Archives mensuelles : juillet 2022

Ramsès Younan – La Part du sable

Ouvrage collectif initié par Jozéfa Younan, Sonia et Sylvie Younan, édité par Zamân Books.

Autour de Ramsès Younan (1913-1966), artiste peintre et intellectuel égyptien engagé en même temps que citoyen du monde, sa famille fait cercle, parlant de l’homme et de l’oeuvre, rassemblant ses peintures et ses écrits. Plus d’un demi-siècle après sa disparition, son épouse et ses deux filles lui rendent un bel hommage par cet ouvrage monographique composé d’un catalogue de ses peintures, dessins et expérimentations visuelles au plus complet des oeuvres retrouvées, ainsi que d’une anthologie d’essais critiques ; Jozéfa Younan, son épouse, avait initié le travail, ses deux filles l’ont poursuivi. Pionnier de l’art abstrait dans son pays et membre du groupe surréaliste Art et Liberté, Ramsès Younan est né à Minieh, en Moyenne Égypte, dans une famille copte. Formé à l’École supérieure des Beaux-Arts du Caire, il débute comme professeur de dessin dans les écoles secondaires en même temps qu’il engage sa carrière de peintre et de critique. À vingt-cinq ans il publie un essai sur l’art moderne, L’Objectif de l’artiste contemporain.

Contre le mur, 1944 – crédit photo © Zamân Books

De 1937 à 1946, ses peintures et dessins de jeunesse l’inscrivent dans la sensibilité surréaliste. En 1938, avec le poète Georges Henein, intellectuel et critique d’art égyptien et avec l’écrivaine Ikbal El Alaily, Ramsès Younan fonde le groupe surréaliste égyptien réuni autour de la revue La Part du sable. « Au fond de moi-même, je sens le vide, un désert sans ciel et sans lumière. Le goût du sable dans ma bouche. Et le vide, en principe, ne souffre pas le mouvement dialectique. Je sens aussi le désir absurde de nier le vide… »

En révolte absolue contre l’époque et contre l’art académique, le groupe tente de se créer d’autres horizons, un monde magique et utopique. Leur combat pour la liberté et la justice sociale s’inscrit dans une période agitée de l’Histoire, le début du XXème siècle. Leur premier geste est de signer, comme trente-cinq autres artistes, le Manifeste collectif publié au Caire, Vive l’art dégénéré ! « On sait avec quelle hostilité la société actuelle regarde toute création littéraire ou artistique menaçant plus ou moins directement les disciplines intellectuelles et les valeurs morales du maintien desquelles dépendent, pour une large part, sa propre durée, sa survie. Cette hostilité se manifeste aujourd’hui dans les pays totalitaires, dans l’Allemagne hitlérienne en particulier, par la plus abjecte agression contre un art que des brutes galonnées promues au rang d’arbitres omniscients qualifient de dégénéré… Intellectuels, écrivains, artistes, relevons ensemble le défi. Cet art dégénéré, nous en sommes absolument solidaires. En lui résident toutes les chances de l’avenir… »

Tract publié par le groupe « Art et Liberté » – 1947 – crédit photo © Zamân Books

Ramsès Younan et son groupe pensèrent ensuite trouver une réponse à leurs questions dans la pensée communiste. Il devint rédacteur en chef d’une revue trotskiste d’avant-garde Al-Majalla al-Jadida/La Nouvelle Revue, de 1942 à 1944 jusqu’à ce que le gouvernement en interdise la publication. À partir de là il se consacre davantage encore à la peinture et à la littérature, il est aussi traducteur et s’intéresse particulièrement à Rimbaud et Camus qu’il traduit en arabe. « La pensée de Camus nous donne à voir l’homme, débarrassé du poids des illusions et des espoirs, privé du sens de sa vie, et incité par là même à se lancer dans un monde de liberté… » écrit-il.

Un court emprisonnement et l’absence d’horizon politique le poussent à quitter l’Égypte et à s’installer à Paris entre 1947 et 1956, pour se consacrer à l’art. En 1947 il rédige avec Georges Henein, le Tract du groupe Art et Liberté et La Part du sable : « Au bout des chemins – magique, poétique, philosophique, scientifique…- au bout de tant de démarches pour s’intégrer au monde, nous n’avons retrouvé que notre solitude. » À Paris, une période intermédiaire s’ouvre pour Ramsès Younan où il devient journaliste, travaillant à la section arabe de la radiodiffusion française, tout en continuant à peindre. Il présente en 1948 à la galerie du Dragon sa première exposition personnelle. En 1956 Ramsès Younan et trois de ses collègues et compatriotes sont expulsés de France pour avoir refusé de diffuser des déclarations contre l’Égypte, à la veille de l’agression tripartite – une alliance secrète entre la France, le Royaume-Uni et Israël, suite à la nationalisation du Canal de Suez par Nasser, président depuis quelques mois -. De retour en Égypte il se consacre à la peinture abstraite et organise en 1962 une exposition, au Caire. Il sera chargé de la conception du Pavillon égyptien à la IIème Biennale de São Paulo en 1961 puis à la 32ème Biennale de Venise, en 1964.

Dans cet ouvrage collectif, Ramsès Younan – La Part du sable, on retrouve l’article de Louis Awad, publié en 1966 dans Al-Ahram Hebdo, C’était un pionnier courageux ; celui d’Alain Roussillon, retraçant son Parcours dans une francophonie en langue arabe ; Michel Fardoulis-Lagrange, pose la question : Surréaliste, Ramsès ? en ces termes « Dualité donc que l’on ne perd jamais de vue, double polarisation et attraction mutuelle : les tableaux de Ramsès narrent, exposent un univers fragmenté qui n’est autre que l’objet surréaliste éclaté avec son propre instinct d’approche de l’immobilité absolue » ; Patrick Kane analyse les écrits de l’artiste, notamment ses Essais, dans Ramsès Younan, artiste et intellectuel engagé. « Ramsès Younan peint toutes fibres tendues jusqu’au besoin de rupture, jusqu’à l’appel de la rupture » écrit Georges Henein en 1948.

Sans titre, gouache sur papier, années 1960 – crédit photo © Zamân Books

Au-delà de la connaissance de l’œuvre de Ramsès Younan, l’ouvrage permet de rencontrer le contexte général de l’art, en Égypte et dans le monde, au début du XXème siècle. De l’approche de l’œuvre de son père, Sonia Younan écrit, en 2015 : « Le peintre a choisi une démarche exigeante et solitaire : en l’absence de procédé ou recette permettant de produire des tableaux en série, chaque tableau trace sa voie singulière et ré-édite le commencement de l’art. » Une lettre non datée de Ramsès Younan interroge la page blanche, l’inspiration : « Je désespère de moi-même. Ces dernières années se sont passées, jour après jour, sans que je puisse écrire une seule phrase pour… Ce n’est pas que ma tête soit vide comme un théâtre où on vient de jouer. Le fait est que je n’arrive plus à comprendre ce qui s’y joue, ni voir où tout cela puisse bien mener. Ma pensée me fuit… »  Ce livre fait le recensement d’une précieuse documentation sur le surréalisme en Égypte et met le projecteur sur l’œuvre d’un artiste, grand intellectuel et peintre talentueux en perpétuelle recherche qui, fort de dix ans passés en France, n’y a pas souvent droit de citer.

Brigitte Rémer, le 30 juillet 2022

Textes de Ramsès Younan, Louis Awad, Alain Roussillon, Michel Fardoulis-Lagrange, Patrick Kane, Marc Kober, Roland Vogel, Georges Henein, Yves Bonnefoy, Jozéfa Younan, Abdul Kader el-Janabi, Georges Andrews, Victor Musgrave, Sonia Younan, Ahmed Rassim, Jean Moscatelli, Aimé Azar, Édouard Jaguer, Anneka Lenssen, Éric de Laclos, Stephen Spender – suivi de sa Biographie, liste des expositions et catalogue raisonné.

L’ouvrage est publié avec le soutien de Sonia Younan et Boris Younan, direction d’ouvrage Sonia Younan, coordination Madeleine de Colnet, mai 2021, Zamân Books – Traducteurs : anglais/français, Marie-Mathilde Bartolotti – arabe/français, Nabil Boutros, Alain Roussillon (p. 209) – Relecture, Éric Laurent, Anne-Lise Martin – Graphisme, Elias Ortsiloc – Iconographie, Nabil Boutros, Sothebys, Scottish National Gallery of Modern Art Archive (p. 98/99) – Les auteurs pour leurs textes Œuvres de Ramsès Younan, courtesy de la famille Younan – Distribution, Les Presses du réel.

Le Marteau et la Faucille

© Paris l’été

Texte Don DeLillo, traduction Marianne Véron – Adaptation et mise en scène Julien Gosselin – Jeu  Joseph Drouet – au Théâtre Paris Villette, dans le cadre de Paris L’été.

L’homme est seul en scène, assis devant une caméra face au public, dans un dispositif blanc, clinique – tapis et praticables. Derrière lui, en gros plan, s’affiche sur grand écran chacune de ses expressions, chaque respiration. Il est entouré de néons rouge, couleur d’incendie qui accompagne le spectacle.

C’est un narrateur qui commence son récit calmement pour le porter dans une montée dramatique d’une heure à laquelle la musique participe, avec un fort mouvement crescendo. L’expression de son stress et d’une grande nervosité s’exprime par de petits gestes qui se répètent et s’accélèrent – comme se toucher le visage, ou le bras… Nous sommes entre le réel, le présent et une sorte de déréalisation qui serait le passé.

