du présent règlement.

Ce dispositif de bourses d’études est soumis au droit français.

12 • Droits à l’image et autorisation de diffusion

Tout candidat accepte, de par sa participation à ce dispositif de bourses d’études, que son image et / ou ses propos puissent faire l’objet d’une communication interne et externe de la Fondation d’entreprise Hermès, autour dudit dispositif, des thème relatifs aux savoir-faire et aux arts de la scène, et ce, quel qu’en soit le support.

Les participants autorisent par ailleurs la Fondation d’entreprise Hermès à mentionner leur nom dans des communiqués, articles de presse, et ce, sur tout support écrit (livres, magazines, catalogues, brochures, etc.) et / ou multimédia, quel que soit le format, dans le monde entier, sans limitation de durée et sans que cela leur confère un droit à une rémunération ou à un avantage autre que la participation à ce dispositif.

Ces conditions sont valables en particulier pour un éventuel projet éditorial associé à ce dispositif, et la présentation en ligne sur le site de la Fondation d’entreprise Hermès et sur le site Intranet des sociétés fondatrices.

Par ailleurs, que le dossier du candidat soit sélectionné ou non par la Fondation d’entreprise Hermès, le candidat ne pourra, sans l’autorisation écrite et préalable de la Fondation d’entreprise Hermès, utiliser ou faire usage du nom de la Fondation d’entreprise Hermès et / ou d’Hermès, et / ou des marques du groupe Hermès, et / ou du logo de la Fondation d’entreprise Hermès et / ou des sociétés du groupe Hermès, auprès de tout tiers, selon tous modes de communication, écrite, verbale ou autre, sur tout support et notamment sur des sites internes.

13 • Questions / contacts

Pour toute question d’ordre technique, les étudiants peuvent contacter le service scolarité de leur établissement. Ils peuvent aussi contacter la Fondation à l’adresse mail suivante: scene.fondation@hermes.com. “

Brigitte Rémer, 20 Juillet 2020

Formulaire de candidature à renvoyer à la Fondation d’entreprise Hermès via son module de candidatures en ligne, avant le vendredi 18 septembre 2020, 12 h (midi) : (www.fondationdentreprisehermes.com)

Re : Creating Europe

© Jan Boeve

Soirée dirigée par Ivo van Hove et présentée par Bas Heijne – Odéon-Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthier – en coréalisation avec le Théâtre de la Ville, dans le cadre des Chantiers d’Europe.

L’idée de cette soirée présentée par Stéphane Braunschweig, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, est de parler d’Europe, ce qu’elle a été et ce qu’elle est, dans la sensibilité des élections prochaines. Ivo van Hove, directeur de l’International Theater Amsterdam et metteur en scène bien connu en France, qui présente actuellement à la Comédie Française Électre/Oreste (cf. notre article du 7 mai) en est le maître de cérémonie. Il en avait élaboré la conception, et avait présenté une première édition en juin 2016, dans un forum sur la Culture à Amsterdam, en partenariat avec le Centre pour les Arts De Balie/ Dutch Performing Art Center, à la veille du Référendum sur le Brexit.

L’essayiste Bas Heijne, qui travaille sur les sujets de sociétés au sens large et qui a reçu pour l’ensemble de son oeuvre le Prix PC Hooft 2017, rappelle quelques étapes de la construction de l’Europe en ses symboles forts, et notamment la création de l’Hymne européen en 1985, l’Ode à la joie, dernier mouvement de la Neuvième symphonie de Beethoven. Il dit l’idée européenne de dépassement des limites de nationalité et de compréhension mutuelle recherchée. Il fait référence à Friedrich Von Schiller, poète et dramaturge allemand se reconnaissant dans les idées de Rousseau et le mouvement littéraire du Sturm und Drang et à Ivan Jablonka, historien et écrivain dont les grands parents ont été déportés à Auschwitz et qui a apprivoisé l’Europe en voyageant en camping-car, dans sa jeunesse.

Les textes lus en trois langues et surtitrés, par la douzaine d’acteurs qui participaient à la soirée, venant des Pays-Bas, d’Allemagne et de France – superbement accompagnés dans différentes postures et situations, sur un plateau recouvert d’un tapis bleu aux douze étoiles dorées – sont autant de déclarations d’intentions partagées avec le public ce soir-là, remettant sur le devant de la scène quelques mots-clés, comme Fraternité, Respect des différences, Romantisme, Universalisme.

L’histoire commune a été rappelée à travers quelques images vidéo projetées montrant que l’Europe avait grandi de progrès en régression, d’illusions en désillusions, d’idées brillantes en erreurs. A travers les discours et les textes, paroles d’artistes, de penseurs, de dirigeants politiques, de Shakespeare à Mitterrand, de Thatcher à Obama, de Victor Hugo à Simone Weil, cette exploration de l’Europe qui définit son histoire, était salutaire à entendre, Ivo Van Hove l’a fort réussie.

Loin de la globalisation aujourd’hui imposée, la place de l’art, qui renverse les préjugés, a été saluée – la soirée a lieu dans un Théâtre National – pour un projet européen à ré-affirmer.

Brigitte Rémer, le 10 mai 2019

Avec les comédiens du Internationaal Theater Amsterdam et Charles Berling, Valéria Bruni Tedeschi et Lars Eidinger. Son Timo Merkies – lumières Dennis van Scheppingen – vidéo Jordi Wolswijk, Mark Thewessen – Sites : theatre-odeon.eu et theatredelaville.fr – Jusqu’au 1er juin 2019 : Chantiers d’Europe, l’Europe des Arts et l’Europe des générations, plus de vingt artistiques de neuf pays différents, à découvrir, dans la programmation Hors les murs du Théâtre de la Ville.

 

Je passe

© Sameh Salameh

Performance – conception et mise en scène Judith Depaule, d’après les récits d’artistes de l’atelier des artistes en exil réalisation vidéo  Samer Salameh – à l’Institut du Monde Arabe.

Sept cercles de chaises délimitent des espaces d’intimité où le public, en arrivant, se répartit. Quand le spectacle commence, du fond de la salle sept actrices et acteurs se regroupent. Un à un ils prennent place, chacun dans un cercle. Ils ont dans les mains une tablette et un discret haut-parleur et circuleront de groupe en groupe selon un code commun à tous, comme une chorégraphie, ou un rituel de passage. Ils s’assiéront parmi les spectateurs, entrant dans le cercle, allumeront leur tablette. Un portrait s’affichera d’un artiste en exil qui fera face au public, pendant que l’acteur raconte. A la fin de la séquence – et toutes les séquences se terminent en même temps, d’un bout de la salle à l’autre – on verra l’artiste à l’œuvre, dans sa discipline : chant, musique, dessin, peinture, écriture etc.

Dans la diversité des récits et des géographies, chaque spectateur rencontre sept visages, sept itinéraires de vie, sur l’avant de l’exil, le pourquoi, le comment de leur arrivée en Europe : Je suis né(e) en/ année de naissance… nom du pays… Elle/il parle de sa formation, de sa profession, de sa famille, puis de la guerre, de la prison et de la torture, de la peur.

Le premier récit de vie qu’il m’est donné d’entendre vient de Syrie. C’est une jeune femme, artiste formée à l’école des Beaux-Arts de Damas qui se raconte et parle de cet état de peur, permanent, qui anéantit. « J’ai participé aux manifestations mais je ne voulais pas faire la guerre. Je suis partie pour la France » dit-elle pudiquement.

Née en Iran, la seconde a étudié la peinture mais « en tant qu’artiste on ne peut pas se montrer » il faut se cacher. Mariée à un étranger dont le contrat n’a pas été renouvelé, elle a subi pressions, interrogatoires et perquisitions, toute activité liée à l’étranger étant jugée suspecte. « Sentir l’exil c’est ne plus voir ta famille » c’est les parents qui disparaissent sans que l’on puisse ni les revoir ni les accompagner. A l’arrivée le dépaysement est garanti « autour de soi tout est nouveau. » Cette artiste chante l’exil tandis que sa peinture apparaît sur l’écran.

Réfugié politique, le troisième visage vient de Kinshasa. Opposant au régime il parle des manifestations et de la répression, des menaces, de la prison, des tortures, des évasions. Par l’aide de réseaux plus ou moins mafieux il réussit à quitter le pays. Arrivé à Roissy le passeur le largue comme un paquet et sans papiers, dans l’anonymat de l’aéroport, sa langue – le lingala – pour seul bagage. On le voit sculpter la terre – un prisonnier assis au sol, mains dans le dos – son travail témoigne de sa vie.

Le quatrième témoignage vient du Soudan et des changements géographiques imposés par la situation. L’homme, alors enfant, a suivi sa famille entre le Tchad puis la Libye. Il parle des printemps arabes où les cartes se sont rebattues dans la confusion générale. Il évoque le fait d’être noir en Libye, un handicap de plus. Son père et son frère sont tués sous les bombes lâchées sur la maison, dans un quartier décimé. Il parle de sa vie cachée, pour déjouer le pire, évoque les exactions dont il fut témoin : décapitation, vente d’hommes et de femmes, viols. Il parle de la nécessité de partir et des destins qui se brisent par centaines dans ce qu’il nomme le cimetière bleu. Là-bas il était traducteur.

La cinquième est une femme afghane arrivée en France il y a deux ans et demi. De son pays elle garde la misogynie généralisée dans les transports, la rue et partout, le harcèlement sexuel à l’entrée de l’Université. Elle parle de petite enfance sinistrée, violée, des mariages forcés, du manque d’éducation. Elle est designer et crée des costumes. On la voit, pinceau à la main, dessiner la mode avec une grande finesse.

La sixième histoire de vie est celle d’un homme né au nord Soudan. Il est écrivain. Quitter son pays n’était pas sa volonté. Il accuse son gouvernement d’avoir bâillonné le peuple pour mieux l’exterminer. Il parle des quatre cents langues de son pays et de l’écrit remontant à plus de cinq mille ans. Il parle de prison, de torture, de sa vie là-bas qui le condamna à mort après la destruction de sa maison et du journal qu’il avait créé. Il raconte sa fuite, les faux-papiers et son changement d’identité, les trahisons, les risques, le soutien des organisations humanitaires. Il parle de l’asile politique et du Haut-Commissariat aux réfugiés. Il parle de la peur. Dans sa djellaba blanche et coiffé d’un turban, il est conteur-chanteur.

Le septième parcours de vie nous mène en Azerbaïjan où Azeris et Iraniens se mélangent, où vivre sa sexualité est impossible et oblige à ne pas être soi, à dissimuler. Chez les Azeris porter une boucle d’oreille vaut aveu d’homosexualité. Pour exister, « tu dois tout le temps faire l’acteur. » Menaces à la famille. Peurs permanentes. Assignation à résidence. Coups. Absence de preuves. Obligation de partir. Il raconte son voyage dans les cales des bateaux et son tour d’Europe non choisi. Il écrit pour nous Politic/Poétic. Refused/Réfugié Refusé. Autour de ses mots, quelques enluminures.

Pour le spectateur le parcours est rude mais salutaire et le concept élaboré par Judith Depaule –  d’envoyer ces bouteilles à la mer – fonctionne magnifiquement et sobrement, avec ses acteurs-conteurs. Ensemble ils recréent de la dignité en donnant des visages à l’exil. Fondatrice de la compagnie Mabel Octobre en 2001 après de nombreuses collaborations artistiques, Judith Depaule avance sur des sentiers où elle s’engage personnellement. Elle crée le plus souvent ses propres textes à partir d’une base de recherche documentaire qu’elle croise avec le multimédia, anime des ateliers-spectacles avec les détenus, les primo-arrivants en France, le milieu scolaire et universitaire, les amateurs.

Cette performance, qui nous plonge dans les drames d’aujourd’hui et les espoirs de nouvelles vies, sera suivie d’autres rencontres, en avril, juin et octobre.

Brigitte Rémer, le 15 mars 2019

Avec : Mathilde Bigan – Raphaël Bocobza – Fernand Catry – Anouk Darne-Tanguille – Nino Djerbir – Pauline D’Ozenay – Nicolas Gachet – Mouradi M’Chinda – Morgane Peters – Nathan Roumenov – Tamara Saade – Angelica Kiyomi Tisseyre Sekine – Frederico Semedo Rocha ou Pablo Jupin – Clémentine Vignais. Réalisation vidéo : Samer Salameh – Production Mabel Octobre et l’atelier des Artistes en exil, avec le soutien du FIJAD.

Le 10 mars 2019 –  Salle du Haut Conseil, Institut du Monde Arabe – Atelier des Artistes en exil, 102 rue des Poissonniers, 75018 Paris. Tél. : +33 1 53 41 65 96 – courriel : contact@aa-e.org – Prochain rendez-vous, le 1er avril à 20h au Collège des Bernardins, Je passe 1&2 – 20 rue de Poissy.  75005 Paris – métro : Maubert-Mutualité.

Journée des Femmes au Centre culturel Égyptien

© Brigitte Rémer

Deux raisons de se réjouir au Centre culturel égyptien de Paris où on fête la Journée internationale des droits des Femmes, comme partout dans le monde, doublé pour l’Égypte, de L’Année Culturelle France Egypte qui vient tout juste de débuter (cf. notre article du 22 février).