Le Marteau et la Faucille, l’un des écrits les plus récents de Don DeLillo, présente un réel totalement déréglé et proche de l’absurde, celui du monde des affaires et de la crise financière de 2007 reflétant une certaine angoisse du monde. Ainsi, le programme d’informations économiques présenté par des enfants vide les mots de leur sens ; un détenu purge sa peine pour malversation, son montage financier ayant causé la chute de deux gouvernements et la faillite de plusieurs multinationales, il écope de sept cent vingt ans de réclusion.

Julien Gosselin s’intéresse aux romans pour leur faire prendre corps et développe souvent ses sujets sur de longs spectacles, de dix à onze heures. Il crée entre autres Les Particules élémentaires d’après Michel Houellebecq en 2013 à Avignon, 2666, le roman-fleuve du Chilien Roberto Bolaño, Le Passé, montage de textes de différentes natures du Russe Léonid Andreïev. De Don DeLilo il a présenté en 2018 un spectacle de dix heures, transposition scénique de trois de ses romans – Joueurs, Mao II, les Noms.

Sans bouger de sa chaise et avec une parfaite maîtrise du texte et des rôles qu’il porte Joseph Drouet a une présence magnétique et nous attrape dans sa sphère de l’argent et des affaires qu’il dessine avec les mots de Don DeLilo. Il nous conduit dans l’irrationnel. Son trouble et son angoisse affleurent et il crée une spirale d’accélération qui pourrait bien l’aspirer, où la mort rôde. Est-il en interrogatoire, fait-il une confession ? Il nous mène dans un monde glacé, celui d’une disparition annoncée, dans un regard à partager entre la scène et l’écran. Son personnage contourne la disparition, l’acteur est magistral. Avec Le Marteau et la Faucille Julien Gosselin propose, en quelques touches choisies et appropriées un spectacle court, efficace et de forte intensité.

Brigitte Rémer, le 29 juillet 2022

Du 26 au 28 juillet 2022 à 20h. Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean-Jaurès, 75019. Paris – métro Porte de Pantin – site : www.parislete.fr – tél. : 01 44 94 98 00

Danse macabre

© Oleksandr Kosmach

Cabaret engagé mise en scène Vlad Troitskyi avec les Dakh Daughters et Tetiana Troitska – Les Soirées Nomades de la Fondation Cartier pour l’art contemporain.

Elles ont fui leur pays en guerre, l’Ukraine, il y a plusieurs mois, les Dakh Daughters, groupe théâtral et musical constitué en 2012 et qui depuis travaille avec Vlad Troitskyi qui fut leur professeur au conservatoire de Kiev il y a une vingtaine d’années. Lui, a fondé en 1994 le tout premier théâtre indépendant du pays, qu’il a nommé Dakh/LeToit, c’est un talentueux entrepreneur culturel en même temps qu’un metteur en scène rare et singulier. Pour lui « le théâtre, c’est créer un monde, créer le monde et le partager avec les gens. » Ensemble, ils ont pris la décision de quitter leur pays sous les bombes, pour faire vivre un front de résistance, depuis l’extérieur. Les soldats se battent sur le territoire et défendent les frontières, elles, se battent avec leurs armes, le théâtre et la musique et défendent la démocratie et la liberté pour tous.

© Oleksandr Kosmach

Le Préau-Centre dramatique national de Normandie-Vire leur a ouvert grand les portes. Sa directrice, Lucie Berelowitsch, de double culture, française et russe, les connaissait pour les avoir rencontrées à Kiev peu de temps après la révolution de Maïdan et avait monté avec elles en 2015, Antigone d’après Sophocle. Joué en français, russe et ukrainien dans le cadre du Printemps français à Kiev, puis en tournée à Cherbourg, Vire, Bordeaux et Toulon, les Dakh Daughters – actrices, chanteuses et musiciennes – y tenaient entre autres le rôle du choeur. Elles sont aujourd’hui pour nous le cœur de l’Ukraine qui bat, avec ce besoin vital de créer dans une extrême urgence, pour dire au monde et témoigner.  

Le groupe a récemment présenté un premier spectacle sur l’invasion russe et la guerre, Ukraine Fire au Théâtre Monfort dans le cadre de « Paris l’été » (cf. notre article du 16 juillet). Saisies par la nécessité impérieuse de parler de cette guerre, en ce moment et alors même qu’elle se déroule, notre guerre à tous, elles continuent de dire et de faire front. Elles ont créé Danse Macabre dans une nécessité absolue, au Préau, dans la mise en scène de Vlad Troitskyi avant de le présenter un soir dans le jardin de la Fondation Cartier et de le reprendre en tournée. Elles avaient commencé à l’élaborer avant même de quitter l’Ukraine, elles l’ont fait évoluer en France, au regard des événements et du tragique, montrant ce face à face avec la mort, qu’elles expérimentent chaque jour depuis cinq mois.

© Oleksandr Kosmach

Danse macabre... Nous ne sommes ni chez Baudelaire, obsédé par la mort et qui utilise ce même titre pour l’un de ses poèmes des « Fleurs du mal », ni chez Saint-Saëns qui dans son poème symphonique met en scène Satan, l’accusateur, personnification du mal et de la tentation, et qui conduit le bal quand sonnent les douze coups de minuit. La nuit recouvre l’Ukraine où il est minuit, en permanence. Les Dakh Daughters s’inspirent du Livre de Job portant sur le problème du Mal dans l’Ancien Testament et qui fait dialoguer Dieu et Satan. Elles tissent à partir de cette figure mythique et biblique un scénario fait de chansons et de récits de guerre sur ce qu’elles vivent au quotidien et qui atteste de la perversion et de la folie de la destruction, physique et mentale, chez l’agresseur russe.

© Oleksandr Kosmach

Les cinq actrices scandent de leurs instruments – guitare, violon et violoncelle, contrebasse et piano – des rythmes obstinés jusqu’à ce qu’une sirène hurle, celle qui donne le signal de descendre se protéger dans les caves. Elles quittent leurs tutus noirs, ceux-là même qu’elles portaient dans Ukraine Fire, faisant la jonction entre les deux spectacles, tous deux traitant de la guerre, se démaquillent et revêtent des imperméables gris. « Je suis en sécurité, en sécurité… dit l’une d’elle, hébétée, pour un temps certes je suis en sécurité, mais c’est comme si mon corps avait été déraciné… les jambes sont comme des racines desséchées et fragiles, hors sol, sans eau, sans la terre des ancêtres et sans l’eau de la maison, sans la flamme. » Puis elles pénètrent dans leur réalité, celle de l’exil, faisant rouler les valises dans un élan de panique et suspendues à leurs mobiles en quête des dernières nouvelles. Les valises, habillées de façades aux fenêtres allumées, ressemblent à de petits immeubles, au début du spectacle. On entre dans leur récit et on les accompagne dans la frénésie de la gare, ou de l’aéroport. Départs, déplacements. Où partir ? Qu’ont-elles mis dans leurs valises d’alerte faites sans même y réfléchir faute de temps ? Comment emmener sa maison, toute une vie… ? « On n’a finalement pas besoin de grand-chose même si l’on comprend qu’on ne reviendra peut-être pas, ou que si l’on revient, tout peut être détruit… »  Ballet de valises, mur de valises. Dans les bras, un enfant-poupée de chiffon qu’on berce puis qu’on dépose sur une valise comme sur un cercueil… « Souviens-toi que la vie n’est qu’un souffle. » La danse autour de l’enfant… Ce personnage qui se détache et tourne sur elle-même comme un derviche, ou comme la conscience.

© Oleksandr Kosmach

Incantations, polyphonies, notes envolées, musiques lancinantes, Rozy/Donbass-Des roses pour le Donbass cette célèbre chanson scandée sur le Maïdan aux heures les plus sombres de la révolution, tocsin, plainte du piano là où l’infiniment petit croise l’infiniment grand. Les compteurs tournent épelant le nombre de morts, les maris tués sous les yeux de leurs épouses, les femmes violées devant leurs enfants, récits de pure destruction, témoignages insoutenables. « J’attendais le bonheur, le malheur est arrivé » dit l’une d’elles portant un falot à la faible lueur comme un ultime appel au secours. Une petite fille rêve, « ne pleure pas maman » dit-elle doucement. La sidération s’empare des spectateurs, car pour elles comme pour nous « en un instant tout a perdu son sens. »

Des bougies plein les bras elles ouvrent leurs valises posées à la verticale laissant paraître de petits autels semblables à des reposoirs, blottis au fond de leur bagage. Ce coin sacré de la maison est devenu nomade mais il reste sacré : « Ta petite maison est là où tu es, cela donne de la force » dit une autre. Parler, se taire… « Il faut vivre si on a la chance de ne pas perdre la raison. » À nouveau la sirène retentit et le plateau se vide. « Si je ne brûle pas, je ne vis pas. Si je n’aime pas, je ne chante pas. Mais je ne le sais pas encore Car je suis là Toujours en flammes Car je suis là Toujours en flammes » dit le texte. Avec Danse macabre, la frontière s’efface entre la vie et le théâtre, et nous sommes bien au-delà du théâtre.

  Brigitte Rémer, le 24 juillet 2022

Avec Tetiana Troitska et les Dakh Daughters : Natacha Charpe, Natalia Halanevych, Ruslana Khazipova, Solomia Melnyk et Anna Nikitina – création lumières Astkhik Hryhorian – traduction Irina Dmytrychyn. Production déléguée Le Préau CDN de Normandie-Vire – Avec le soutien du Ministère de la Culture/DRAC Normandie, de la Fonderie au Mans et du Dakh Theatre, Kyiv, Ukraine – Coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris – Théâtre National de Strasbourg – Théâtre de Vidy-Lausanne, Suisse – Les Quinconces et L’Espal / Scène nationale du Mans – Théâtres de la Ville de Luxembourg. La recette de la soirée sera reversée à l’association France-Ukraine.