Conseillère culturelle près l’Ambassade d’Égypte en France et directrice du Bureau Culturel Égyptien à Paris, c’est une femme, Nivine Khaled, qui accueille, en ce 8 mars, femmes et hommes venus honorer la Journée internationale de la Femme.

La soirée proposée se compose de trois séquences. Elle débute par la projection du film Past in peace/ Repose en paix, en présence de la réalisatrice Dina Abdel Salam qui réalise une fiction-documentaire sur deux sœurs, femmes de milieu populaire dont la seconde enterre son époux alors que la première est veuve déjà. On les suit dans leur reconstruction de femme seule et le rituel de leur vie quotidienne. Un échange avec la salle a suivi la projection.

La seconde partie consiste en un échange sur le thème de La femme égyptienne, une mosaïque de profils, réalisé par Lana Habib et Nivine Khaled. La conseillère culturelle rappelle que la Journée de la femme a été instituée dès 1910 au Congrès de Copenhague et qu’elle a été mise en pratique l’année suivante dans quatre pays : le Danemark, l’Autriche, l’Allemagne et la Suisse. En France, c’est depuis 1982 que l’on fête le 8 mars, décision du président François Mitterrand. Elle rappelle que le droit de vote a été donné aux femmes dans les Pays Scandinaves au début du XXè, en 1944 pour la France, en 1956 sous Nasser pour l’Égypte, et, en 2011 pour l’Arabie Saoudite. Dans tous les pays, la conquête pour la reconnaissance de l’égalité hommes/ femmes, est un long processus, en Égypte, il a débuté à compter de 1914, avec son inscription dans les constitutions successives. Dans le pays, 25% de femmes occupent aujourd’hui des postes ministériels – contre 50 % en France, 52% en Suède et 53% au Nicaragua -. Partout dans le monde le combat pour l’égalité entre hommes et femmes se poursuit.

Lana Habib, professeur à l’Université d’Alexandrie, exprime son plaisir de passer quelques jours en France alors qu’elle y fut, vingt ans plus tôt, boursière. Elle présente le phénomène des Vlogs – vidéo/blogs – qui, dans l’espace virtuel, fait fureur, notamment auprès des 16/24 ans. Les jeunes, jeunes femmes en tête, mettent leur parole de type journal intime, en vidéo et se mettent en scène, ce qu’elles ne feraient ni dans la vie ni dans l’espace public. Elles franchissent là une barrière à la manière d’une bravade et font le choix de l’authenticité. Lana Habib présente ainsi quatre profils de femmes qui s’expriment par leurs Vlogs, de professions diverses comme médecin, guide touristique, critique cinéma et designer.

La troisième partie présente un intense moment musical, le tour de chant de Farrah El Dibany sur les traces de Dalida. Jeune mezzo-soprano à la voix profonde, elle a travaillé au Centre des arts de la Bibliotheca Alexandrina à partir de 2005, est passée par l’Opéra de Berlin et le Festival de Bayreuth en Allemagne, par l’Opéra du Caire et a rejoint l’Académie de l’Opéra de Paris en 2016. Accompagnée ici au piano par Jeff Cohen, cette superbe jeune femme lamée d’argent, a donné avec intelligence et gaîté plusieurs chansons du répertoire de la grande dame, disparue en 1987 – Paroles Paroles, Bambino, Je suis malade, Il venait d’avoir dix-huit ans – et a terminé sur un air qu’affectionnait Dalida, Helwa ya Baladi, une chanson populaire égyptienne reprise nostalgiquement par la salle.

Cette soirée du 8 mars fut un joli moment, simple et chaleureux, qui s’est déroulé en présence de l’épouse de l’ambassadeur S.E.M. Ehab Badawy. Ladies first !

Brigitte Rémer, le 10 mars 2019

Vendredi 8 mars 2019 à 18H30, au Centre Culturel Egyptien, 111 Boulevard Saint-Michel, 75005 – RER : Luxembourg – Tél. : 01 56 89 50 30.

Concert des chanteurs étoiles de l’Opéra du Caire

© Brigitte Rémer

Oratoire du Louvre, Paris. Dans le cadre de l’année culturelle France Egypte 2019 – en collaboration avec Caroline Dumas, de l’Opéra de Paris.

Les solistes de l’Opéra du Caire ont donné un récital des plus chaleureux au cœur de Paris, interprétant de la musique française, italienne et égyptienne à l’Oratoire du 1er arrondissement de Paris. A cette occasion, cinq des plus belles voix de l’Opéra du Caire se sont fait entendre sous le patronage de la Ministre Egyptienne de la Culture, Dr Enas Abdel Dayem, en présence de S.E. Ehad Badawy, Ambassadeur d’Egypte en France, délégué permanent auprès de l’Unesco et de la Conseillère culturelle Nivine Khaled. Jean-François Legaret, Maire du 1er arrondissement de Paris et Conseiller régional d’Île-de-France accompagnait la démarche ainsi que la Présidente du Comité d’animation culturelle de l’arrondissement, Carla Arigoni.

Les mots d’accueil des personnalités présentes, précédant le concert, ont créé un climat d’intimité, pris en relais par les deux cantatrices et trois chanteurs qui se sont succédé. L’Ambassadeur a mis l’accent sur l’importance de la culture comme pivot de la relation entre l’Egypte et la France depuis Champollion, le Maire a évoqué l’importance du patrimoine matériel et immatériel par les voix, comme autant de trésors vivants.

« Carmen » de Georges Bizet fut à l’honneur, avec trois morceaux : La fleur que tu m’avais jetée par le ténor Amr Medhat – qui a par ailleurs chanté È la solita storia del pastore de « l’Arlesiana » de Francesco Cilea composée d’après Alphonse Daudet ; Toreador, le grand air, chanté par Mostafa Mohamed, baryton, qui a aussi interprété une mélodie populaire égyptienne, Tes yeux sont des perles de Hisham Khalaf, qui signe les arrangements musicaux du récital ; La Habanera de « Carmen » L ’amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser… écrit Prosper Mérimée, morceau interprété par la mezzo-soprano Jolie Fayzi, également interprète de Voi lo sapete, o mamma, un air de « Cavaleria Rusticana » de Pietro Mascagni, et de Mon cœur s’ouvre à ta voix, de « Samson et Dalila » opéra de Camille Saint-Saëns ; Reda El Wakil, profonde voix de basse, a chanté La Calunnia/L’air de la calomnie, du « Barbier de Séville » signé Gioachino Rossini, Ella giammai m’amo ! Elle ne m’a jamais aimé, aria du « Don Carlo » de Verdi et Quand la flamme de l’amour de « La jolie fille de Perth » opéra de Bizet ; Iman Mostapha, soprano dramatique, a interprété avec Amr Medhat l’intense duo d’amour du « Bal masqué » de Giuseppe Verdi, Duo Teco io sto, une aria tragique de « La Tosca » de Giacomo Puccini, Vissi d’arte/J’ai vécu pour l’art, inspirée de la pièce de Victorien Sardou, et deux chansons napolitaines des compositeurs Eduardo di Capua et Ernesto de Curtis. Les chanteurs étaient accompagnés au piano par le talentueux James Greig Martin.

Cette invitation au cœur de Paris des solistes de l’Opéra du Caire s’inscrit dans le cadre de l’année culturelle France Egypte dont le coup d’envoi a été donné le 8 janvier dernier par l’ambassadeur de France en Egypte, Stéphane Romatet, à l’Opéra du Caire. Un spectacle de danse classique et contemporaine, Indépendanse X Egypte – création de Gregory Gaillard, chorégraphe, danseur et maître de ballet à l’Opéra de Paris interprétée par les danseurs des deux Opéra(s), Le Caire et Paris – a été créé à cette occasion. La composition musicale de Florian Astraudo, également danseur à l’Opéra, a été réalisée pour l’événement, mixant de l’électro au ney, la flûte arabe. La ministre de la Culture égyptienne Inas Abdel Dayem et le ministre des Antiquités Khaled el-Enani étaient présents. Dans le cadre de cet échange artistique et symbole d’amitié entre les deux pays, l’année culturelle France Egypte propose de nombreuses manifestations tant au Caire qu’à Paris : au Caire, deux manifestations importantes, L’Épopée du Canal de Suez, pour les 150 ans de l’inauguration du Canal, exposition présentée en 2018 à l’Institut du Monde Arabe de Paris, et La Bande dessinée arabe aujourd’hui, créée lors du dernier Festival de la BD d’Angoulême. Le prochain grand événement parisien sera l’exposition Toutânkhamon, Le Trésor du Pharaon, à La Grande Halle de La Villette, à partir du 23 mars prochain.

Une année culturelle prometteuse s’engage, à en juger par la virtuosité des solistes de ce concert, donné à l’Oratoire du Louvre : l’amplitude, la couleur, le volume vocal et la qualité des timbres de voix, d’une belle intensité chacun dans son registre, furent un vrai plaisir.

Brigitte Rémer, le 22 février 2019

Mercredi 20 février 2019, Oratoire du Louvre, 145 rue de Faubourg Saint-Honoré, 75001. Paris – métro : Louvre-Rivoli et Palais-Royal, RER : Châtelet – Les Halles – Sites : www.bureaucultureleg.fr www. institutfrancais-egypte.com – www.francegypte19.com

 

Réinventer le Patrimoine – Enregistrer le présent

© Brigitte Rémer – Passage Kodak, Le Caire

La seconde édition de La Fabrique de la ville durable s’est tenue les 13,14 et 15 décembre 2018 à l’Institut Français d’Égypte – Le Caire/Mounira.

Une première édition avait réuni en 2017 les partenaires institutionnels investis dans le domaine de la gouvernance urbaine et des patrimoines architecturaux. Pour faire le lien et en écho à cette édition, la rencontre 2018 a débuté par la projection d’un film-reportage retraçant les objectifs et stratégies d’une réflexion voulue pérenne sur La Fabrique de la ville durable. Une belle idée permettant de sédimenter les interventions et les réflexions qui, l’année précédente, avaient lancé le colloque et qui d’année en année, enrichiront le débat.

L’édition 2018 met le projecteur sur les archives du présent et rassemble chercheurs, acteurs culturels et artistes impliqués dans la question des patrimoines culturels urbains, matériels et immatériels, d’Égypte et de France. Au-delà de l’architecture, elle interroge différentes disciplines telles que musique, photographie, littérature, cinéma, théâtre et cultures populaires en trois étapes : Réinventer la ville – Réinventer les patrimoines – Enregistrer le présent.

On découvre dans le premier volet du colloque, Réinventer la ville, deux quartiers du Caire, Hattaba et Maspéro, dans lesquels le collectif 10 tooba rassemblé par Ahmed Zaazaa, architecte et urbaniste, conduit des recherches appliquées sur la ville et l’habitat. Dans une ville de plus de vingt millions d’habitants, sans réelle infrastructure ni investissement pour la réhabilitation des quartiers anciens, le constat est sévère : 70% de l’habitat est formé de quartiers informels, la spéculation bat son plein et repousse les terres agricoles au profit de villes nouvelles périphériques, la question des transports est aiguë. Dans ces conditions, toute tentative et proposition en vue de développer des activités culturelles, apporte un peu d’oxygène. Marie Piessat, jeune doctorante en géographie de l’Université Lyon 3 et auprès du CEDEJ, centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales, observe de son côté les toits terrasses, au sommet des immeubles du Caire. L’enquête qu’elle mène révèle les pratiques urbaines et montre que ces toits – qui véhiculent une mauvaise image – sont des espaces de liberté, comme le décrivent les auteurs emblématiques de la littérature égyptienne, Naguib Mahfouz et Alaa Al Aswany dans lesquels elle puise. Le coordinateur des programmes de Mahatat, entreprise culturelle et sociale fondée en 2011 au Caire, Hussein Mohamed, présente ensuite la philosophie du travail mené et les pratiques artistiques que l’association met en place. La réinvention des espaces publics, à Port-Saïd et dans le Gouvernorat du Delta, est au cœur du sujet, à partir de la consultation des habitants et de l’analyse des besoins.

En vis-à-vis, deux expériences françaises sont présentées, deux projets singuliers basés sur des interactions et partenariats : la première, Yes we camp, une plateforme de projets urbains, dont témoignent Leïla Mougas et Arthur Poisson. Ils dessinent les territoires sur lesquels ils interviennent et qu’ils occupent temporairement, comme les Grands Voisins à Paris, situés sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul et plusieurs autres sites, à Marseille. Ils y réalisent un travail social avec l’association Aurore chargée de l’accueil des migrants, un travail culturel et économique avec Plateaux Urbains. Les différents projets en cours de réalisation, élaborés et mis en oeuvre en synergie avec ce collectif d’associations, déploie des trésors d’invention dans le passage à l’action. Ils partagent leur système d’organisation, qu’ils aimeraient modéliser. La seconde expérience, un travail de création sonore réalisé à Paris et en Ile-de-France par Simon Pochet et le collectif Mu, bureau chargé de production artistique auquel il est artiste associé, plonge dans l’innovation technologique et les outils numériques développés en parlant de web radio, de Fab-lab, de compositions sonores et de parcours artistiques réalisés notamment avec des élèves de la Goutte d’or à Paris, s’interrogeant sur les évolutions de leur quartier. Les projets du collectif Mu sont multiples et se nomment entre autres La Station-Gare des Mines laboratoire consacré aux scènes artistiques émergentes, Magnétique Nord 3 une sorte de festival et lieu de réflexion et d’expérimentation, Soundways, une application pour mobiles.