Le 21 juillet 2022, à la Fondation Cartier, 261 boulevard Raspail, 75014. Paris – métro : Raspail ou Denfert-Rochereau – tél. : 01 42 18 56 72 – site : www. fondation.cartier.com – En tournée : 26 et 27 septembre 2022 Festival International de Tbilissi (Géorgie) | 6 octobre 2022, Le Préau CDN de Normandie-Vire.

Hammams à Sanaa

Culture, architecture, histoire et société. Coordination Michel Tuchscherer – Photographies Nabil Boutros – Éditions Geuthner.

Autour de Michel Tuchscherer, initiateur du projet et qui a rédigé de nombreux chapitres de l’ouvrage, cinq auteurs ont contribué à la réflexion sur les Hammams à Sanaa ainsi qu’un artiste visuel, Nabil Boutros qui en a réalisé les photos, transformant ce livre scientifique en un véritable livre d’art. Michel Tuchscherer est spécialiste d’histoire moderne du Moyen-Orient et ancien directeur du Centre Français d’Archéologie et de Sciences Sociales (le CEFAS) à Sanaa – Yémen. Artiste visuel, Nabil Boutros a centré son travail photographique sur l’Égypte son pays d’origine, le Moyen-Orient et l’Afrique, et participé à de nombreuses expositions individuelles et collectives dans ces régions du monde, présentant des travaux et installations visuelles de différentes factures. Ici, ses photos, complétées de commentaires, nous servent aussi de guide.

© Nabil Boutros

Cette précieuse étude sur les Hammams à Sanaa est construite en neuf étapes et commence par les préparatifs indispensables, avant d’aller au hammam. « À Sanaa on ne va pas au hammam à l’improviste » écrit Michel Tuchscherer, on rassemble quelques affaires dans un panier ou un sac plastique : pagne de coton qui s’enroulera autour de la taille, gant, change, savon et shampoing pour Le parcours balnéaire côté hommes décrit par Michel Tuchscherer, plus bref que Le  parcours balnéaire côté femmes, que rapporte Fâtima al-Baydânî – spécialiste pour la collecte de la littérature orale populaire à travers le Yémen, chercheuse à L’Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM), à Marseille) – ces deux parcours forment les premiers chapitres du livre. Les femmes ne vont pas seules au hammam, mais avec des parentes, voisines ou amies, c’est pour elles un lieu de sociabilité. « La ségrégation entre hommes et femmes est absolue » confirme la chercheuse même si, depuis 1980, certains hammams ont mis fin au fonctionnement en alternance et permettent un accès simultané, à l’intérieur tout reste parfaitement cloisonné.

© Nabil Boutros

À Sanaa « le hammam est une modeste construction sans étage, dont la façade est blanchie à la chaux et percée d’une très discrète porte arquée. Parfois quelques petites coupoles sur les toits le signalent, parfois des inscriptions peintes affichent les heures d’ouverture, ou adressent quelques mots d’accueil :« Hammam Bustan al-Sultan souhaite la bienvenue à ses chers clients » dit la photo. Les brumes que dégagent les vapeurs humides des bains qui nous sont donnés à voir, ajoutent au mystère du rituel et de l’intime.

Le seuil de la porte franchi, le livre décrit les étapes préparant au bain : quitter ses chaussures, se déshabiller au vestiaire – la partie fraîche du parcours -, échauffer le corps pour passer de la partie tiède à la partie chaude située au fond, pour  s’enfoncer dans une intense sudation, recevoir un filet d’eau fraîche sur le nombril pour détendre le ventre, faire ruisseler l’eau sur le corps, frictionner lentement au gant en mouvements réguliers, shampouiner à grandes eaux et rincer abondamment. Les femmes passent un long temps devant une vasque pour les soins de leur peau et de leurs cheveux. Puis il faut refroidir le corps avant le retour à l’extérieur – Sanaa se situe à 2200 mètres d’altitude, sa température ne dépasse pas 30° – les hommes sortent la tête enveloppée dans un grand châle. Chapitre par chapitre le sujet s’approfondit et Michel Tuchscherer montre au chapitre trois que le hammam est aussi un lieu ambigu hanté par les Djinns.

© Nabil Boutros

Fâtima al-Baydânî rapporte en ce sens un conte collecté dans le patrimoine populaire oral, le Conte des deux bossus et les Djinns. La quête de la pureté rituelle qui est au cœur des pratiques de l’Islam se retrouve au hammam où le croyant chasse les souillures de la vie organique et où l’homme devient vulnérable, n’étant plus sous la protection de l’ange Munkar ni de son acolyte, Nakir. Il multiplie les gestes de précaution. Autour, émanant d’un brûle-parfum, la myrrhe aux vertus médicinales en même temps que parfum, répand ses senteurs. Au-delà de la purification du corps le bain est aussi purification de l’esprit et permet un rapprochement d’avec Dieu. Il n’est pas rare d’achever son parcours balnéaire par une prière, à l’intérieur même du hammam.

© Nabil Boutros

Le livre propose aussi, par ses encadrés, de mettre le projecteur sur certains sujets. Ainsi sur le massage, rituel essentiel qui n’a pourtant aucun caractère obligatoire. La qualité du geste du masseur et le rythme qu’il y donne, les étirements qu’il pratique prennent en compte la globalité du corps. Claire Davrainville, – fasciathérapeute, diplômée en art et thérapie du mouvement, Université Moderne de Lisbonne – parle du Massage dans le parcours balnéaire des hommes, réalisé à la demande par un frictionneur expérimenté ou par le maître de bain. Le hammam accompagne les grands moments de la vie et rites de passages comme le mariage, l’accouchement après la période des quarante jours de l’accouchée, la veille des grandes fêtes religieuses avec leurs multiples rites et interdits. Il est aussi un marqueur dans la sexualité des enfants qui à partir de six ans ne suivent plus leur mère mais accompagnent selon leur sexe, père ou mère. Le bain est à la fois public et intime, savoir-vivre et pudeur, il procure de grands bienfaits.

Dans le droit fil d’un art de vivre ancestral, la culture citadine de Sanaa oblige à des moments de convivialité. Ainsi, dans le prolongement du hammam et comme lui thérapie de l’âme, le magyal est au cœur des rites de sociabilité. Confortablement installés à même le sol autour d’une nappe blanche et selon une hiérarchie de préséances, se partage le plaisir d’être ensemble. Moment de contemplation et de discussion, moment de convivialité où l’on mâche le qat à l’effet légèrement euphorisant, où s’échange la nourriture pour arriver, en décrescendo, jusqu’à l’heure de l’appel à la prière du couchant.

© Nabil Boutros

Christian Darles – architecte et archéologue, chercheur associé au Laboratoire de Recherches en Architecture de Toulouse et au Centre Français d’Archéologie et des Sciences Humaines de Sanaa – parle ensuite de l’Architecture et Matériaux, entre l’ancien et le nouveau et présente l’intérieur, puis l’extérieur des hammams. De la partie fraîche avec vestiaire, fontaine et bassin aux parties tièdes et chaudes ; des anciens hammams aux adaptations des plus récentes avec renouvellement des matériaux et des techniques et glissements de la signification même de l’usage du bain ; des toits-terrasses aux coupoles percées de lucarnes ; des réservoirs d’eau et systèmes de chaufferie ; de la maison du gardien. Il y a peu, l’eau venait de puits situés à proximité que l’on montait dans des citernes à ciel ouvert à l’aide d’une corde et d’une poulie. Il n’y avait pas de hammam sans puits.

Quand Michel Tuchscherer recherche l’origine des hammams à Sanaa, il fait face à plusieurs versions. Certains les datent du milieu du XVIème siècle, époque de l’occupation ottomane. Compte tenu d’une histoire lacunaire, le chercheur déclare : « Une chose est indéniable, les hammams antérieurs au XXème siècle entretiennent des liens étroits avec les mosquées, avec les jardins, à travers les fondations pieuses (waqf) et ont longtemps fonctionné en symbiose avec la ville. » Avec Yahyâ al-‘Ubalî – chercheur à l’Université de Sanaa, qui a réalisé la plupart des enquêtes de terrain – il se penche ensuite sur les savoir-faire des métiers du bain – le frictionneur qui « fait le hammam », le maître de bain, gestionnaire et médiateur dans les conflits – et sur le statut social des hammamis, au bas de la hiérarchie sociale traditionnelle, appelés les gens du cinquième. Traiter quelqu’un de hammami est en fait une insulte. Pourtant les métiers et savoir-faire se transmettent dans ce que le Yémen appelle la famille élargie, des groupes patronymiques qui comprennent plusieurs lignées. La gestion du hammam est familiale et patriarcale.

La fréquentation du bain était et reste un art de vivre. « Contrairement à de nombreux pays du Moyen-Orient, de la Tunisie à la Turquie, en passant par l’Égypte et la Syrie où nombre de hammams sont en ruine ou ont disparu, où les pratiques sont tombées en déshérence, au Yémen au contraire se maintient une solide culture du hammam » note Michel Tuchscherer, même si, dans la conclusion de l’ouvrage il reconnaît que les hammams s’éloignent de leur statut d’institution au service de la communauté pour se transformer en entreprise privée répondant à des clientèles plus diversifiées.