Le second volet du colloque, sur le thème Réinventer les patrimoines, s’inscrit dans plusieurs directions : tout d’abord celle du patrimoine bâti. Mohamed Elsahed, historien d’architecture et commissaire d’exposition signe l’exposition présentée à l’Institut Français sur le thème « Le Caire depuis 1900. Enregistrer l’architecture d’une ville qui disparaît » à partir des images de son récit sur l’architecture dont la publication, à visée de sensibilisation, est prévue en mai prochain. Mercédès Volait, directrice de recherche au CNRS et du laboratoire InVisu de l’Institut national d’histoire de l’art à Paris, qui connaît bien l’Égypte, s’interroge sur le thème Restituer et transmettre une mémoire visuelle du Caire moderne, au-delà des poncifs. Elle met en relation des photographies et documents de photographes comme Beniamino Facchinelli au début du XIXème, de collectionneurs comme Max Karkégi au XXème, de producteurs comme Richard Mosseri, qui permettent de reconstruire une histoire de la ville. La responsable de la bibliothèque de l’Institut français d’archéologie orientale au Caire (IFAO), Agnès Macquin, parle du projet international de numérisation et d’éditorialisation de documents traitant des relations de la France avec le Moyen-Orient, intitulé Bibliothèques d’Orient. En lien avec la Bibliothèque nationale de France, cette base de données consultable en trilingue – arabe, français, anglais – rassemble près de sept mille documents.

Autres directions de ce second volet, le cinéma, le théâtre et la musique. Pour le cinéma, Marianne Khoury, cinéaste et productrice, co-gérante de Misr International Films parle de la préservation et de la numérisation des archives Youssef Chahine, patrimoine familial dont une partie est actuellement exposée à la Cinémathèque de Paris – notes, cahiers, photos, découpages -. Elle présente, à l’occasion du dixième anniversaire de la disparition du réalisateur, une création musicale sur les vingt premières minutes de son film Gare Centrale avec le Trio Nerda et Z3ro feat, avant de projeter le film dans son intégralité. Pour le théâtre j’avais l’honneur de présenter la philosophie et le travail de la première troupe indépendante d’Égypte, El Warsha Théâtre, fondée en 1987 par Hassan El Geretly, démarche artistique que j’observe depuis une douzaine d’années. Son langage théâtral multiforme et ses sources d’inspiration multiples, viennent tant de l’énergie de la rue que des différentes strates de l’art populaire et traditionnel égyptien, tout en étant d’une grande modernité. Pour la musique, Louis Davis Brozetti a raconté l’odyssée de la mythique Columbia Phonograph Company, fondée en 1888 aux Étas-Unis et qui s’est développée à Athènes dans les années 1930, donnant une fabuleuse dynamique à la diffusion des musiques grecque, africaine et arabe. Il pose la question : faut-il restaurer cette emblématique maison de gravage, mixage, pressage de vinyles, de recherche en art de la pochette, et en faire un musée ? Enfin le compositeur de musique classique contemporaine arabe et chercheur en musicologie, Mustafa Saïd, grand joueur de oud, a parlé de sa démarche et de ses recherches musicales avec l’Ensemble for Arab Classical Contemporary Music/ASIL qu’il a fondé en 2003 et de son travail dans le cadre de la Foundation for Arab Music Archiving and Research/AMAR, fondation libanaise dont il est directeur artistique, spécialisée dans la conservation et la diffusion de la musique arabe traditionnelle (voir UC du 5 janvier 2019). L’enregistrement entraine-t-il toujours une perte d’identité, lance-t-il ?

Le troisième volet du colloque, Enregistrer le présent, s’est déroulé hors-les-murs, à Townhouse Rawabet : Omar Nagati, directeur de Cluster a parlé de méthodes alternatives pour imaginer la ville et présenté ses travaux de recherche. Au Caire, avec son équipe, il a réaménagé plusieurs passages du centre-ville et notamment le Passage Kodak. A Beyrouth et Amman il a créé une plateforme de partage des ressources, catalogue en réseau de bibliothèques et centres de ressources sur les villes. Dia Hamed et Mai Elwakil ont présenté leur travail au sein de Medrar.TV archives numériques des scènes artistiques contemporaines du Caire, et évoqué la problématique des droits. Mariam El Nazahy a parlé d’éthique et de protection des archives à travers le projet Open Index qui vise à numériser et diffuser les archives de la galerie Townhouse. D’autres démarches, personnelles ou collectives, de préservation de la mémoire ont été présentées dont le travail du CIC, Contemporary Image Collective par Andrea Thal, qui lie l’archivage et la programmation et qui parle de l’impossible neutralité des archives ; dont le travail de recherche mené par Ahmed Shawky Hassan sur La naissance de l’art vidéo en Égypte ; dont le roman de Omar R. Hamilton, La ville gagne toujours sur la révolution égyptienne de 2011, qui a obtenu en 2018 le Prix de la littérature arabe décerné par l’Institut du Monde Arabe, à Paris. Ont aussi été présentées une Performance de Alaa Abdelhamid autour des écrits sur les arts du philosophe et écrivain Abbas Mahmoud Akkad, ainsi qu’une lecture théâtrale menée par Duncan Evennou, Lancelot Hameli et Benoît Verjat, Les rêves du Caire, à partir des récits qu’ils ont collectés auprès de diverses communautés de la ville et qui s’inscrivent dans un work in progress.

Cette seconde édition de La Fabrique de la ville durable qui met en relation deux termes pouvant paraître antinomiques, Réinventer le Patrimoine – Enregistrer le présent, apporte un matériau d’une grande richesse. Elle a permis une confrontation d’expériences et de points de vue sur le patrimoine culturel, à partir de géographies différentes – l’Égypte et la France notamment – et à partir de formations et métiers diversifiés, mêlant architectes, concepteurs de projets culturels, artistes et chercheurs. Suivie d’un échange avec le public, chaque séquence a donné du grain à moudre et ouvert le champ de la connaissance. Chapeau bas au programmateur et modérateur de l’ensemble, David Ruffel, Attaché pour le livre à l’Institut Français d’Égypte et à son équipe, qui ont mis en œuvre ces fructueuses rencontres sous l’égide du Conseiller culturel, Mohamed Bouabdallah et de l’Attachée culturelle, Marine Debliquis.

« A la vitesse du météore se propage une rumeur selon laquelle l’État va démolir le monastère dans le cadre d’un projet d’équipements publics. En une seconde, la nouvelle devient le sujet des conversations dans les maisons, les échoppes, les magasins publics, les fumeries, la taverne et les terrains vagues… Il n’y a de verdure et de fleurs que dans le monastère… » décrit le Prix Nobel de Littérature, Naguib Mahfouz, dans les Récits de notre quartier publiés en 1975, et qui donnent les contours du microcosme où il vit, le quartier Gammaleya au Caire, au début du XXème siècle. « C’est dimanche. Rue Soliman-Pacha, les boutiques ont fermé leurs portes, et les bars et les cinémas se remplissent de leurs habitués. La rue sombre et vide, avec ses boutiques closes et ses vieux immeubles de style européen, semble sortir d’un film occidental triste et romantique. Depuis le début de cette journée de congé, le vieux concierge, Chazli, a transporté son siège de l’entrée de l’ascenseur à celle de l’immeuble, sur le trottoir, pour contrôler ceux qui y entrent et ceux qui en sortent… » écrit en écho, en 2002, Alaa Al Aswany dans son premier roman, L’Immeuble Yacoubian où il montre la vie foisonnante d’un édifice autrefois grandiose du centre-ville. « Une ville géante assise sur le bord, baignait dans l’eau ses pieds de pierre » disait Hugo dans Les Orientales, parlant du Caire.

Brigitte Rémer, le 13 janvier 2019

Colloque La Fabrique de la ville durable, 2nde édition, « Réinventer le Patrimoine – Enregistrer le présent » les 13,14 et 15 décembre 2018 à l’Institut Français d’Égypte, 1 Sh. Madresset El Huquq El Frinseya, Mounira, Le Caire.

 

Willy Ronis par Willy Ronis

© Willy Ronis – Le Café de France – L’Isle-sur-la-Sorgue

Exposition de photographies, Pavillon Carré de Baudouin, co-organisée par la Mairie du XXème et la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, en partenariat avec l’Agence photographique de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais. Commissaires de l’exposition : Gérard Uféras et Jean-Claude Gautrand.

Par cette superbe exposition présentée au Pavillon Carré de Baudouin, la Mairie du XXème fête, en deux cents photographies, les dix ans de ce lieu culturel qu’elle porte avec brio. L’exposition se termine, elle fut prolongée de trois mois et eut un immense succès. « Proposer une culture gratuite, populaire, accessible et de qualité, c’est faire en sorte qu’elle se transmette et se partage sans condition d’âge ou d’origine sociale. C’est la marque de fabrique du 20e et notre fierté » écrit Frédérique Calandra, Maire du 20e.

Né au pied de la Butte Montmartre en 1910 et mort en 2009, Willy Ronis est une grande figure de la photographie dite humaniste, qui consacra les vingt-cinq dernières années de sa vie à classer ses archives. Il réalisa six albums qui constituent comme son testament photographique. Les commissaires de l’exposition ont puisé dans cette mémoire vive pour élaborer ce parcours en images.

La première salle montre les clichés de Willy Ronis à Belleville-Ménilmontant, sorties de son livre-culte. Il découvre le quartier en 1947 grâce à un ami peintre alors que la réputation du secteur n’est pas glorieuse : « C’était le quartier des Apaches, on n’y allait pas. » Lui, en tomba littéralement amoureux. Il laisse un reportage des plus attachants sur le Paris des années cinquante et sur ce quartier populaire aux rues pavées et aux petits métiers. La vie quotidienne y est montrée dans sa simplicité et sa vérité. « Belleville, Ménilmontant sont, tout au moins pour moi, deux éléments essentiels de ce que j’aime appeler : la poésie de l’authenticité » dit-il. On y voit les vieux bistrots comme Le bistrot de la rue des Cascades, sur trois niveaux, le bistrot-guinguette Chez Victor, où la patronne s’affaire derrière le zinc, le Café au coin de la rue des Couronnes et de la rue Henri-Chevreau, « Les choses se présentent à l’impromptu, ou bien on sent qu’en se plaçant à tel endroit et avec de la patience, il se passera sûrement quelque chose… » Le bas de la rue des Partants témoigne d’une qualité de lumière entre contre-jour ensoleillé et jour de neige, une Réunion de jeunes dans une cave, les montre tous serrés autour d’une table, une Partie de pétanque rue du Télégraphe capte le geste du lanceur tandis que les autres s’affairent, leurs ombres se croisant avec une certaine mathématique. Une photo Avenue Simon Bolivar depuis l’escalier de la rue Barrelet-de-Ricou où par le fait du hasard, se trouvent différentes personnes en différents plans « J’ai rarement inclus autant d’éléments dans une même photographie » commente-t-il. Le Vitrier rue Laurence Savart gravit péniblement la rue tandis que La station Ménilmontant sur la Petite Ceinture vue depuis la rue Henri-Chevreau mêle la vapeur de la locomotive à la brume du matin avec beaucoup de poésie.

La seconde salle montre Les débuts du photographe et notamment ses premières photos en Vallée de Chevreuse pendant les vacances. Son père est un photographe de quartier, il lui offre pour ses seize ans un Kodak 6,5 x 11 à soufflet, même si c’est la musique qui l’attire, sa mère étant professeur de piano. Très tôt il s’intéresse aux gens, au monde ouvrier, à la rue, ainsi Haltérophile Quai de la Râpée montre, en 1934, sa curiosité de la rue. Pour aider son père gravement malade, il glisse pourtant vers la photographie professionnelle.  « Je suis le contraire d’un spécialiste, je suis un polygraphe » dit-il. Deux ans plus tard il abandonne le studio paternel et se lance dans « l’aventure de la photographie indépendante », devient reporter photographe, répond à des commandes et fait ses recherches personnelles. Il acquiert en 1937 un Rolleiflex 6 x 6 et sillonne Paris, ses paysages et ses décors, certaines banlieues comme Nanterre. Il reprend, après l’Occupation, et témoigne du Retour des prisonniers, en 1945, Gare de l’Est. La force des images, là encore, a valeur de témoignage. Une série d’Autoportraits montre son évolution, d’une certaine sophistication des débuts à un laissez aller, dont le célèbre Autoportrait aux deux flashes pris en 1951. Ses Nus pris entre 1949 et 2002 appellent la composition et la lumière de la peinture et de la sculpture. Son Nu provençal entre autres, réalisé à Gordes en 1949, prenant sa femme penchée sur un broc et une cuvette dans la lumière de la fenêtre ouverte, évoque Vermeer. Cette photographie devenue icône est, dans sa simplicité, une pure merveille. Le chapitre sur L’Intime, montre sa discrétion par rapport à l’intimité familiale, avec sa femme Marie-Anne comme avec son fils, Vincent. Il sait préserver l’investissement émotionnel donné dans ces photographies : « Je négocie l’aléatoire » dit-il.