© Nabil Boutros

Lieu d’ambiguïté et de contradictions, le hammam correspond à une caractéristique essentielle de la civilisation islamique. À différents moments de l’ouvrage, Mohamed Bakhouch – professeur émérite de littérature arabe ancienne, Université d’Aix-Marseille – met en exergue les vers d’un poète du XVIIIème siècle, Muhammad al-Kawkabani montrant que le hammam est bien le personnage principal de l’urbain, du religieux et du social. C’est aussi le lieu qui répond à l’imaginaire des corps et qui, avec la lumière tamisée émanant des coupoles, contribue à son atmosphère singulière. Cette lumière, ces atmosphères, ont été admirablement captées à travers l’objectif de Nabil Boutros. Les précieuses images – dont un bon nombre en pleine page – sont accompagnées d’un commentaire détaillé et traduisent les gestes et les étapes du parcours dans le hammam : déshabillage et gros plan sur pied mouillé, ronde d’hommes dans la salle chaude pour accélérer et renforcer la sudation, lumières tamisées, ajustement de la fûta ce pagne dont s’entoure le baigneur, ballots des usagers suspendus au vestiaire, sudation dans la pièce chaude les hommes allongés à même le sol, brumes et vapeurs de la chaleur humide diffusée. Ces photographies nous font parcourir les étapes suivies par celui qui se rend au hammam – friction, massage, shampouinage, rinçage à grandes eaux, ruissellement de l’eau de la tête aux pieds -. Au-delà de leur aspect documentaire elles offrent à celui qui les regardent des pans de réflexion sur un art de vivre. Elles sont elles-mêmes de purs scénarios. Les lieux nous sont montrés principalement du côté des hommes, là où le photographe pouvait pénétrer. Il s’est rendu dans de nombreux hammams, en détaille l’extérieur et l’intérieur, y compris le vendredi matin, jour d’affluence et de détente, jour de prière. Il montre les murs à la chaux et les gestes, derrière les murs les moindres petits recoins et invite à un voyage artistique, philosophique et spirituel.

Publié par la Librairie Orientaliste Paul Geuthner Hammams à Sanaa – culture, architecture, histoire et société transmet au début de l’ouvrage le système de translittérations des caractères arabes et montre à la fin de l’ouvrage une carte de Sanaa sur laquelle figure les anciens hammams et leurs relevés, ainsi que la carte et les relevés des nouveaux hammams ; des notes et références souvent en bilingue, arabe et français y figurent ainsi que plusieurs index – celui des noms communs, des noms de lieux, des noms de personnes et de groupes ainsi qu’un glossaire indexé des termes arabes. C’est admirablement réalisé dans le cheminement de l’usager-baigneur, formidablement documenté par Michel Tuchscherer et les auteurs, magnifiquement accompagné et commenté par les photos de Nabil Boutros qui en a aussi assuré la mise en page avec Chloé Heinis. C’est une somme de travail et un superbe ouvrage !  

Brigitte Rémer, le 23 juillet 2022

© Nabil Boutros

Hammams à Sanaa – culture, architecture, histoire et société. Coordination Michel Tuchscherer – Photographies Nabil Boutros. Contributeurs – Fâtima al-Baydânî, spécialiste pour la collecte de la littérature orale populaire à travers le Yémen, chercheuse à L’Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM), à Marseille – Mohamed Bakhouch, professeur émérite de littérature arabe ancienne, Université d’Aix-Marseille – Christian Darles, architecte et archéologue, chercheur associé au Laboratoire de Recherches en Architecture de Toulouse et au Centre Français d’Archéologie et des Sciences Humaines de Sanaa – Claire Davrainville, fasciathérapeute, diplômée en art et thérapie du mouvement, Université Moderne de Lisbonne – Yahyâ al-‘Ubalî, chercheur à l’Université de Sanaa, qui a réalisé la plupart des enquêtes de terrain.

Édité par la Librairie Orientaliste Paul Geuthner S.A – 16 rue de la Grande Chaumière. 75006. Paris – Site : www.geuthner.com – Paris, dernier trimestre 2021.

Ukraine Fire

Oleksand R. Kosmach

Avec les Dakh Daughters – direction artistique Vlad Troitskyi – spectacle en ukrainien surtitré – Théâtre Le Monfort, dans le cadre du Festival Paris l’été.

C’est un spectacle coup de poing tant par son contenu que par sa forme. Son contenu est fait de l’actualité, tragique, la guerre en Ukraine. D’une grande densité, inventivité et virtuosité, sa forme relève du cabaret et mêle musique, danse, texte et images.

Le spectacle est porté par cinq musiciennes-actrices qui ont écrit des fragments, lambeaux de sensations, sentiments, couleurs et réactions face à la réalité de la violence russe qui les oblige à l’exil. « Chaque jour je suis dans une autre ville. Dans une autre ville, je suis différente… » dit l’une. Chaque mot est un projectile qui touche en plein cœur de cible, réaliste en même temps que poétique, qu’il soit chant ou psalmodie, récitatif ou mélopée. Les Dakh Daughters en maitrisent les différentes techniques et enluminent la parole de ponctuations musicales virtuoses, des plus graves aux plus débridées, dans un éventail de techniques allant des musiques traditionnelles au rock, des rythmes orientaux au slam et au punk. Chacune est dans son propre espace, scénographique, musical et mental : côté jardin, le violoncelle et les percussions ; côté cour, à l’arrière-plan sur une estrade, la contrebasse, devant, le violon et la guitare. Des images vidéo, réalistes ou fantasmatiques selon les séquences, donnent aussi le rythme dont elles s’emparent en une montée volcanique et un défi guerrier ouvrant sur la révolte des percussions et la déstructuration finale, comme une provocation magistrale.

Groupe théâtral et musical formé en 2012, on connaît les Dakh Daughters en France depuis leur présentation de Freak Cabaret création collective mise en scène par Vlad Troitskyi en 2014, qui déjà faisait valoir leur capacité de dérision et force de résistance. Plus qu’un metteur en scène, Vlad Troitskyi est un mentor qui en 1994 fonde le théâtre indépendant et centre d’Art contemporain Dakh – qui se traduit par le toit – dont il devient le directeur artistique, au rez-de-chaussée d’un immeuble résidentiel situé à un croisement de rues dans le centre de Kiev. Il y crée le groupe musical DakhaBrakha qui, partant des musiques traditionnelles, les revisite et travaille sur la polyphonie – certaines musiciennes des Dakh Daughters en font partie – et en 2007 donne le coup d’envoi du GogolFest, festival annuel multidisciplinaire international d’art contemporain et de cinéma. La mouvance artistique d’avant-garde qui règne au Dakh repose sur son seul maître-mot : liberté.

Les Dakh Daughters sont entrées en contestation et résistance dès décembre 2013 lors des manifestations pro-européennes ukrainiennes de la place de l’Indépendance / Place Maïdan, en réalisant un clip. Si, au départ, elles n’étaient pas particulièrement engagées, dès la création de leur compagnie artistique, l’Histoire les a rattrapées. C’est dans une grande spontanéité qu’elles développent un esprit révolutionnaire, luttant contre le désenchantement, à travers le théâtre et la musique. Elles s’appuient aussi sur des textes puissants issus entre autres de Shakespeare, Bukowski, du poète russe d’avant-garde Alexandre Vvedenski ou encore du grand poète romantique ukrainien Taras Chevtchenko auteur de Notre âme ne peut pas mourir.

Oleksand R. Kosmach

Dans Ukraine Fire le début du spectacle est saisissant et hypnotise les spectateurs, images de guerre et de destruction d’une violence inouïe vues dans l’actualité mais reprises en fondu enchaîné de manière démultipliée et superposée. Sur scène, la vie est comme arrêtée : les cinq actrices-musiciennes sont assises en contrebas, dans le noir, maquillées de blanc telles des âmes mortes, on les devine à peine dans le contre-jour, vêtues de leurs tutus noirs et guêpières, portant des tee-shirt noirs à leur effigie. Les mots qu’elles lancent sont autant de poignards. « Pourquoi y a-t-il la culture du mal, sur terre ? » posent-elles, plaçant l’art au rang de témoignage. Tout au long du spectacle elles dialoguent et commentent en musique, en chants et en mots ce qui s’affiche sur l’écran, chacune dans son espace musical et avec sa personnalité, de l’exhortation au plaidoyer. « Ce n’est pas une vague, juste des gens… » chuchotent-t-elles. Elles sont archi-douées en leur présence fantasmatique et respectueuse, pleine de bruit et de fureur en même temps que de grâce et font se rencontrer poésie et subversion. Apparaissent à l’écran Jérôme Bosch et Hitler jusqu’à l’Armageddon où se livre l’ultime combat entre le bien et les forces du mal.

Ukraine Fire est un message de lutte et d’espoir qui par sa force lyrique s’apparente à un oratorio, par son tragique à une Passion, par son récit-hommage aux morts, au peuple et aux combattants, à une chanson de la Geste ukrainienne. En même temps qu’imaginatif et fantaisiste, porté par l’esprit frondeur des Dakh Daughters, c’est un poème musical qui parle de la mer et des cendres, un cri pour la paix. « Ô mon destin…»

Brigitte Rémer, le 16 juillet 2022

Avec : Natalia Halanevych, Ruslana Khazipova, Solomiia Melnyk,Anna Nikitina, Nataliia Zozul, et la participation de Tetiana Troitska, comédienne – lumières, mapping vidéo Mariia Volkova – son Mickael Kandelman, Bruno Ralle.

 Jeudi 14 juillet à 20h – Le Monfort, 106 Rue Brancion, 75015 Paris – métro : Porte de Vanves, tramway : Brancion – Une partie de la billetterie sera reversée à des associations locales pour l’Ukraine.

Je me souviens

© Chloé Signès.

ou la fresque sociale d’un village menacé par la disparition – texte et mise en scène Paul Platel, Théâtre des Évadés – au Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes.

Le titre du spectacle, Je me souviens, amène tout droit à l’écrivain Georges Pérec dont les minuscules fragments de la vie quotidienne collectés entre 1946 et 1961, de sa dixième à sa vingt-cinquième année, portaient ce même titre pour évoquer Paris, le métro, les slogans publicitaires, le cinéma, les spectacles etc… Sami Frey l’avait majestueusement mis en scène et interprété. Ce titre nous mène aussi jusqu’au Québec dont la devise est Je me souviens et que l’on trouve là-bas sur les frontons de pierre des bâtiments publics et les plaques minéralogiques. Céline Dion, l’une des stars du spectacle, d’origine québécoise, fait le lien.

 Aujourd’hui c’est un autre Je me souviens qui nous appelle au Théâtre du Soleil, signé Paul Platel, jeune auteur qui n’a pas trente ans, metteur en scène et acteur dans le spectacle. Il évoque un village menacé de disparition dans le sud-est de la France où les gens n’ont pas la langue dans leur poche, son village d’enfance peut-être – lui est de l’arrière-pays niçois.

Se retrouve ici un condensé de ce qui fait la vie, pas forcément dans le registre le plus optimiste mais qu’il a observé tel un entomologiste et qu’il a sans doute connu. On y trouve une certaine typologie de la France populaire où la vie n’est ni meilleure ni pire qu’ailleurs mais où, comme partout, elle ne fait pas de cadeau : la seule usine de l’endroit va fermer pour raison de délocalisation, les ouvriers licenciés ne s’en sortiront pas ; la jolie jeune femme à l’image flétrie, Annick, surnommée Miss Camping, attend le retour d’un fils qu’elle a eu à seize ans et qui sort de prison ; à son arrivée, ce dernier n’aura de cesse de connaître l’identité de son père sous une pluie d’allusions et  commentaires de certains villageois ; la famille père-fils-et petit-fils n’est pas brillante : un vieil homme rugueux et taciturne qui critique et braille en permanence ou alors cherche refuge à l’église auprès de la bonne mère, assez sexy il est vrai – un acteur tient le rôle et joue les apparitions-disparitions – ; son fils, qui occupe beaucoup d’espace, parfait portrait de la grande gueule ; le petit-fils qui se prend des taloches ; il y a aussi Rosette passionnée de Céline Dion qui vend sa Céline à qui veut bien l’entendre, grande organisatrice de la fête au village ; l’ex-jeune fille  qui tient le café et fonctionne à coups de préjugés ; il y a les copains d’enfance et leur radio locale dont l’un d’eux qui ne trouve pas sa place et se rétrécit de plus en plus. Bref des esquisses de personnages avec leurs espoirs et désespoirs, le colportage des ragots mi-fenêtre sur cour mi-clochemerle satirique, empathique et mélodramatique, parfois à la limite du stéréotype et de la caricature.

© Chloé Signès.

Les tableaux se succèdent dans leur hétérogénéité avec changements de décors à vue. Tantôt pétillants tantôt sombres les acteurs habitent chacun leur personnage dans les différents styles auxquels ils sont assignés, où s’entrechoquent comédie, drame, burlesque et pathétique. Les chants traditionnels de la chorale du village côtoient la pop et Céline Dion qui alimente l’imaginaire individuel puis collectif. Ça donne un petit côté décousu aux courtes séquences qui se suivent et l’entracte plombe un peu la dynamique, du moins celle du spectateur.

Sorte de chronique de la vie ordinaire, Je me souviens est le premier spectacle écrit et mis en scène par Paul Platel. Créé il y a deux ans, il brosse le tableau d’un village qui se délite et les réponses qu’apportent chacun des personnages à leurs rêves qui s’éloignent et s’effacent. Pour le passage à la scène l’auteur-metteur en scène avait rassemblé des acteurs de générations différentes dont la plupart ont été formés comme lui à l’EDT 91, dans le but de constituer une troupe.

© Chloé Signès.

C’est avec cette même troupe et juste avant la reprise de Je me souviens que le metteur en scène a présenté dans ce même lieu du Théâtre du Soleil son second spectacle, Pardon Abel – l’histoire de deux frères aux parcours et sensibilités bien différentes – mis en répétition en octobre-novembre 2021 après des temps de résidence de la compagnie au Théâtre 55 de la ville de Mougins et au Théâtre National de Nice, puis dans les ateliers du Théâtre du Soleil. Attentive aux jeunes compagnies, Ariane Mnouchkine leur a ouvert les portes. Ce temps de travail s’est achevé par une série de représentations au Soleil.

On trouve dans Je me souviens une forte tension entre la solitude des personnages et l’image sociale de chacun au sein du collectif, le village, terrain sur lequel s’entrecroisent des destins et des histoires de vie. Les fils de l’écheveau parfois se perdent un peu entre les personnages – ils sont dix – et se diluent, mais après tout, dans un village, il y a ceux que l’on voit et il y a ceux qui, plus à l’écart, gardent leur mystère. Avec son enthousiasme et son esprit, le Théâtre des Évadés est une troupe à suivre, qui commence tout juste son parcours.

Brigitte Rémer, le 15 juillet 2022

Avec Manon Falippou, Marianne Giraud, Estelle Gaglio-Mastorakis, Christian Jéhanin, Vincent Martin, Willy Maupetit, Jean-Paul Mura, Gaétan Poubangui, Jason Marcelin-Gabriel, Paul Platel. Collaboration artistique et aide à l’écriture Nicolas Katsiapis – création lumière Ugo Perez – création sonore Louise Prieur.

Du 1er au 10 juillet 2022 – Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, 75012. Paris – métro : Château de Vincennes, puis navette gratuite ou bus 112 – site : www.theatredusoleil.fr

Entre Harraniya et Chemin Plein-Vent

© Brigitte Rémer

Exposition-jubilé des céramiques d’Antoinette Henein, à l’occasion de son 80e anniversaire, du 3 au 7 juillet 2022.

Ici ou là-bas, son regard s’ajuste aux matériaux et aux couleurs qu’elle sédimente pour mieux créer ses formes et son nuancier, toujours en mouvement. Ici, c’est dans la campagne genevoise, en Suisse où elle naquit et se forma à l’école des Arts Décoratifs de Genève, avec pour maître l’un des pionniers de la recherche céramique dans le pays, Philippe Lambercy. Après ces années d’apprentissage elle eut un bel atelier à Arare, qu’elle transforma en véritable lieu de création et de rencontres avec d’autres céramistes et artistes avec lesquels s’élaborèrent des projets, comme un bateau-lavoir.

Là-bas, c’est à quinze kilomètres du Caire, à deux pas des Pyramides où elle vécut une quarantaine d’années à partir de 1974, aménagea un grand atelier et construisit son four.

© Antoinette Henein – archives

De ses échappées dans le désert elle ramenait des cendres, des sables et argiles qu’elle utilisait pour les glaçures. Les étés se passaient en Suisse, puis commencèrent à se prolonger. Elle sentit alors le besoin de pouvoir y travailler et ré-installa un modeste  atelier lui permettant de tourner et de cuire – avec petit tour et four électriques -.  Ces deux points géographiques, l’Égypte et la Suisse, ont nourri ses recherches. La terre n’est pas la même ici ou là-bas, ni la clarté, ni le climat, ses fours sont différents, la combustion aussi – au Caire, cuisson à 1300 degrés en réduction dans un four où s’écoulait goutte à goutte du diésel sur une brique creuse d’où partait  la flamme ; à Genève, four électrique en oxydation à 1240 degrés -. L’inspiration se décale, mais toujours les mains sont en action et la couleur en état de veille. Malaxage, battage, centrage, creusage, tournage…

© Brigitte Rémer

La douceur du paysage qui l’enveloppe se réfléchit dans ses compositions, comme ce vert pâle céladon qui rappelle la couleur du saule ou de la feuille de pêcher, oxydes de chrome pour le vert, de cobalt pour le bleu, de fer pour le brun rouge. La cuisson haute température transforme l’argile cru en cuit, en le surveillant comme le lait sur le feu. Superpositions et glaçures, émaillage et fusion, vitrification, transparence, composants et proportions participent au traitement des terres mêlées où émergent craquelures, fissures et marbrures. Les influences qu’elle a reçues sont de partout, principalement d’Égypte et du Japon, on en trouve traces dans les subtiles traits, écritures et spirales qu’elle inscrit sur certaines pièces, et dans la profondeur des tons. Comme un coureur de fond, Antoinette Henein saisit l’esprit des lieux, la nature dans la polysémie du mot, les paysages, dans les éclats et reliefs des pièces qu’elle réalise.

© Simon Henein

Chaque objet est un récit. Ceux qu’elle présente dans cette exposition ont été réalisés au cours des cinq dernières années. Ils sont délicatement présentés dedans et dehors, sur d’étroits supports placés à bonne hauteur face au grand champ qui ouvre sur l’horizon, devant la maison. Antoinette Henein a principalement montré son travail à Alexandrie, au Caire et à Genève. Au Caire elle avait exposé avec Adam Henein, sculpteur égyptien connu et peintre sur papyrus, son beau-frère, à la Zamalek Art Gallery – cf. notre article du 10 juin 2020 -.