Suit un chapitre sur Le monde ouvrier qui l’intéresse, de même que le monde artisan. Il publie dans de nombreux quotidiens et magazines, et très tôt dans plusieurs journaux de gauche. Il couvre le Front Populaire, les ouvriers chez Citroën, les défilés syndicaux, les conflits sociaux de l’après-guerre, fixe forges, filatures, docks, et usines automobiles dans son appareil, photographie les ouvriers de différentes villes et entreprises françaises dont ceux des mines de Potasse d’Alsace et ceux des usines de cristal de Baccarat. Par son témoignage il exprime sa solidarité. En 1946 Willy Ronis entre à l’agence Rapho, puis intègre le Groupe des XV, auquel appartient entre autres Doisneau. Il exposera au Moma de New York en 1951, en compagnie d’Henri Cartier-Bresson, Brassaï, Robert Doisneau et Izis.

Si Paris a largement capté son attention, Willy Ronis n’a pourtant pas laissé La Province pour compte, et ses images couvrent le milieu rural autant que l’urbain. En état de veille, il sillonne le Vaucluse, la Gironde et Marseille de l’après-guerre et rapporte des images de la vie quotidienne, des paysans et des commerçants, des métiers. « Parfois, les choses sont offertes avec grâce. C’est ce que j’appelle le moment juste. Je sais bien que si j’attends, ce sera perdu, enfui. » De la province, l’exposition nous emmène dans L’Ailleurs, par ces traces photographiques laissées de ses voyages dans le monde : Belgique, Hollande, Venise, Londres, RDA, Alger, New-York, Moscou, deux croisières en Méditerranée à partir desquelles il réalise une exposition sur le thème Les Balkans de nouveau en danger, avec l’aide de Robert Capa. Il couvre le Congrès international pour la Paix, à Varsovie, en 1950, part à l’Île de la Réunion avec les photographes Sebastião Salgado et Guy Le Querrec. L’environnement social et le quotidien restent au cœur de ses préoccupations et de ses images.

Observant le monde, les photos de Willy Ronis dressent une sorte de portrait intimiste et profond de la société et de l’époque. Pourtant la crise des années 1960 l’oblige à quitter Paris et à s’installer à Gordes, dans le Vaucluse, en 1972, pour une sorte de traversée du désert. La création des Rencontres d’Arles en 1970, lui permettra de reprendre pied dans le milieu et d’obtenir la reconnaissance qui lui est due : le Grand Prix national des Arts et des Lettres lui est décerné en 1979 ; il est l’invité d’honneur des 11e Rencontres d’Arles en 1980 ; une grande rétrospective est organisée au Palais de Tokyo en 1985, célébrant la donation qu’il a faite de l’ensemble de son oeuvre à l’État français, deux ans plus tôt.

Willy Ronis par Willy Ronis est une exposition rare, ouverte à tous, qui permet de redécouvrir des images sensibles et la poésie du photographe, un brin nostalgique. Des films projetés complètent l’exposition et permettent d’approfondir l’univers du photographe, ainsi Willy Ronis à Paris, de Virginie Chardin et Vladimir Vasak, Une Journée avec Willy Ronis, de Françoise Denoyelle et Yves de Perretti, Willy Ronis, Autoportrait d’un photographe, de Michel Toutain & Georges Chatain, Pyramide Production.  « Le monde extérieur est un spectacle dont le metteur en scène a pour nom le hasard. Le hasard a parfois du génie. Il y a des photographes qui ont le privilège de capter ces moments uniques. C’est à partir de là que la photographie nous révèle des choses qu’elle seule est capable de nous offrir » constatait-il avec simplicité.

Brigitte Rémer, le 31 décembre 2018

Du 27 avril au 31 décembre 2018 – Pavillon Carré de Baudouin, 121 rue de Ménilmontant, 75020. Paris – Métro : Couronnes ou Gambett – Entrée libre – www.mairie20.paris.fr

Migrer d’une langue à l’autre ? Apprendre la langue du pays d’accueil à l’heure du numérique

Journée d’étude organisée par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France au Musée national de l’histoire de l’immigration le 21 novembre 2018, avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – Modération Yvan Amar, journaliste à Radio France Internationale.

La sixième édition de cette Journée d’étude sur le thème Migrer d’une langue à l’autre ? s’est ouverte par les mots de bienvenue de la directrice générale du Palais de la Porte Dorée, Musée de l’Histoire de l’Immigration, Hélène Orain et ceux du nouveau Délégué général à la langue française et aux langues de France près le Ministère de la Culture, Paul de Sinety. Chaque année se redéfinissent les objectifs et les enjeux, chaque année tient ses promesses.

Son axe de réflexion et les expériences venant du terrain traitaient cette année des outils du numérique, en termes pédagogiques et présentaient les ressources, les formations et outils de l’apprentissage du français, en ligne. La définition des enjeux de l’apprentissage du français pour les migrants fut donnée dans un premier temps par Agnès Fontana, directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité qui a présenté le Rapport d’Aurélien Taché député du Val d’Oise remis au Ministère de l’Intérieur en février dernier, « 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France » et sa mise en œuvre. Dans un second temps, Benjamin Stora, président du conseil d’orientation du musée national de l’Histoire de l’immigration, chargé d’une mission de coordination de l’action culturelle en faveur des migrants dans les établissements publics du ministère de la Culture a rappelé l’évolution des contextes entre la vague d’émigration du début du XXème où l’intégration se faisait par le travail, les années post-coloniales de 1960 à 1980 où la langue française était comme un tribut de guerre et aujourd’hui, l’effondrement des États et l’entrée de deux millions de personnes en Europe – y compris ceux issus de pays qui n’étaient pas dans l’histoire coloniale et ne procédaient pas de l’histoire culturelle européenne – ainsi que la crise de l’Union Européenne et la montée des nationalismes.

Les mécanismes d’intégration se font par la langue, le travail et le logement même si la question de la langue ne doit pas devenir un obstacle. En ce qui concerne la langue, Benjamin Stora reconnaît ceux qui, aux quatre coins de la France, donnent cours, issus notamment de réseaux bénévoles et propose que ce peuple invisible de formateurs soit porté à la connaissance de l’État et à la connaissance de tous, et qu’ils soient mis en réseau avec ce qui se passe dans le public, évitant que chacun ait ses réfugiés. Il parle aussi de l’aide à apporter aux artistes en exil pour faire vivre leur art et leur culture. C’est dans cet esprit que Visions d’exil, coproduit par le Palais de la Porte Dorée/Musée national de l’histoire de l’immigration, se déploie dans plusieurs lieux culturels dans et autour de Paris.

Plusieurs responsables politique ou représentants de structures ont ensuite partagé leur expérience comme Isabelle Devaux pour la Ville de Paris, François Pinel pour le Ministère de l’Intérieur, Pascale Gérard pour l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes et Pierre Henry, de France Terre d’Asile. Les différents outils d’apprentissage du français en ligne ont été présentés par l’Alliance Française, le Centre international d’études pédagogiques, Radio France International, TV5 Monde, la Bibliothèque Publique d’Information et plusieurs autres associations, ainsi que le lancement du parcours de formation réalisé par Bibliothèques Sans Frontières que préside Patrick Weil, universitaire spécialiste des questions d’immigration et de citoyenneté.

De fructueux débats se sont engagés avec l’auditoire autour des innovations, des cartographies des lieux d’apprentissage, des méthodologies de l’apprentissage par le cinéma, les mooc, blog, guides de ressources, et autres, par tous les outils mis aujourd’hui à disposition des migrants. La façon dont la langue a été portée et instrumentalisée, dans les territoires ex-coloniaux où le français, contraint et forcé, était familier, ou bien dans les pays hors de la zone d’influence française ne se pose pas de la même manière. Dans tous les cas elle met en jeu l’Histoire, la Nation et l’État et se doit d’être à l’écoute de ceux qui, pour un temps, perdent leurs repères et cherchent à se poser, à s’ancrer sur de nouveaux territoires et à s’insérer.

Cette Journée d’étude est un des maillons de la chaîne civique qui en brisant la distance permet de s’inscrire dans la logique du plaisir d’apprendre à partir de la multiplicité d’expériences vers une multiplicité de migrants venant de tous horizons et qui ne sont pas reconnus comme citoyens, dans leurs pays respectifs.

Brigitte Rémer, le 30 décembre 2018

Migrer d’une langue à l’autre ? Journée d’étude au Palais de la Porte Dorée – Musée national de l’histoire de l’immigration, 293 avenue Daumesnil, 75012. Métro Porte Dorée – Tél. : 01 53 59 58 60 – http://www.dglf.culture.gouv.fr/ – editions@palais-portedorée.fr

La disparition de Guy Rétoré, directeur du Théâtre de l’Est Parisien, défenseur d’un théâtre populaire dans le XXème arrondissement de Paris

© Archives Théâtre de l’Est Parisien

Situé au 17 de la rue Malte-Brun, le Théâtre de l’Est Parisien était depuis 1911 date de sa construction, un cinéma et un music-hall d’environ mille places, qui répondait au nom de Zénith. Le ministère des Affaires Culturelles que dirigeait André Malraux en fit l’acquisition en 1963 et en confia la direction à Guy Rétoré, alors directeur d’une compagnie théâtrale amateur, La Guilde, qu’il avait créée en 1951. Né à Ménilmontant et enfant du quartier, Rétoré avait découvert le théâtre avec la troupe de la SNCF, entreprise où l’avait fait entrer son père pendant la guerre, pour échapper au Service du travail obligatoire, puis il avait suivi des cours avant de créer sa compagnie, La Guilde.

A la tête du Théâtre de l’Est Parisien, sa mission fut de développer l’art théâtral et la culture dans l’est de Paris, excentré et sorte de désert culturel. En 1983 Jack Lang fit reconstruire la salle, devenue Théâtre national de la Colline, et en confia la direction à Jorge Lavelli. Guy Rétoré se vit alors déplacé au 159 avenue Gambetta, sa troupe redevint structure de production et de diffusion subventionnée par l’État sous l’égide de La Colline. Huit ans plus tard il sera sommé de quitter les lieux par Catherine Trautmann, Ministre de la Culture qui nomme à la direction du TEP, en 2001, Catherine Anne. Contraint et forcé de libérer la place, par la Ministre suivante, Catherine Tasca, en juin 2002, il finit par lâcher. “Un fauteuil pour deux” titrait L’Humanité le 9 avril 2001 au moment de la polémique.

A croire que ce lieu est prédestiné aux difficultés, car au départ de Catherine Anne en 2011, le Théâtre international de Langue Française créé par Gabriel Garran, quitte La Villette et prend place avenue Gambetta pour changer de nom et devenir Le Tarmac, avec tous les séismes du printemps dernier que l’on a suivi, qui visaient à déloger Valérie Baran et son équipe pour y installer Théâtre Ouvert. Le jeu des chaises musicales décidément est actif.

Pendant plus de quarante ans au pilote de la vie théâtrale du XXème arrondissement Guy Rétoré fit un véritable travail de démocratisation culturelle et développa un théâtre populaire et national dans le droit fil des grands de la décentralisation et du service public comme Romain Rolland, Maurice Pottecher, Firmin Gémier, Jean Dasté et Jean Vilar. La Guilde devient troupe permanente en 1960, et le lieu fut inauguré par Malraux comme Maison de la Culture ayant statut de Centre Dramatique National. Rétoré mit en place une politique de création des textes, contemporains et classiques, et lança de nombreuses actions de développement culturel notamment dans un dialogue avec les écoles. Jacques Duhamel, lui donne le label de Théâtre National, en 1972 et  statut d’établissement public. Outre les créations maison, Guy Rétoré y invitait les grands de la création dans un esprit d’ouverture, ainsi Dario Fo en 1980 y présenta son Histoire du tigre et autres histoires.

Rétoré fidélisa des acteurs engagés, comme lui, dans la mission de service public qui leur était assignée et mit en scène les grands auteurs d’une manière très ouverte, de Shakespeare à Brecht, de Musset à O’Casey en passant par Pagnol, de Roger Vaillant à Armand Gatti, de Claudel à Beckett. « Notre répertoire, c’est Molière, Shakespeare, Aristophane, Sophocle et le théâtre contemporain qui parle aux contemporains » disait-il lors d’une interview.

Ces dernières années il vivait en Sologne où il s’est éteint à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans.

 Brigitte Rémer, le 26 décembre 2018

 

Table ronde au Tarmac – « Les grands enjeux de la Francophonie »

© Frédéric Desmesure

Modératrice Séverine Kodjo-Grandvaux, Le Monde Afrique – Avec : Malick Diawara, rédacteur en chef du Point Afrique – Nadia Yala Kisukidi, maîtresse de conférences, agrégée et docteure en philosophie à l’Université de Paris 8 – Catherine Blondeau, directrice de la scène conventionnée Le Grand T, théâtre de Loire-Atlantique – Héla Fattoumi, chorégraphe et co-directrice avec Eric Lamoureux du Centre chorégraphique national de Belfort – Gustave Akakpo, auteur, dramaturge, conteur et illustrateur.

Donner du sens et de la consistance au débat sur la francophonie avec de talentueux artistes, opérateurs culturels et journalistes réunis pour une table ronde ce 19 mars 2018, tel est l’objectif de la rencontre en cette semaine de la francophonie. Depuis le communiqué de presse laconique du ministère de la Culture le 31 janvier, annonçant son intention de mettre fin au projet du Tarmac, sans dialogue ni concertation, plus de 14 000 personnes, par leur signature, prennent la parole. Cette seconde soirée de mobilisation rassemble de nombreux soutiens : artistes, producteurs, diffuseurs, spectateurs, politiques et parlementaires de différentes tendances, autour de la définition de la francophonie et du rôle du Tarmac dans le paysage théâtral.