© Simon Henein

Elle était également proche d’Evelyne Porret, céramiste, formée comme elle à Genève et qui avait créé l’École de poterie du Fayoum. Antoinette Henein se plaît à dire qu’elle fait de la céramique utilitaire. Ses formes épurées, ses émaux et glaçures de toute beauté, ses textures et la richesse des couleurs classent sa céramique au rang de grand art et son geste avec la terre, ici ou là-bas, à celui d’artiste qui, avec l’eau et le feu, écrit  ses plus beaux poèmes.

Du 3 au 7 juillet 2022 – Atelier de céramique A. Henein – Chemin Plein Vent, 33 – 1228. Plan-les-Ouates (CH)  – https://antoinette-henein.blogspot.com/

Brigitte Rémer, le 11 juillet 2022

Tchiloli

© Théâtre de la Ville

La Tragédie du Marquis de Mantoue et de l’Empereur Charlemagne par la compagnie Formiguinha de Boa Morte (São Tomé) – au Théâtre de la Ville/Espace Cardin, dans le cadre de la Saison France-Portugal et de la coopération Afrique-Europe – spectacle en portugais ancien, surtitré en français.

Née au Portugal au XVIᵉ siècle, cette geste théâtrale, musicale et dansée, le Tchiloli, introduite à São Tomé par les maîtres sucriers, vient de loin, tant géographiquement que dans la traversée du temps. Au large de la Guinée Équatoriale et du Gabon, São Tomé – île principale de São Tomé-et-Príncipe – perpétue ce rituel interprété en langue portugaise uniquement par des hommes, alors esclaves et métis locaux, masqués et costumés à l’européenne. Le Tchiloli interroge la tradition et la justice, il mêle subversivité et syncrétisme. Les représentations peuvent durer entre cinq et huit heures, le prologue se passe dans la forêt. C’est dans les années 70 que le groupe Formiguinha de Boa Morte s’est rendu pour la première fois en Europe, au Portugal, suite à l’invitation de la Fondation Calouste Gulbenkian et qu’il continue de faire vivre cette expression de sa culture.

L’argument : au cours d’une partie de chasse, le prince Charles, fils de Charlemagne-maître protecteur, assassine le neveu du duc de Mantoue, s’étant épris de sa femme. Les Mantoue réclament justice. L’Empereur oscille entre sentiments paternels et raison d’État. Cette dernière l’emportera, le fils sera sacrifié. Une trentaine d’acteurs aux rôles d’importance inégale dont ici six musiciens portant grand et petit tambours, hochets et flûtes en bambou, introduisent l’histoire. Les musiciens appellent le public à l’extérieur du théâtre et commencent à jouer sur le plateau circulaire installé devant. Ils invitent ensuite à les suivre dans les allées du jardin. Au loin, la troupe est en action, en danse et mimodrame, jusqu’à la simulation du meurtre du duc de Mantoue. Acteurs et musiciens entrainent les spectateurs sur le chemin du retour et regagnent la scène, les spectateurs leur place.

Au centre du plateau, un cercueil miniature dans lequel est censé se trouver le Prince héritier Charles, centre de gravité du Tchiloli, en rappelle la dimension tragique et divise l’espace où se tient côté jardin sur une petite estrade, la Haute Cour – l’Empereur, son épouse et sa famille, l’archevêque et quelques intrigants – de l’autre côté, la Cour Basse, résidence du marquis de Mantoue. Cette famille, notamment la mère de la victime et sa veuve portant de longues mantilles noires et vêtues d’amples jupes noires à volants qui se soulèvent et tournent dans la danse, sont assistées d‘un avocat. Neveux, émissaires, éminences grises, ducs et ambassadeurs font cercle et attendent leur heure de gloire. Les musiciens sont ici placés derrière, le plateau de l’Espace Cardin n’étant pas si grand et les personnages, nombreux.

Les costumes et masques sont remarquables – costumes d’inspiration européenne, africanisés et somptueusement artisanaux, reposant sur l’inventivité de chaque acteur. Des matériaux de haute valeur symbolique sont recyclé, jouant sur l’ironie ou contribuant à la transmission de messages plus politiques : uniformes militaires, fracs, cannes à pommeau, gants blancs, épées de bois, capes de velours, couronnes de bric et de broc, bas noirs etc. De petits fragments de miroirs se nichent dans les coiffes et costumes comme autant de grigris de protection et de retour à l’envoyeur des mauvais sorts qui pourraient être déversés. De longs rubans colorés tombent d’une cocarde accrochée à hauteur du cœur sur les costumes masculins, l’acteur les écarte avec élégance quand il s’apprête à prendre la parole.

Les acteurs du Tchiloli portent des masques clairs, sorte de seconde peau qui permet de résister aux mauvais sorts, de brouiller les pistes pour ne pas être reconnus et de parler avec l’au-delà en dialoguant avec les ancêtres. En effet les acteurs sont Noirs et jouent un drame de Blancs. Ces masques, porteurs de la puissance symbolique africaine, sont faits de fin grillage façonné. Un trait de peinture y marque les yeux et la bouche. En toute liberté, des costumes trois-pièces, cravates, téléphones portables, lunettes de soleil, côtoient les vêtements de la tradition. La saveur du spectacle vient aussi de ces contrastes et anachronismes où tout est généralement codifié.

Au pays, le Tchiloli se célèbre dans des lieux de plein air lors de la saison sèche, en différents points de l’île. Les spectateurs se placent debout, autour d’une aire centrale rectangulaire nommée kinté, délimitée par des cordes fixées aux arbres. C’est la flûte, instrument principal, qui détermine la figure à exécuter. La scène est toujours en mouvement, l’entrée des personnages-clés ou leur déplacement étant ponctué par des suites de danses s’inspirant de pavanes et gavottes, contredanses et sardanes, menuets et quadrilles dont les interprètes s’emparent au gré de leur tempérament.

Implanté dans le quartier de Boa Morte à São Tomé, la compagnie Formiguinha de Boa Morte, exclusivement composée d’hommes, défend depuis 1956 l’héritage traditionnel du Tchiloli qu’il se transmet de père en fils. Comme le sociologue Jean Duvignaud le disait en parlant de la transmission des spectacles, du métissage des cultures et du rapport dominants-dominés, « il est malaisé de savoir ce qu’elles (les cultures) se doivent entre elles, par un jeu de provocations réciproques. » La venue du Tchiloli au Théâtre de la Ville renvoie aux thèmes de l’esclavage et des indépendances à travers cette pseudo cérémonie funéraire et la réparation, par la justice, quel que soit le prix à verser. La sophistication de cette forme théâtrale ancestrale et sa codification nous parle bien d’aujourd’hui et de décolonisation culturelle, au même titre que les autos-sacramentales importées par l’Espagne en Amérique Latine ou encore à travers le temps, les rituels des Mystères où se côtoyaient surnaturel et réalisme. Le Tchiloli est une forme où se mêlent le pouvoir et le sacré, magnifiquement porté par le groupe Formiguinha de Boa Morte.

Brigitte Rémer, le 6 juillet 2022

Avec : La Haute Cour – Empereur Charlemagne : Manuel Do Nascimento Alves Costa Carvalho – Impératrice : Olinto Vila Novas Soares – Prince Charles :Alvaro José Da Costa Bonfim – Évêque conseiller : Jurciley Quinta – ministre : Augusto Pires Lopes Cravid – Secrétaire : José Manuel D’Abreu Alves Carvalho – Dame de Cour : Roualder Lumungo Da Costa Afonso – Ganelon : Edilane Da Costa Dias Mendes – Comte Avocat Anderson et Valdevinos : Hodair Da Costa Alves de Carvalho – Notaire : Danilson Do Espirito Santo Oliveiras Viegas.  La Cour Basse – Marquis de Mantoue : Edjaimir quaresma Alves De Carvalho – Sybille : Mauro Sousa Pontes – Ermeline : Hortensio Pereira Santana – Duc Aymon : Eliude Das Neves Lopes Rita – Renaud de Montauban : Tiazgo Luis Do Espiritu Santo – Capitaine de Montauban : Edson Bragança Viegas D’Alva – Avocat Marques de Manta : Lusugénio Silvio Carvalho Neto Da Costa – Don Bertrand : Gilmar Menezes Afonso Neto – Don Roldão : Cardio Da Cruz De Carvalho – Page (le petit garçon) : Holdemir José Lourenço De Sousa. Les Musiciens – Grand tambour : Gilmar Mónica Santana – Petit tambour : Hortêncio Sousa Coelho Santana – Flûtes : Damião Vaz da Trindade, Marcos Lázaro de Carvalho – Joueurs de hochet : Manuel Dos Ramos Santana Ferreira Neto, Oscar de Almeida Lopes.  Direction artistique : Vincent Mambachaka, Alvaro José Da Costa Bonfim, Damião Vaz Da Trinidade – Scénographie : Yves Collet – Lumières et Son : Konongo Cleophas – Traduction : Marie Laroche, Gabriel Pires Dos Santos – Surtitrage : Bernardo Haumont.

Du 30 juin au 2 juillet 2022, Théâtre de la Ville/Espace Cardin, 1 avenue Gabriel. 75008. Paris métro : Concorde – site : www.theatredelaville-paris.com

Prix Unesco-Sharjah pour la Culture arabe

© BR

Cérémonie de remise du Prix Unesco-Sharjah pour la Culture Arabe récompensant quatre artistes ou personnalités impliquées dans la diffusion de la culture arabe, dans leurs pays, éditions 17 et 18.