Pourquoi évoquer un lieu-ghetto quand il s’agit d’un théâtre – Le Tarmac-Scène Internationale Francophone – où l’ouverture et l’attention aux autres cultures se développent depuis une quinzaine d’années ? Où les spectacles venant d’ailleurs sont programmés et accueillis avec exigence ? Où la réflexion sur l’altérité fait partie de la constitution même de la mission, portée avec talent par Valérie Baran ? Après un bref rappel des faits et l’actualisation de la mobilisation, la directrice du Tarmac cède la parole à Séverine Kodjo-Grandvaux, modératrice, journaliste au Monde Afrique et au panel rassemblé, car c’est de Francophonie appliquée que l’on parle aujourd’hui par l’échange des expériences, et de circulation des artistes.

Malik Diawara, rédacteur en chef du Point Afrique, pose des jalons historiques et replace le contexte, tant en France qu’en Afrique en rappelant que l’impulsion avait été donnée en 1960 par trois présidents de pays nouvellement indépendants, le poète L.S. Senghor du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie et Hamani Diori du Niger. Il évoque l’absence de réflexion sur l’histoire humaine commune entre la France et les pays africains dans les manuels scolaires, histoire commune qu’il évoque notamment par la présence des tirailleurs sénégalais lors des deux guerres mondiales du début du XXème, dont la bataille de Bir Hakeim contre Rommel, en 1942. Il parle du discours multi-culturaliste ambigu de la France tant que les élites issues de l’ENA restent formatées donc coupées des réalités africaines, et loin de la diversité portée par d’autres imaginaires. Il remarque que la France reste très franco-centrée et paradoxale quand elle parle d’intégration.

Nadia Yala Kisukidi, agrégée et docteure en philosophie, maîtresse de conférences à l’Université de Paris 8, reprend le thème des manuels scolaires et parle de la nécessité de modifier le contenu des apprentissages, des concours, des acquisitions dans les bibliothèques universitaires, du travail à entreprendre avec l’Éducation Nationale pour que la francophonie ait droit de cité. Elle parle de rhétorique de la duplicité et fait le bilan de l’absence des pouvoirs publics dans le domaine de la francophonie, à commencer par celle d’un secrétariat d’état depuis un certain temps, des diminutions de subventions à certaines structures, de la volonté de mettre un terme à l’aventure du Tarmac. L’interventionnisme déplacé de l’Organisation Intergouvernementale de la Francophonie est aussi montré du doigt face aux logiques nationales qui demeurent, et face à des actions pour le moins discutables comme l’éviction d’un économiste remettant en cause le franc CFA. Autant de signaux qui ne peuvent qu’alarmer, derrière les déclarations de bonnes intentions de tous bords, en parfait décalage avec les actions menées.

Catherine Blondeau, directrice du Grand T de Nantes parle de son expérience de programmation et met l’accent sur la communauté d’imaginaires qui se fabrique avec des gens de partout ayant le français en partage, une communauté qui se développe en rhizome. Elle insiste sur les difficultés administratives et financières de programmer au plan international, avec l’extrême complexité d’obtenir des visas et d’assurer les coûts. Héla Fatoumi évoque le langage des corps et dit s’inscrire entre deux cultures, la française et la tunisienne, parle du Festival Danse d’ailleurs créé au CCN de Caen qu’elle co-dirigeait avec Eric Lamoureux avant leur nomination à Belfort, festival qui accueillait des danses venues de partout dans le monde. Elle reconnaît les langages communs du corps et dit l’artiste porteur de l’Histoire. Elle fait référence à l’imprévisible selon Edouard Glissant, parle de l’expérience du danseur chorégraphe Salia Sanou avec son lieu, La Termitière, à Ouagadougou. La chorégraphe met l’accent sur l’usage du vocabulaire pour la disqualification et s’interroge : et si le ghetto sur les scènes françaises était de l’autre côté ? Gustave Akakpo, écrivain et plasticien, membre de collectifs d’écriture se demande pourquoi il ne pourrait y avoir de spectacles en langue vernaculaire et insiste sur l’importance de nommer les choses.

Les participants à la table ronde reconnaissent que la francophonie verticale, l’institutionnelle, contredit la francophonie de fait, celle des praticiens, et que la dimension universelle ne vient souvent que d’un côté. A l’heure où le président Macron doit prononcer, depuis l’Académie Française, un discours sur la Francophonie, au lendemain de cette table ronde, pourquoi ne pas rappeler que si la langue est notre trésor à tous, l’attitude des pouvoirs publics dessine un double mouvement, de fermeture plutôt que d’ouverture et de manque d’orientation précise.

Pour conclure ce débat, de haute tenue, Séverine Kodjo-Grandvaux, modératrice, définit le Tarmac comme une fenêtre, une façon pour la France de se regarder. Plateforme pour les artistes venant d’ailleurs et notamment de l’espace francophone, il s’y construit, dans la proximité et avec les écoles, un travail d’éducation sur le regard et le stéréotype, il s’y tisse un univers artistique et culturel de haute définition, selon les missions esthétique, sociologique et philosophique digne des établissements nationaux.

Brigitte Rémer, le 23 mars 2018

Au Tarmac, La Scène Internationale Francophone, 159 avenue Gambetta, 75020 – www.letarmac.fr – Prochains spectacles, dans le cadre des Traversées africaines : du 27 au 30 mars, Tram 83, adaptation du texte de Fiston Mwanza Mujila par Julie Kretzschmar – du 3 au 13 avril, Le Fabuleux Destin d’Amadou Hampâté Bâ, pièce de Bernard Magnier et Hassane Kassi Kouyaté – Tél. réservations : 01 43 64 80 80.

 

Jack Ralite, humaniste et homme de culture

On ne peut quitter l’année 2017 sans évoquer la disparition de Jack Ralite le 12 novembre 2017, grande personnalité des milieux artistiques et culturels, figure de référence pour la politique culturelle en France.

Né le 14 mai 1928 à Châlons-sur-Marne, il avait adhéré au Parti Communiste dans l’après-guerre, en 1947. Ses mandats politiques l’avaient conduit à être député PCF pour la Seine-Saint-Denis, de 1973 à 1981. Dans le Gouvernement Mauroy sous la Présidence Mitterrand, il fut ministre de la santé, puis en 1983/84, ministre délégué à l’emploi. Il fut Maire d’Aubervilliers de 1984 à 2003, puis passa la main, l’habit d’élu local lui allait bien, la ville garde son empreinte. Il fut sénateur de 1995 à 2011. « Le local, c’est l’universel sans les murs » disait-il, reprenant les paroles de Torga.

S’il ne fut pas ministre de la Culture, Jack Ralite s’engagea, prit la parole et la défense de la création et des artistes, de la liberté intellectuelle. Il rassembla, en 1987, les Etats Généraux de la Culture, après avoir lancé une pétition contre la marchandisation de la culture, au moment où TF1 se privatisait et où la cinquième, Canal + et M6, trois chaines privées, se créaient. La mobilisation du milieu artistique fut immédiate et des réunions de réflexion eurent lieu dans tous les théâtres de l’Hexagone. Le rassemblement fédérateur s’est fait au Zénith de Paris, le 16 novembre 1987. La lecture de la Déclaration des Droits de la Culture, fondatrice des Etats Généraux, fut énoncée devant une salle comble. Le mouvement s’est ensuite exporté partout dans le monde, et Jack Ralite en a assuré l’animation pendant trente ans. Ardent défenseur de l’exception culturelle, son combat, il l’a faite inscrire dans les accords généraux sur les services de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Dans la Préface de Cultures au Faubourg, actes des rencontres qui marquaient dix ans de la Formation Internationale Culture, publiés en 2004, Jack Ralite reprenait les mots d’Hölderlin « quand il parlait des traductions et qu’il soulignait qu’elles mêlaient l’apprentissage du propre et l’épreuve de l’étranger. C’est une métaphore heureuse de l’idée qu’il faut en finir avec les différences indifférentes aux autres différences.» Evoquant cette assemblée de francophones, invités du ministère de la Culture au titre de la formation et de la comparaison des savoir-faire dans le domaine des politiques culturelles, il parlait de « mêlée des cultures qui par-delà leurs tensions vibrantes, cherchent une harmonie, c’est-à-dire un vrai pluralisme, pas celui du statu quo, mais celui du mouvement, ce que d’aucuns appellent la diversité culturelle.» Et il poursuit : « Ceci dit, c’était beaucoup plus riche que la diversité culturelle, expression qui renvoie trop à la diversité commerciale prônée par les grandes affaires des industries culturelles financiarisées et qu’un homme d’affaire français, égaré, porta au pinacle en se targuant d’enfoncer la notion d’exception culturelle dont le cœur est que le monde marchand ne peut pas être le régulateur impitoyable et sans rivages de ce qui touche à l’essentiel de la vie des hommes : la culture, les cultures, l’art, les arts. Il y a déjà longtemps qu’Octavio Paz nous avait averti : Le marché est efficace, soit, mais il n’a ni conscience ni miséricorde. Or nous sommes, nous voulons être des sociétés de conscience. »

Grand penseur et grand humaniste, Jack Ralite était pétri de nombreuses références qui le mettaient, et qu’il mettait, en action et en pensée. Il défendait avec acharnement les concepts de Liberté, Egalité et Fraternité, luttait contre l’exclusion, s’engageait pour plus de justice. Il reste une chaise vide autour de la table.

Brigitte Rémer, le 3 janvier 2018

 

La désacralisation de l’espace théâtral

© BR

Un colloque international s’est tenu à Kairouan (Tunisie) en sa première édition, les 30 et 31 mars 2017, au Centre National des Arts Dramatiques et Scéniques, sur le thème : La désacralisation de l’espace théâtral.

En partenariat avec l’Unité de recherche de l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Sousse, le Centre National des Arts Dramatiques et Scéniques de Kairouan que dirige M. Hamadi Louheibi, acteur et metteur en scène, a réuni des chercheurs et praticiens venant de Tunisie, d’Egypte, d’Espagne et de France autour du thème : La désacralisation de l’espace théâtral. Les maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage, deux jeunes chercheurs en art du spectacle et scénographes, Mme Hanène Othmani et M. Fathi Rached, membres du CIRRAS – Centre International de Réflexion et de Recherche sur les Arts du Spectacle – ainsi qu’un jeune réalisateur enseignant chercheur en littérature et cinéma, M. Malek Ouakaoui, ont conçu et réalisé la manifestation.

Cette rencontre s’inscrivait dans le cadre du Symposium des théâtres organisé pour la seconde fois à Kairouan par le Centre des Arts, mini festival qui programme des spectacles venant de différents pays, pendant une semaine. Un appel d’offre avait été lancé aux écoles d’art de Tunisie, proposant des bourses pour la prise en charge d’étudiants qui souhaitaient participer au colloque. Une douzaine se sont joints aux débats.

Plus l’on réfléchit à la question de La désacralisation de l’espace théâtral et plus l’objet échappe. Il semble aussi volatile que la représentation théâtrale elle-même dont les traces s’estompent au fil du temps et de la mémoire. Parle-t-on de l’espace de jeu, du plateau ? Evoque-t-on le public, le lieu où se déroule la représentation, dans sa configuration scène-salle ? Pose-t-on la question de l’acte théâtral, son contenu, ses langages ?

Chaque intervenant a apporté sa réponse et ses interrogations dans les différents domaines du théâtre, de la danse, du cinéma, de la littérature et du numérique, au cours de cinq tables rondes.

Du côté du théâtre, Sana Mahroug Mhibik, enseignante à l’Université Paris 13 a partagé ses Réflexions sur les aspects théâtraux dans Les Cerbères, de Mohamed Khair-Eddine, un des plus grands auteurs de la littérature marocaine, sorte d’Artaud maghrébin ; Hanène Othmani a évoqué Godot transplanté par Mohamed Kaouti le fondateur du théâtre marocain, sous l’intitulé : Quand Godot devient Sidna Kdar ; Ezzedine Abbassi professeur à l’Institut Supérieur des Arts Dramatiques de Tunis, a lancé une réflexion sur le thème Espace sacré et Espace profane à travers l’exemple d’Œdipe-Roi, faisant référence à Jean-Pierre Vernant et à Tawfiq al-Hakim. Mohamed Hedi Farhani, professeur à l’Université de Kairouan a mis en exergue, d’Adam à Œdipe, la dualité entre le sacré et l’impur, l’ombre et la lumière ; A partir des mots de Roland Barthes « Car ce que la scène fermée supprime, c’est un travail, c’est une liberté » Brigitte Rémer a parlé de décentrement selon Tadeusz Kantor et d’Espace vide selon Peter Brook, des passeurs de cultures entre l’Europe et l’Afrique et des niches de création que sont les friches industrielles et les arts de la rue ; Fathi Rached, a parlé du Spectacle Arab, du Nouveau Théâtre : quand la fuite devient un acte constructeur, co-mis en scène en 1986 par Fadhel Jaïbi et Fadhel Jaziri, dans la Cathédrale Saint-Louis de Carthage ; Olfa Bouassida Souli, enseignante à l’Institut des Beaux-Arts de Sousse a analysé L’espace scénique chez Ariane Mnouchkine : forme et enjeux, et la place du public, juge, complice et critique, dans son spectacle 1789.