Après deux ans d’interruption pour raison de pandémie, quatre lauréats furent mis à l’honneur le 30 mai dernier, pour avoir participé à la construction de ponts entre les arts et les continents en 2020-2021 et 2021-2022. La référence à André Malraux qui « pensait avec lucidité que la culture est ce qui avait fait de l’homme un Homme » a été rappelée par les personnalités qui, en introduction, ont pris la parole à tour de rôle, sous la houlette du Sous-Directeur Général pour la Culture à l’Unesco, M. Ernesto Ottone Ramírez.

Dunya Mikhail © BR

Tous ont insisté sur le pouvoir de la culture et sur l’encouragement donné, à partir de 1998, par la création du Prix Unesco-Sharjah pour la Culture Arabe visant à encourager le dialogue interculturel. Chaque candidat a présenté son travail et ses modes d’intervention à travers une vidéo et a témoigné de son engagement. Un moment artistique et musical avec la participation des lauréats a clôturé la cérémonie, modérée par Maya Khadra, journaliste et auteure libanaise.

Pour l’édition 18 (2021/22) deux lauréates ont été récompensées : Dunya Mikhail, d’Irak et Helen Al-Janabi, de Suède. Née à Bagdad (Irak) et après un BA de l’Université de la ville, Dunya Mikhail a travaillé comme traductrice et journaliste avant d’émigrer aux États-Unis en 1996 et d’obtenir une maîtrise à la Wayne State University. Son écriture, sa traduction, sa poésie et sa prose puissantes – en traduction arabe et anglaise – parlent des horreurs de la guerre, de la migration et de la perte de son pays avec les difficultés qui l’accompagnent. Sa poésie est alimentée par un profond sentiment d’identité, en tant que réfugiée, artiste et femme. Son premier livre publié en anglais en 2005 et traduit par Elizabeth Winslow, The War Works Hard, avait été sélectionné comme l’un des « vingt-cinq meilleurs livres de 2005 » par la New York Public Library.

Helen Al-Janabi © BR

Présentée par l’Ambassadrice de Suède auprès de l’Unesco, Helen Al-Janabi, seconde lauréate de l’année est une actrice suédoise d’origine syro-irakienne, vivant à Stockholm depuis 2009. Formée comme actrice à l’Académie de théâtre de Damas, elle a tourné dans plusieurs films, séries télévisées et productions théâtrales au Moyen-Orient. Son travail touche aux thèmes du déplacement, de l’exil forcé, de la langue et de la cohésion sociale. Elle a fondé en 2015 Arabiska Teatern, la première troupe de théâtre professionnel arabophone d’Europe qui a produit cinq pièces en arabe et joué plus de quatre cents fois en Suède.

” Camel of Heavy Burdens” de Suleiman Mansour

Pour l’édition 17 (2020/21) les deux lauréats récompensés furent Suleiman Mansour, de Palestine et Silvia Alice Antibas, du Brésil. Souffrant, Suleiman Mansour n’a pu se rendre à Paris recevoir son Prix, nous l’avons rencontré par vidéo interposée. De renommée internationale c’est l’un des artistes peintres les plus influents de son pays, son œuvre est vaste et se décline sous différentes formes. Il travaille depuis une cinquantaine d’années sur l’expression de l’identité palestinienne, a largement contribué au développement de l’infrastructure des Beaux-Arts au niveau local, et il est membre fondateur de la Ligue des artistes palestiniens. En 1994 Suleiman Mansour a cofondé le Centre d’art Al-Wasiti à Jérusalem-Est et en a été le directeur de 1996 à 2003. Il est aussi l’un des fondateurs du conseil d’administration de l’Académie internationale d’art en Palestine et enseigne dans différentes institutions.

Silvia Alice Antibas, Brésilienne, avait passé un an d’études en France, en 2000/2001 dans le programme de la Formation Internationale Culture qu’avait créé Jack Lang et que j’avais eu la chance de diriger, programme où la problématique interculturelle se vivait au quotidien, un temps remis entre les mains de la Commission française pour l’Unesco. Puis elle a consacré sa carrière à promouvoir une meilleure compréhension de la culture arabe en Amérique latine, en se concentrant sur la migration arabe vers le Brésil. Ses origines, par son père, nous conduisent à Alep, en Syrie. Elle a entre autres, promu des écrivains brésiliens d’origine arabe à travers la traduction de leurs œuvres en arabe, et analysé l’influence de la musique arabe sur la musique brésilienne, en cartographiant et collectant de précieux documents d’archives. Ses recherches sur le sujet montrent que « l’influence arabe dans la culture brésilienne commence avant même que le pays ait été découvert en 1500, à partir de l’occupation par les Maures de la péninsule ibérique, au VIIIè siècle. » Même dans la samba, forme musicale emblématique brésilienne s’il en est, la présence arabe se fait sentir.

Silvia Antibas © BR

Dans son discours d’introduction lors de la cérémonie, Silvia Antibas a montré la convergence entre la musique arabe et les sambas, parlé des Maliens en esclavage et de leur révolte à Bahia, des étapes d’émigration à Rio de Janeiro apportant de nouveaux instruments de musique – comme les tambours/ duff du monde arabe proches des pandeiros du Brésil – et elle a mis l’accent sur les similitudes entre certains rythmes africains et la musique du Nordeste. La fin du XIXè siècle avait vu une vague d’émigration arabe vers le Brésil, puis au fil du temps les émigrés s’étaient bien intégrés multipliant les passerelles dans certaines professions, dans certaines fêtes comme les mariages, dans la cuisine. Les artistes d’origine arabe se sont retrouvés, à partir des années 30, dans toutes les formations musicales brésiliennes telles que samba, chansons, bossa nova, jazz. Ensemble ils ont créé de nouvelles formes musicales comme autant de syncrétisme entre la terre d’origine et la terre où ils vivent.

Silvia Antibas et l’Ensemble Mazzika © BR

Après les communications des lauréats est venu le moment où chacun a montré son travail, sur scène et/ou par visio :  traductions et lectures poétiques par Dunya Mikhail ; extraits de pièces par Helen Al-Janabi avec sa troupe Arabiska Teatern ; formation musicale, association Mazzika, réunie par Silvia Antibas, suivi d’un concert fusion El musica : un dialogue en mouvement, moments chaleureux et de convivialité, guidés par chacune des intervenantes.

La sous-directrice générale pour les Sciences sociales et humaines de l’Unesco, Gabriela Ramos, a clôturé l’événement en déclarant : « Je souhaite sincèrement que le Prix Unesco-Sharjah pour la Culture arabe continue de servir d’éclaireur pour le dialogue, la créativité et l’excellence culturelle pour les décennies à venir. Plus fondamentalement, j’espère qu’un tel prix continuera d’inspirer les artistes et les interprètes du monde entier à utiliser leur talent pour faire progresser la paix dans le monde. »

Brigitte Rémer, 30 juin 2022

Maison de l’UNESCO, 125, avenue de Suffren, 75007. Paris – email : prix.sharjah@unesco.org – site : www.unesco.org – Tél. : 01 45 68 09 66

Mozart, une journée particulière

© Seine Musicale

Librement adapté du livre de H. C. Robbins Landon sur une idée de Paul Krawczyk, compositeur – livret et mise en scène David Lescot, en collaboration avec la compagnie Kairos – extraits d’œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, Johann Sebastian Bach, Joseph Haydn – Insula Orchestra, direction Laurence Equilbey – dans le cadre du festival Mozart Maximum – à La Seine Musicale.

C’est une création scénique qui mêle musiciens, comédiens et dessins, pour faire vivre la dernière journée de Mozart avant qu’il ne s’alite définitivement, le 12 novembre 1791. Des années de surmenage et une santé fragile ont eu raison de lui. Complétant l’univers musical de l’époque, l’univers visuel s’inscrit comme un livre d’images sur un tulle derrière lequel se trouve l’orchestre. Les acteurs-chanteurs nous mènent ainsi à travers les rues de Vienne, les salons bourgeois, les théâtres, la maison où Mozart compose encore de manière acharnée, en présence de Constance, son épouse. Par le récit, émergent aussi ses doutes et incertitudes, ses dettes, sa vulnérabilité.

À partir de 1788, pour Mozart le monde est devenu plus pesant après la perte de sa fille âgée de quelques mois. Par ailleurs sa situation financière peu brillante l’oblige à déménager dans un faubourg de Vienne. C’est pourtant au cours de ces années-là qu’il compose des œuvres d’une grande maturité : ses dernières symphonies dont la n° 39 qualifiée de maçonnique, son Concerto pour piano n° 27 et ses deux derniers opéras, La Flûte enchantée et La Clémence de Titus. Il était franc-maçon et pour ses frères de loge écrivit une cantate qu’il dirigea le 18 novembre 1891, ce qui contredit les informations sur son Requiem, resté inachevé et donné comme la dernière œuvre à laquelle il se serait consacré.

Le récit que situe H. C. Robbins Landon autour de la date du 12 novembre 1791 nous parle du musicien autant que de l’homme et serait donc un récit de fiction, car les dates se chevauchent et les informations divergent. Autour de Mozart – magnifiquement interprété par le pianiste Thomas Enhco – se dessine une galerie de portraits : Constance son épouse (Antoinette Dennefeld, mezzo-soprano)  ; Salieri, compositeur italien avec qui, malgré les rumeurs, il entretenait des relations respectueuses ; von Schloissnigg, conseiller de l’empereur Joseph II ; von Kees, conseiller viennois chargé de la diffusion de la musique et de l’organisation de concerts ; Maria Anna von Genzinger, amie de Mozart autant que de Haydn, lui-même ami intime de Mozart (Florie Valiquette, soprano) ; Galitzine, ambassadeur de Russie à Vienne durant le règne de Catherine la Grande, grand ami et mécène de Mozart (Mikhail Timoshenko, basse).