Du côté de la danse Carolane Sanchez a évoqué une Cartographie Flamenca : espace et mutations autour du poids de la tradition lié au poids de la religion. Du côté du cinéma, Maha Gad El Hak, professeur à l’Université du Caire, en Egypte, a parlé de L’Espace dans le film Rough stage à partir de l’analyse d’images sur un jeune danseur palestinien préparant un concours de danse contemporaine avec pour partenaire une juive estonienne, à contre courant des volontés de sa famille ; Malek Ouakaoui a présenté son travail sur L’esthétique cinématographique ou l’affranchissement des lois théâtrales, se référant à L’Art poétique de Boileau, à la question du rythme, et à Méliès, homme de théâtre autant que cinéaste, dans sa pensée d’un plan et dans le placement très frontal de la caméra.

Du côté de la littérature, Dorsaf Ben Essid, assistante à l’Université de Kef a évoqué l’inscription du théâtre dans l’œuvre de Pierre Loti à partir de son premier roman, Aziyadé, dont l’action se déroule en Turquie, parlant de transgression, et de la figure de Karagöz comme moyen de subversion, et du côté du numérique, Soumaya Haj Amor, de l’Institut des Beaux-arts de Sousse, a présenté La posture de l’acteur dans le théâtre numérique : enjeux et esthétique. »

Chaque table ronde a remis en débat cette notion de désacralisation de l’espace, qui cherche autour des concepts de profanation, subversion, transgression, déconstruction et illusion, mais qui s’en détache. La construction de la théâtralité se fait-elle par l’implosion du lieu théâtral ? Entre abri, édifice ou tréteaux, comment raconter l’histoire de notre temps ? Quelle frontière entre univers réel et univers onirique ? A la multiplicité de questions engendrées par le thème, cette première édition, prometteuse, a tenté d’apporter des réponses.

Brigitte Rémer, le 18 avril 2017

Centre National des Arts Dramatiques et Scéniques de Kairouan. Tél. : + 216 772 365 52 – Contacts : fethi.benrached@yahoo.frhanene_othmani@yahoo.fr

 

 

La langue française, une passion en commun

Audrey Azoulay
© MCC-Elisa Haberer

À l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication, la Semaine de la langue française et de la Francophonie invite chaque année les amoureux des mots à célébrer la richesse de notre langue. Organisée autour du 20 mars, date de la Journée internationale de la Francophonie, la 22e édition de la Semaine se tiendra du 18 au 26 mars 2017. Son intitulé : La langue française, une passion en commun.

1500 événements en France et à l’étranger, 70 pays participants, plus de 100 villes et villages partenaires, 200 librairies participantes, 12 éditeurs partenaires.

Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, introduit la Semaine : « Depuis plus de vingt ans, la Semaine de la langue française et de la Francophonie offre au grand public une occasion de fêter la richesse et la diversité de notre patrimoine linguistique. Avec un public toujours plus nombreux et plus de mille cinq cents manifestations, la Semaine est désormais un rendez-vous culturel régulier des amoureux des mots, en France comme à l’étranger.

Pour le ministère de la Culture et de la Communication comme pour tous les partenaires associés, la Semaine de la langue française et de la Francophonie favorise, autour de la langue française, la consolidation du lien social et le partage de valeurs républicaines.

Cet objectif de partage est illustré par de nombreuses initiatives qui mêlent à la fois culture, convivialité, événements festifs et pédagogiques. Du 18 au 26 mars prochains, des spectacles, concerts, lectures, matchs d’improvisation, ateliers d’écriture, conférences, présenteront en effet la langue française sous un angle ludique et inventif. Cette année encore, j’ai souhaité que le ministère de la Culture et de la Communication accueille rue de Valois plusieurs temps forts à destination des scolaires et du grand public.

Je souhaite souligner la qualité des initiatives des librairies qui mettent à l’honneur des ouvrages consacrés aux mots et expressions de la langue française et convient le public à des rencontres avec les auteurs. Je me réjouis également de la reconduction de la Journée de la langue française dans les médias audiovisuels, mise en place par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour promouvoir l’usage et le respect du français.

Je tiens à remercier chaleureusement tous les partenaires et intervenants qui font le succès de cette manifestation, et en premier lieu les différents acteurs éducatifs, sociaux et culturels qui participent durant toute l’année à l’opération de sensibilisation à la langue française Dis-moi dix mots. Je salue enfin les collectivités territoriales partenaires, qui contribuent à l’organisation de cette manifestation dans toute la France.

Je souhaite que la 22e édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie soit pour tous les Français et tous les francophones à travers le monde, l’occasion d’échanges et de rencontres autour de ce bien commun, source de création et de réflexion, sans lequel il ne peut y avoir d’appartenance à la société et d’adhésion aux valeurs de la République. »

Le dossier de présentation de la Semaine précise la priorité donnée au numérique : « Cette année, la Semaine de la langue française et de la Francophonie célèbre le français sur la toile. Plutôt email ou courriel ? Uploader ou télécharger ? Pour sa 22e édition, la Semaine met à l’honneur le numérique et invite à s’approprier les mots et expressions issus du monde virtuel. Car si le français moderne est parlé et écrit depuis le XVIIe siècle, il est en constante évolution, s’adaptant aux contextes et usages technologiques, s’enrichissant de sens nouveaux, sans qu’il soit nécessaire d’emprunter à une autre langue.

Pour incarner cette thématique, il fallait une personnalité à la fois passionnée de langue française et adepte des nouvelles technologies. Qui d’autre que Bernard Pivot, gazouilleur chevronné sur Twitter, comme il se définit lui-même, pour parrainer cette édition ? Si l’on ne peut pas tout dire sur la Toile, tout peut se dire en français ! »

Qu’on se le dise !

Brigitte Rémer, 14 mars 2017

Du 18 au 26 mars 2017 http://semainelanguefrancaise.culturecommunication.gouv.fr

http://semainelanguefrancaise.culturecommunication.gouv.fr/L-evenement/Les-mots-du-numerique#.WMemMQxxgLY.twitter

 

La culture en Palestine

© Nabil Boutros

Table ronde au Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre dramatique national du Val-de-Marne, à la Manufacture des Œillets, en présence de Leila Shahid ancienne déléguée générale de l’Autorité palestinienne en France et ex-ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne.

C’est une grande dame qui a été reçue à la Manufacture des Œillets pour échanger avec le public sur le thème de La Culture en Palestine. Le Théâtre National Palestinien y présente actuellement dans la grande salle, La Fabrique, Des Roses et du Jasmin pièce d’Adel Hakim, après avoir joué Antigone. Cela s’inscrit dans le cadre du partenariat développé depuis six ans entre les deux entités, le Théâtre des Quartiers d’Ivry et le Théâtre National Palestinien. Les acteurs sont dans la salle, à côté du public. Autour de la table : Elisabeth Chailloux, metteuse en scène et codirectrice du Théâtre des Quartiers d’Ivry avec Adel Hakim, metteur en scène des deux spectacles, Mohamed Kacimi auteur et dramaturge. Ce dernier lira à la fin de la rencontre des extraits de son Journal, écrit lors de la création à Jérusalem Est de Des Roses et du Jasmin.

Lumineuse et combative seraient les mots qui caractériseraient le mieux Leïla Shahid. Née à Beyrouth dans une éminente famille palestinienne, elle n’a eu de cesse de défendre, par la réflexion et le dialogue, la cause de son pays en construction. Diplomate hors pair, elle y a notamment travaillé à partir de 1989 à la demande de Yasser Arafat, après le début de la première intifada. Elle fut la première représentante palestinienne féminine. Elle a mené ses combats comme représentante de l’OLP depuis l’Irlande, les Pays-bas et le Danemark jusqu’en 1994, puis comme déléguée générale de l’Autorité Palestinienne en France pendant une dizaine d’années, et comme ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg à Bruxelles jusqu’en 2015, traversant espoirs et déceptions. Cette période historique parlait d’optimisme, surtout après la signature des Accords d’Oslo en 1993 par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin sous l’égide de Bill Clinton, grâce au travail mené par le ministre des Affaires Etrangères Israélien Shimon Peres, Prix Nobel de la Paix.

En introduction Leïla Shahid évoque le livre de sa mère, Sirine Husseini Shahid, Souvenir de Jérusalem, portrait de sa famille, palestinienne, installée à Jérusalem depuis plusieurs siècles et contrainte en 1936 de prendre la route de l’exil. Puis elle propose un parcours qui prend pour repères le théâtre et la littérature, formes de résistance à l’obscurantisme, avant de donner ses positions dans le conflit israélo-palestinien. Très proche de Mahmoud Darwich et de Jean Genet, elle parlera longuement de l’un et de l’autre. Donnant lecture de quelques passages, elle reconnait qu’en leur absence, l’écriture est la seule chose qui reste, que leur parole, sous quelque forme qu’elle fut – pièces, poèmes, romans ou autres – aide à vivre. Elle annonce la création d’une chaire Mahmoud Darwich à Bruxelles, la première dans le monde francophone qui a pour objectif la traduction, l’édition, la mise en scène à partir de l’œuvre du poète qui a mis en mots son exil intérieur, et à partir de la poésie arabe. Elle donne lecture d’un extrait du dernier recueil publié avant sa mort, La Trace du papillon, intitulé Si nous le voulons, traduit, comme toute l’œuvre, par Elias Sanbar : « Nous serons un peuple, si nous le voulons, lorsque nous saurons que nous ne sommes pas des anges et que le mal n’est pas l’apanage des autres. Nous serons un peuple lorsque nous ne dirons pas une prière d’actions de grâce à la patrie sacrée chaque fois que le pauvre aura trouvé de quoi dîner. Nous serons un peuple lorsque nous insulterons le sultan et le chambellan du sultan, sans être jugés (…) Nous serons un peuple lorsque nous respecterons la justesse et que nous respecterons l’erreur. »

Leïla Shahid parle ensuite de Jean Genet qui l’avait accompagnée à Beyrouth en septembre 1982 au moment où, le 16 septembre, eurent lieu les massacres de Sabra et Chatila. Entré dans les camps quelques jours après, il écrira Quatre heures à Chatila où il mêle le souvenir des six mois passés dans les camps palestiniens avec les feddayin dix ans avant : « Israël s’était engagé devant le représentant américain, Habib, à ne pas mettre les pieds à Beyrouth-Ouest et surtout à respecter les populations civiles des camps palestiniens. Arafat a encore la lettre par laquelle Reagan lui fait la même promesse. Habib aurait promis à Arafat la libération de neuf mille prisonniers en Israël. Jeudi les massacres de Chatila et Sabra commencent… » Alain Milianti avait présenté un spectacle à partir de ce récit, au Volcan maison de la culture du Havre, en 1991 ainsi qu’à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Dans Le Captif amoureux, Genet écrit aussi un étrange journal de bord de ses années passées au Moyen-Orient parmi les Palestiniens : « Avant d’y arriver, je savais que ma présence au bord du Jourdain, sur les bases palestiniennes, ne serait jamais clairement dite : j’avais accueilli cette révolte de la même façon qu’un oreille musicienne reconnaît la note juste. Souvent hors de la tente, je dormais sous les arbres, et je regardais la Voie lactée très proche derrière les branches. En se déplaçant la nuit, sur l’herbe et sur les feuilles, les sentinelles en armes ne faisaient aucun bruit. Leurs silhouettes voulaient se confondre avec les troncs d’arbres. Elles écoutaient. Ils, elles, les sentinelles… »

Lorsqu’elle aborde le conflit israélo-palestinien Leïla Shahid définit le fait que chacun est inscrit dans une généalogie et que cela n’empêche pas de construire son destin. Elle prend à témoin les acteurs dans la salle, eux qui n’ont connu que l’occupation, parle de ce qui fait mal, et reconnaît que les plus grandes blessures dépendent de là où l’on se place. Pour les Palestiniens, Jérusalem est de fait une ville occupée, annexée, où les lois israéliennes s’appliquent et où ils ne sont que résidents dans leur propre ville. Elle qualifie ce conflit de tragédie grecque mettant face à face deux frères jumeaux qui s’autodétruisent et parle de nettoyage ethnique pour définir la Nakba, ce moment de 1948 où les populations palestiniennes furent contraintes à l’exil alors que la coexistence était réelle entre juifs, chrétiens et musulmans. Puis la discussion a posé la question de l’altérité. On se définit soi-même par l’altérité dit-elle. Et l’un des acteurs précise : « Celui qui vit l’occupation ne parvient pas à voir l’humanité du citoyen Israélien qui lui, en un clin d’œil, peut  se transformer en soldat de l’armée d’occupation. Je n’ai pas la possibilité de voir l’Israélien, comme un Autre. »

Leïla Shahid met encore le projecteur sur la disparition du mot Palestinien dans la presse internationale, souvent remplacé par le concept de réfugiés arabes et le regrette vivement, constatant la banalisation du conflit par une utilisation de l’image à outrance, qui déforme jusqu’à en perdre le sens. Pour elle, l’Europe a sa part de responsabilité et ne s’intéresse qu’au bas calcul de ce qui rapporte le plus, dans un jeu mesquin avec Israël et ajoute que certains ne vivent que sur l’enrichissement de la haine. Elle qui a travaillé au sein des organisations intergouvernementales parle sans détour d’une surprenante impunité et de la non application du droit, alors que les résolutions côté Europe, les recommandations côté ONU sont bien actées et qu’elles ne servent donc à rien puisqu’il n’y a aucune sanction. Elle dit que l’idée des deux Etats vivant côte à côte s’est éloignée, et que le temps ne joue pas en faveur de la coexistence.

A la table, une question d’Adel Hakim à l’attention de Leïla Shahid sur le mécanisme des sanctions économique, diplomatique, militaire à partir de l’exemple de Cuba et Fidel Castro ou de Poutine et l’expansion russe en Crimée, et lui demande de s’exprimer sur les BDS portés par la société civile – Boycott, Désinvestissement et Sanctions, une campagne internationale lancée par près de deux cents ONG palestiniennes sur le modèle de l’apartheid d’Afrique du Sud, appelant à exercer des pressions économiques, académiques, culturelles et politiques sur Israël. La mise en œuvre des BDS vise trois objectifs : la fin de l’occupation et de la colonisation des terres arabes, l’égalité complète pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël, et le respect du droit au retour des réfugiés palestiniens. La réponse de Leïla Shahid ne se fait pas attendre : « Aucun despote n’écoute les recommandations de l’ONU. Fidel a fait d’énormes dégâts et a détruit Cuba, Jérusalem est annexée depuis 1982 et il n’y a pas de sanctions. En Irak des milliers d’enfants sont morts. L’hypocrisie et la lâcheté sont générales, c’est une supercherie.» Et elle évoque la dynamique de la société civile palestinienne.

Mohamed Kacimi pose à son tour une question sur la position de l’intelligentsia en Israël qui compte des observateurs et penseurs avisés, et ne peut comprendre que leur lucidité n’ait pas de prise sur la société. Leïla Shahid parle des « vingt millions de Juifs dans le monde contre six seulement en Israël. Israël ne représente pas tous les Juifs. » Elle parle de ghetto tout autant physique que mental « C’est une tragédie philosophique » ajoute-t-elle tout en rappelant qu’Israël est la septième puissance industrielle et la quatrième puissance militaire.

Le débat se recentre ensuite sur le spectacle, Des Roses et du Jasmin, Mohamed Kacimi, dramaturge auprès d’Adel Hakim lit quelques extraits de son carnet de bord des répétition, écrit à Jérusalem Est. Il parle de l’extrême difficulté de créer. « Mercredi 11 février 2015 – Il fait un froid de canard à Jérusalem. Nous travaillons depuis une semaine dans une petite salle, encombrée de gradins bleus couverts de poussière et de manuscrits. La lumière est faible, le chauffage en panne, et le sol jonché de mégots et de gobelets écrasés. Autour de la table huit comédiens fument à tombeau ouvert. Ils lisent la dernière pièce d’Adel Hakim : Des Roses et du jasmin… »

Leïla Shahid a vu le spectacle quelques jours auparavant et rapporte : « Il arrache la Palestine à son quotidien et redonne espoir, en dépit de tous les murs et barbelés. » Pour elle, le théâtre est au cœur du politique, c’est l’oxygène d’une nation, et le discours poétique est le seul qui s’impose par lui-même. Elle traduit aussi son plaisir d’être là, inaugurant le Lanterneau, la seconde salle de la Manufacture des Œillets qui en cette après-midi laisse passer par sa belle verrière, la clarté. Elle a posé sur la table deux magnifiques bouquets blancs, des roses et du jasmin.

Brigitte Rémer, le 30 janvier 2017

Samedi 28 janvier 2017 à 16h, Théâtre des Quartiers d’Ivry/Manufacture des Œillets, 1 place Pierre Gosnat – 94200 Ivry-sur-Seine – Métro : Mairie d’Ivry – www.theatre-quartiers-ivry.com – Tél. : 01 43 90 11 11. Le Journal de Mohamed Kacimi est publié sur le site du Théâtre des Quartiers d’Ivry – Le texte d’Adel Hakim, Des Roses et du Jasmin est publié à L’Avant-Scène.

Public/privé : quelle politique culturelle pour demain ?

img024Le Monde vient d’organiser pour la troisième année consécutive son Festival : deux jours de débats sur trois sites, avec plus de soixante-dix invités. Le thème retenu, Agir, est aujourd’hui parlant : « Agir sur la politique bien sûr, mais aussi la science, l’éducation, la culture, la diplomatie, la société, la technologie, les entreprises… »

Deux anciens ministres de la culture de bords politiques différents, Aurélie Filippetti et Jean-Jacques Aillagon, étaient invités dans ce cadre pour une table ronde sur le thème Public/privé : quelle politique culturelle pour demain ? Animée par Michel Guerrin, la rencontre avait lieu au Théâtre des Bouffes du Nord et a traité principalement des atouts et dangers du modèle public-privé dans l’art et la culture et de la confrontation des enjeux économiques de la culture avec les missions de service public de l’Etat et des collectivités territoriales.

Jean-Jacques Aillagon a marqué son passage rue de Valois sous Jacques Chirac, notamment par une loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations qui reste la référence et qui valait pour tous les domaines d’intérêt général (recherche médicale, sport etc…) non pas seulement celui des politiques culturelles. Il a fait évoluer certains musées comme Orsay et Guimet leur donnant le statut d’établissement public, c’est-à-dire plus d’autonomie de gestion. Il a également été Président du Centre Georges Pompidou ainsi que de l’établissement public de Versailles et s’occupe de la Fondation François Pineau dont la collection sera installée en 2018 dans l’ancienne Bourse du Commerce, au centre de Paris. Après deux ans de mandat au début du Gouvernement Hollande, Aurélie Filippetti, aujourd’hui députée de Moselle, s’est abstenue de voter le budget 2015 passant dans le clan dit des frondeurs. Les deux ex-ministres défendent une philosophie de la culture et des modes d’action finalement assez voisins l’un de l’autre.

Tous deux rappellent que le privé est toujours intervenu dans la culture par le biais des mécènes et que certains domaines en relèvent exclusivement, c’est le cas de la littérature, de l’édition ou du cinéma. Ils conviennent de la nécessité d’un fort engagement de l’Etat en termes de mission de service public – sans intervention et en faisant preuve de neutralité – de son rôle dans le cadre du mécénat, à savoir veiller au respect des règles, de l’éthique des mécènes, de la déontologie et de l’objet d’intérêt général. Aurélie Filippetti comme Jean-Jacques Aillagon ont tous deux insisté sur le fait que le mécénat n’était en aucun cas une mesure de substitution par rapport aux financements de l’Etat et des collectivités territoriales pour l’art et la culture.

Filippetti a rappelé l’inaliénabilité des œuvres en France et les missions de l’Etat : égalité de l’accès aux œuvres par l’éducation artistique, la prise en compte des publics défavorisés et la recherche de nouveaux publics ; égalité entre les territoires avec péréquation nécessaire entre établissements ; soutien à la création et mise en valeur du patrimoine ; prise en compte de la nouveauté et de l’innovation. Elle a ré-affirmé la nécessité de coordonner les actions des pouvoirs publics à l’échelle des territoires et de donner des outils d’évaluation et d’expertise.

Aillagon a rappelé la permanence et la continuité de l’Etat permettant de pérenniser les actions. Il est revenu sur 2008, point de départ de la crise économique qui a conduit à demander aux établissements plus de performance en générant davantage de ressources propres. Il a évoqué la problématique des musées et les nouvelles offensives en termes de location d’œuvres, qui inversent parfois les priorités, négligeant les prêts aux régions – exemples du Musée Picasso – les missions prioritaires étant d’aller au-devant des citoyens, dans les mairies, les entreprises etc… comme le dit Filippetti.

Les deux ex-ministres allument les clignotants constatant que les mécènes interfèrent beaucoup plus aujourd’hui dans le domaine de l’art et que la ligne rouge est parfois franchie ; que le mécénat doit se diversifier et qu’il est plus difficile en région où les mêmes entreprises sont sollicitées. Une Charte avait été ébauchée pendant son mandat mais de fortes pressions ont fait qu’elle n’a pu voir le jour dit Aurélie Filippetti. Au passage, elle insiste sur le rôle des petites et moyennes entreprises et des petits contributeurs comme une nécessité citoyenne, et propose une défiscalisation dégressive. L’ex-ministre insiste pour que des espaces sacralisés soient sauvegardés, hors du circuit mercantile.

Le dialogue s’est ensuite engagé avec la salle parlant de cohésion sociale, du rôle des bénévoles, des bienfaits de notre système de politique culturelle basé sur le volontarisme, de l’intérêt d’aller chercher les jeunes pour aider à une meilleure compréhension réciproque et à l’apprentissage de l’altérité, de la nécessité de stimuler les élus locaux, certains devenant frileux car pointant du doigt les lieux de résistance intellectuelle qui, dans leur essence même, sont subversifs.

Aurélie Filippetti parle du risque d’instrumentalisation et d’un rapport demandé à Bercy sur l’impact économique de la culture. A la question posée sur l’avenir des politiques culturelles elle dit la nécessité de les mettre au cœur de la vision de notre société en accompagnant les jeunes à en faire leurs objectifs de vie ce qui contribuerait à la lutte contre les crispations identitaires ; de redéfinir la volonté publique entre Etat et collectivités territoriales d’autant après la réforme territoriale et alors que les directions régionales des affaires culturelles en sortent fragilisées. En confirmant l’usure du système, Jean-Jacques Aillagon parle de la nécessité de redéfinir les missions et le périmètre d’un ministère de la Culture plus ouvert sur les régions en repensant le territoire et la culture de façon généreuse. Il évoque l’intérêt de réunir un grand ministère, doté de moyens, autour des problématiques culture, éducation et jeunesse.

Le débat s’est fermé sur le rappel de l’exception culturelle française, outil innovant s’il en fut et des dangers du traité transatlantique TAFTA – dont les négociations semblent suspendues – qui, s’il devait se mettre en place, menacerait sérieusement notre capacité d’innover.

Brigitte Rémer, 22 septembre 2016

Festival Agir-Le Monde, 16 au 19 septembre 2016 – Théâtre des Bouffes du Nord. 37 bis Bd de La Chapelle. 75010 – www.bouffesdunord.com

Condition et responsabilité sociale du chercheur

unesco_logo_550x355Un colloque organisé par la Commission nationale française pour l’UNESCO en partenariat avec le Conservatoire National des Arts et Métiers s’est tenu le 8 septembre 2016 au CNAM.

Les représentants de la communauté scientifique française et internationale, les délégations permanentes auprès de l’UNESCO et les représentants de la société civile étaient invités à débattre autour des propositions relatives à la révision de la Recommandation de 1974 de l’Unesco concernant la condition des chercheurs scientifiques, élaborées par la Commission française pour l’UNESCO. Son Président, Daniel Janicot, le Secrétaire général de l’Association internationale Droit, Ethique et Science, Christian Byk, la Directrice de la Recherche au CNAM, Clotilde Ferroud et la Directrice de la Division de l’Ethique, de la Jeunesse et des Sports à l’UNESCO, Angela Melo, ont ouvert la journée. S.E. Laurent Stefanini, Ambassadeur et Délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO l’a clôturée, évoquant le projet de création d’un observatoire mondial qui permettrait d’assurer le suivi de la Recommandation.

 Quatre sessions furent proposées au cours de tables rondes qui ont introduit aux débats : La science globale, un défi pour les chercheurs – La responsabilité sociale du chercheur scientifique – La condition du chercheur – Egalité et accès à la reconnaissance.

La rencontre concernait les chercheurs du domaine privé (les plus nombreux) autant que ceux du public – près de huit millions de chercheurs dans le monde d’après le dernier rapport UNESCO, paru en 2015 –. Elle a mis en exergue l’intégrité et l’éthique du chercheur, la nécessité du travail en équipe, l’intérêt de donner la parole à la société civile et de mettre à sa disposition les avancées des chercheurs. Elle a parlé du rapport à la connaissance, de propriété intellectuelle et de bien public, de publication et de monopole.

Elle a évoqué les conditions de travail du chercheur et d’un juste salaire souhaité, de l’inégalité du traitement entre hommes et femmes, des disparités entre les régions, de la liberté de recherche en vis à vis à la problématique de subordination hiérarchique, du temps qu’il faut à la recherche, de la nécessité d’accompagner les jeunes chercheurs à partir de la fin de leur thèse, de la fuite des cerveaux.

Elle a posé la question de devoir prêter serment devant ses pairs, comme le médecin s’engage dans ses fonctions en prononçant le Serment d’Hippocrate. Ce point a prêté à de vigoureux échanges. Evoquant la crise de confiance à laquelle la recherche fait face de manière récurrente, la responsabilisation des Etats et des décideurs est reconnue comme essentielle afin de dégager les moyens nécessaires. La création d’un fonds mondial pour la recherche, dans cet objectif, a été grandement évoquée.

La Recommandation de 1974 est aujourd’hui dépassée et incomplète, le chercheur idéal et idéalisé tel qu’elle le décrivait, n’existant pas. D’où l’intérêt de ce colloque visant à réviser le texte, une excellente initiative pour préparer l’étape suivante.

Brigitte Rémer, 14 septembre 2016

Twitter : CNFUnesco// Facebook : CommissionNationaleFrancaiseUnesco www.unesco.fr – Soundcloud : CNFU // Youtube : Commission Nationale Francaise pour l’UNESCO – Ministère des Affaires Étrangères et du Développement International, 57 Boulevard des Invalides – 75007 Paris – Tél : 01 53 69 39 55.

 

Lettre de France

© D.R.

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Hommage à Willems Edouard, expert dans le domaine de la propriété intellectuelle, en Haïti.

« Ils ont assassiné Willems c’est tout ce que je peux dire avec certitude » écrit un de ses collègue et ami, depuis Port-au-Prince. Vendredi matin, 8 juillet 2016, « alors qu’il s’apprêtait à entrer dans son bureau, Willems a reçu deux balles, dont l’une dans la tête. Les assassins ne l’ont pas raté. »

Né le 23 avril 1965 à Pétion-Ville (Haïti) Willems vient à Paris pendant une année, en 1997/98 dans le cadre de la Formation Internationale Culture, programme du ministère français de la Culture et obtient un DESS en management culturel de l’Université Paris3 Sorbonne Nouvelle. Il fait un stage à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques et écrit un mémoire sur le sujet : La gestion collective au regard de développement technologique. Le cas de la SACD.

Avec ses collègues venant d’Angola et du Brésil, du Cameroun, de Chine et de Chypre, de Corée du Sud, de Hongrie et de Jordanie, du Mali, de Roumanie, de Russie et du Sénégal, d’Ukraine et du Venezuela, il échange sur La formation des conseillers culturels des communes, tremplin pour impulser l’action culturelle en Haïti. Avec sa promotion, il fait un voyage d’étude dans la Région Centre de la France pour y observer la vie culturelle à différents niveaux : local, départemental, régional et national. Il y rencontre les décideurs, les responsables d’institutions, les artistes et porteurs de projets et réfléchit à la problématique des friches industrielles réinterprétées en lieux culturels, guidé par un conservateur en chef des monuments historiques, passionné et passionnant -. Il part avec la promotion à Montréal, Québec et Ottawa visiter les lieux culturels, rencontrer les créateurs et les projets, comprendre les modalités de financement de l’art et de la culture dans différents domaines – le livre et l’édition, le cinéma et les nouveaux médias, les musées, etc. – Il est, avec tous, à Avignon, pour le Festival, moments de plaisir partagés. Gentillesse et discrétion, un projet bien ancré dans sa réalité, en Haïti, Willems trace sa route.

De retour à Port-au-Prince, il poursuit des études juridiques à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques, et obtient son doctorat en Droit, en 2006. Devenu spécialiste de la propriété intellectuelle par son travail, Willems dirige le Bureau Haïtien du Droit d’Auteur de 2000 à 2004, puis les Presses Nationales d’Haïti qu’il restructure et modernise, de 2004 à 2011. Pendant ces sept années il contribue fortement au développement de la poésie et de la littérature en créole et en français, s’intéresse à la traduction et à la diffusion dans le pays et à l’étranger dont en France. Il lance plusieurs collections et crée un site internet, numérise certaines archives nationales dont les Journaux Officiels à partir de 1804. Il sait éveiller la créativité en écritures, organise des concours et crée des clubs de lecture notamment dans les écoles qui n’ont pas de bibliothèque. Le journal Le Nouvelliste lui décerne le Prix du Gardien du Livre, en 2012.

Devenu conseiller auprès du Conseil National des Télécommunications – Conatel – Willems Edouard ouvre en 2015 son cabinet, en tant qu’avocat et consultant. Comme professeur au Département Juridique de la Faculté de Droit et des Sciences économiques, il publie régulièrement des articles dans les magazines spécialisés et les journaux, notamment dans le quotidien Le National. Il est aussi auteur, deux de ses recueils de poésies ont été publiés : Rêve obèse, à Port-au-Prince en 1996 et Plaies intérimaires, à Montréal en 2004.

De Paris à Port-au-Prince le monde culturel pleure le départ de Willems, la violence de ce départ, l’absurdité et l’injustice, son absence. Organisations et professionnels de l’art et de la culture – entre autre la Fondation Culture Création d’Haïti qu’il côtoie – se mobilisent. « C’est avec la rage au cœur que je t’annonce la mort brutale de Willems Edouard, un ancien de la Formation Internationale Culture*  tué par balle le 8 juillet 2016 à Pétion-Ville… » écrit la Fondation. Il y avait déjà eu pour nous, en 2001, l’assassinat sauvage de Giovanni Barandica López, colombien de Cali, personnalité calme et discrète, comme Willems, tous deux investis dans leur engagement culturel.

Si l’on pose que la culture est un risque, et plus, un danger « il faut montrer au monde que l’esprit n’a jamais été soumis », dit l’auteur haïtien Dany Laferrière. Dans un climat politique tendu en Haïti sur fond de campagne électorale où la montée de l’insécurité et de l’arbitraire semble se confirmer, on a rayé d’un trait de plume ce généreux et brillant avocat qui a consacré sa vie professionnelle à la défense des artistes et à la justice de son pays. Et reprenant le titre d’un ouvrage de René Depestre, Non-assistance à poètes en danger, rendons hommage au travail de Willems.

Brigitte Rémer, 18 juillet 2016

* L’auteur de l’article a été directrice de la Formation Internationale Culture, de 1991 à 2003.

AG du Réseau français, Fondation Ana Lindh

alf_logo_2012L’assemblée générale du Réseau français de la Fondation Ana Lindh (FAL) – composé de structures de la société civile – animé par l’association Forum Femmes Méditerranée s’est tenue mercredi 14 octobre à Paris en la présence du Directeur Exécutif de la Fondation, S.E. Hatem Attalah, – nommé le 1er mars 2015 – venu présenter la nouvelle stratégie de la Fondation. Madame Elisabeth Guigou, Présidente de la FAL, y a fait une intervention.

Les objectifs définis par le Directeur Général, pour que la FAL devienne la référence du dialogue interculturel dans la région sont d’une part de conforter ce rôle interculturel de la Fondation, d’autre part de contribuer à sa pérennisation en lui donnant plus de visibilité. Les quatre piliers de sa stratégie passent par un travail de communication, un travail sur le terrain avec la recherche de partenaires, la qualité des projets posés pour asseoir sa crédibilité et un travail à long terme à mener avec le Conseil des Gouverneurs. D’où l’importance que les quarante-deux réseaux nationaux dans les différents pays transmettent à la Fondation un retour d’informations. La synthèse des actions se résume en quatre mots, les quatre D : Démocratie, Développement, Dialogue et Diversité.

La Présidente de la FAL a insisté de son côté sur la nécessité de rendre visible les enjeux spécifiques aux pays riverains de la Méditerranée et table sur des propositions pour l’action, notamment dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de la femme etc. En relation avec la conférence sur le climat, la COP 21 qui se tiendra à Paris au mois de décembre, elle précise que la question du climat est bien une question de guerre et de paix dans la région en termes d’enjeux économiques, culturels, sociaux, éducatifs et de vie.

Elle explique la démarche de la Fondation qui sera reçue le 15 octobre soit le lendemain de l’AG à l’Assemblée Nationale, sur le thème : Le dialogue interculturel face aux défis environnementaux, et plus particulièrement sur La coopération pour une Méditerranée durable. Elisabeth Guigou confirme par ailleurs qu’il serait souhaitable lors de cette rencontre de centrer la discussion sur un ou deux points précis, pour ne pas se perdre, ni en diluer la portée. Elle suggère d’ores et déjà la prise en compte de l’organisation de la COP 22 qui se tiendra au Maroc en 2016.

Plusieurs projets ont été présentés au cours de l’AG par différents membres du réseau dont Les Labos de Babel, association de Bretagne, qui prépare un Manuel d’éducation à la citoyenneté ; le Centre de découverte du monde marin de Nice qui œuvre sur la protection des océans ; Umarinu de Bastia dont les actions portent sur le développement durable ; l’Institut catholique de la Méditerranée de Marseille qui travaille sur la question des frontières et Forum Femmes Méditerranée qui met en exergue la place des femmes dans la région.

Au cours de cette AG on a aussi parlé de formation et du fonctionnement interne du Réseau français, de la lettre d’informations hebdomadaire publiée par le chef de file Forum Femmes Méditerranée qui d’autre part transmet les appels à projets émanant de la FAL, monte les AG et fait un important travail d’interface avec les associations du réseau ainsi qu’avec le siège de la Fondation, établi à Alexandrie.

Brigitte Rémer

Forum Femmes Méditerranée – Déléguée Générale, Chef de file du Réseau Français Anna Lindh, Esther Fouchier – 51 rue des Dominicaines 13001 Marseille – Tél: 04 91 91 14 89 – site : www.femmes-med.org

 

 

 

 

 

Séminaire à Göreme (Nevşehir) – Turquie

©Erica Letailleur

©Erica Letailleur

Les Journées internationales de rencontre et de réflexion – organisées dans le cadre du Programme CSD 3 financé par l’Union Européenne et la République de Turquie, – conçues et mises en oeuvre par le CRT Saint-Blaise à Paris et Görsem Ortahisar-Turquie sous l’intitulé Contemplation Project se sont tenues du 21 au 23 août 2015, sur le thème : L’humain face à lui-même dans les arts vivants – Temps, espace, récit.

Des ateliers sur les pratiques théâtrales et l’échange des savoir-faire ont rassemblé artistes, chercheurs et étudiants venant principalement de Turquie et de France.

Jean-Jacques Lemêtre, musicien et musicologue, compositeur issu du Théâtre du Soleil et formé au plateau, a animé des workshops portant sur le rapport au corps ; le rythme de la langue et sa métrique ; les différentes formes et styles de théâtre  ; la recherche de l’intériorité et l’écoute de la montée des visions ; l’invention d’un vocabulaire ample marqué par des arrêts, des charnières ; le travail sur la désynchronisation du corps ; la libération de la voix ; la construction de la verticalité et la conscience de l’axe du corps ; l’imaginaire comme base fondamentale de l’acteur.

Tapa Sudana, ancien acteur chez Peter Brook ayant joué notamment dans Le Mahabharata, a proposé un workshop, au lever du soleil, traitant du rapport au cosmos et de la quête de soi, à partir de la prise de conscience de l’autre et de l’espace ; de la montée de l’énergie – le yin et le yang – et de la maîtrise du corps dans l’espace ; de la perception des mouvements d’accélération et de décélération.

Une table ronde a réuni des artistes et professeurs d’universités, turcs et français, sur le thème : L’humain face à lui-même dans les arts vivants. Ainsi la Turquie était représentée par le Dr Türel Ezici, professeure à l’Université d’Ankara et au Conservatoire de théâtre, qui a parlé de la façon dont théorie et pratique se rejoignent, d’archétypes et de théâtralité, de local et d’universel ; Zeynep Gunsur Yuceil, professeure au Département Théâtre de l’Université d’Istanbul et venant de la danse a mis l’accent sur la confrontation entre le traditionnel et la recherche de nouvelles écritures scéniques ; Ayla Kapan Ezici, professeure de jeu théâtral dans plusieurs universités a évoqué les situations contradictoires du domaine théâtral, la nécessité d’être soi-même et la transmission ; Ali Ihsan Kaleci a mis en exergue la nécessité de l’écriture dans son parcours personnel comme première rencontre avec le théâtre, ainsi que la question du public. Au cours de ces Journées il signait aussi la création de la pièce Fils d’aveugle présentée aux participants du séminaire – voir notre rubrique Arts de la scène -.

D’autres intervenants ont participé à ces échanges, entre autre Sule Ates, dramaturge et Zerrin Yanikkaya, professeur à l’Université d’Istanbul, et d’autres encore, enrichissant la discussion. Pour la partie française, Jean-Jacques Lemêtre a prolongé ses workshops par une réflexion autour du réel, du réalisme et de la réalité, de l’interdisciplinarité, et a relaté l’expérience du Théâtre du Soleil sur l’alternance entre répertoire et création, entre théâtre d’auteur et création collective ; il a fait référence aux formes de théâtre qui traversent le temps comme le théâtre grec et les pièces de Shakespeare qu’Ariane Mnouchkine avait présentées. En tant que marionnettiste, Pierre Blaise a parlé de l’en-dehors, de l’immobilité, du rapport à l’espace et de l’acteur invisible. A travers la parole des sociologues, Brigitte Rémer a évoqué les spécificités de l’action de création, les problématiques de la diversité et de l’altérité, le rapport entre création et vie sociale, le théâtre comme lieu de résistance.

Organisé de mains de maîtres par le CRT Saint-Blaise – Erica Letailleur et Ali Ihsan Kaleci – dans cet endroit privilégié de Cappadoce, Contemplation Project a permis la confrontation des méthodes et une réflexion sur les problématiques liées à la création théâtrale. Ces Journées furent dédiées à Mustafa Kürsat décédé en 2014, qui soutenait le groupe d’artistes. Une soirée d’hommage lui a été rendue.

Brigitte Rémer

CRT Saint-Blaise, 7 square des Cardeurs, 75020 Paris, France – Tél./Fax : 09 51 34 34 97 – e-mail : crtblaise@yahoo.fr – http://contemplationsproject. com – En partenariat avec le Centre International de Réflexion et de Recherche sur les Arts du Spectacle (CIRRAS)