Auteur, metteur en scène associé au Théâtre de la Ville à Paris et musicien, David Lescot mêle l’écriture à la musique et au mouvement. Parmi ses nombreuses mises en scène il a monté deux opéras de Mozart, La Finta Giardiniera et La Flûte enchantée mais aussi Il Mondo Della Luna de Haydn. Il a réalisé ce Mozart, Une journée particulière collégialement avec Sagar Forniés, artiste issu de la bande dessinée et son collaborateur Jordi Gastó pour la recherche d’illustrations. Il neige sur Vienne, une passée d’oiseaux s’envolent, lustres et intérieurs aristocratiques sont d’une grande précision.

© Seine Musicale

L’habileté du metteur en scène a été de mêler les personnages réels aux dessins et de faire apparaître et disparaitre l’orchestre derrière le rideau de tulle. Le dispositif fonctionne avec des dessins qui oeuvrent aussi à la narration et restituent cette fin XVIIIè mêlant fraîcheur, naïveté et informations données et qui font le lien entre l’orchestre à l’arrière-plan et les acteurs. Ces derniers, chanteurs également, naviguent avec une grande fluidité de l’avant à l’arrière-scène, à commencer par Thomas Enhco, pianiste et compositeur de jazz et de musique classique interprétant Mozart, que l’on ne peut que féliciter pour sa prouesse. Sous la remarquable baguette de Laurence Equilbey, directrice musicale d’Insula Orchestra et artiste associée au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, tous, musiciens jouant sur des instruments d’époque et chanteurs, participent de cette réussite. Des voix très pleines et maitrisées aux couleurs savantes, et des instruments qui sonnent avec majesté dans ce grand vaisseau de La Seine Musicale, restituent l’acte artistique accompli par Mozart – la composition – comme un acte vital de création.

Brigitte Rémer, le 29 juin 2022

Avec : Thomas Enhco : Wolfgang Amadeus Mozart – Florie Valiquette : Ana Maria Von Genzinger et Mlle de Destary – Antoinette Dennefeld : Constanze – Mikhail Timoshenko : Galitzine – Jacques Verzier : van Swieten, Schloissnigg et Schikaneder – Yoann Le Lan : Kees, le messager et l’assistant – Insula orchestra : Laurence Equilbey, direction – Martynas Stakionis : chef assistant –  Sagar Forniés et Jordi Gastó : incidental illustration – Fabio Castro, Igor Sarralde : additional designs – David Cremnitzer : animation vidéo – Alwyne de Dardel : scénographie – Paul Beaurelles : lumières – Linda Blanchet : collaboratrice artistique – Mariane Delayre : costumière – Catherine Saint Sever : maquillages et coiffures – Régisseur général : Christophe Poux.

Du 23 au 25 juin 2022, à La Seine Musicale, Île Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt – métro Pont de Sèvres – tél. : 01 74 34 53 53 – sites : www.laseinemusicale.com et insulaorchestra.fr

Dialaw Project

© Joseph Banderet

Textes de Sinzo Aanza, Hamidou Anne, Ian de Toffoli et Le Fluide Ensemble – mise en scène Mikaël Serre – Spectacle en français et en wolof – au Monfort Théâtre.

C’est un work in progress construit autour de la figure emblématique de Germaine Acogny, danseuse, chorégraphe, fondatrice de l’École des Sables à Toubab Dialaw, près de Dakar, au Sénégal, réalisé par Mikaël Serre, metteur en scène franco-allemand.

Mère de la danse africaine contemporaine comme on aime à la nommer, Germaine Acogny a embarqué dans une aventure artistique unique dans le sillage de Maurice Béjart qu’elle a côtoyé et avec le soutien du président Léopold Sedar Senghor : la création de Mudra Afrique au Sénégal, une réplique de Mudra Bruxelles adaptée au contexte africain, qui a vu le jour en 2004. Secondée par Helmut Vogt, son époux, L’École des Sables – centre international de danses traditionnelles et contemporaines d’Afrique – est devenue un lieu d’échange et de formation professionnelle pour les danseurs africains et ceux du monde entier. Elle est l’incubateur de nombreux jeunes talents de la danse africaine.

© Joseph Banderet

Or l’inquiétude règne à Toubab Dialaw anciennement port colonial où la construction d’un nouveau port a commencé face à l’École des Sables, suscitant une vive réaction au sein de la population. C’est dans ce contexte que Dialaw Project, est né, de la collaboration entre Germaine Acogny et Mikaël Serre. Différentes étapes de création se sont mises en place à partir de 2021 à l’École des Sables, puis au Centquatre à Paris, suivi d’un temps de résidence en juin au Monfort Théâtre où le résultat du travail est montré, en une première version. La forme finale y sera présentée à la fin du mois d’août, après une dernière étape de résidence élaborée en présence de la chorégraphe.

Dialaw Project est un spectacle pluridisciplinaire qui mêle théâtre, danse et arts visuels. Son thème central en est l’impact du projet mégalomane de construction d’un port en eau profonde, signé entre le gouvernement sénégalais et la puissante société émirati Dubai Port World. Ce projet fera disparaître la côte et ensevelira une terre sous des kilomètres de béton. Face à cette catastrophe écologique et aux bouleversements géopolitiques qui suivront, face à cette négation philosophique et humaine, artistes et intellectuels de différents pays – Allemagne, Congo, France, Luxembourg et Sénégal – se sont mobilisés autour d’un projet théâtral. Ils questionnent la notion de développement et de responsabilité collective, chacun partant de son expérience personnelle en termes de perte de repères et d’exil.

© Joseph Banderet

Mikaël Serre et Germaine Acogny collaborent depuis 2015. Dans un premier solo intitulé À un endroit du début, sous le regard de Mikaël Serre – metteur en scène, acteur, performer, formé aux Beaux-Arts de Saint-Étienne et à l’École Jacques Lecoq, traducteur franco-allemand – la danseuse et chorégraphe remontait à ses origines et identités multiples, à ses ancêtres. Repartant du même point, Dialaw Project rappelle, de domination en domination, les anciennes puissances coloniales et nous mène jusqu’au développement économique à outrance et à la globalisation.

Au début du spectacle, par écran interposé, Germaine Acogny parle de sa cohabitation avec les esprits, les pierres, le sable, puis on entre dans le vif du sujet : la démonstration technique par un PowerPoint austère du Plan sénégalais émergeant 2014/2035 qui mêle discours technocratiques et états de droit, discours démagogiques reléguant les démarches solidaires au rang de lointaines utopies. Diverses communautés se partagent le territoire sénégalais – Toutcouleurs, Wolofs, Lébous entre autres – ces derniers étant implantés à Dialaw quand la ville était aux mains des Portugais. L’un questionne son père, le second est sur la réserve, « Tu sais jamais comment l’autre va t’accueillir. » Le troisième doute. Des images à l’écran complètent la causerie. Le spectacle s’est construit avec des textes de différentes natures et un travail documentaire approfondi : interviews et réactions face au projet du nouveau port, apostrophe au président, histoires de vie, odes au soleil et à la lune, au balafon et à la kora, à la danse, textes d’auteurs actifs sur la scène intellectuelle et artistique d’Afrique et d’Europe. Avec sa construction face à Toubab Dialaw se posent de nombreuses questions : Où va s’évaporer le sel, où se perdre la pêche ? Comment imaginer la disparition des pirogues ? Pourquoi oublier les ancêtres – eux bien présents jusque dans le vent – et piétiner les symboles ? « Si tu n’as pas de racines, comment veux-tu grandir ? » questionne le texte.

Germaine Acogny parlant d’elle disait en 2015 : « Ma vie a souvent été un mouvement, je suis de quelque part et quand je m’en éloigne, je n’échappe pas à mon histoire, c’est que je suis revenu, en moi peut être, à un endroit du début, à l’endroit d’où je viens, aux ancêtres, à ceux qui m’accompagnent. » Ses mots résument sa démarche et l’objectif du spectacle : questionner nos sociétés et notre Histoire partagée ; respecter les traditions qui traversent les âges ; imaginer l’avenir de nos relations économiques, politiques et humaines ; danser la vie.

Brigitte Rémer, le 28 juin 2022

Avec Germaine Acogny (en vidéo), Hamidou Anne, Aicha Dème (guest), Anne-Elodie Sorlin, Pascal Beugré-Tellier, Asssane Timbo. Dramaturgie Jens Hillje – scénographie John Carroll, Mikaël Serre – costumes Jah Gal Doulsy – vidéo Martin Mallon – musique Ibaaku, Antonin Leymarie – lumières et direction technique John Carroll – collaboration artistique Ninon Leclère – auteur et mythologue Ian de Toffoli – auteur et politologue Hamidou Anne – assistante à la mise en scène Anaïs Durand Mauptit.

Jusqu’au 25 juin 2022, cinq avant-premières au Monfort Théâtre à Paris, 106 Rue Brancion, 75015 Paris – tél. : 01 56 08 33 88 – site : lemonfort.fr – En tournée saison 2022/203 et suivante : 19 et 20 mai 2023, théâtres de la Ville du Luxembourg – 23 mai 2023, Théâtre et Cinéma de Choisy le roi – fin mai 2023, Scène nationale de Forbach dans le cadre du Festival Perspectives de Saarbrück – juin 2023 Africologne festival à Cologne (Allemagne) – septembre 2023, KunstFest de Weimar – novembre 2023 Festival EuroScene de Leipzig – novembre 2023 CDN Les 13 Vents àMontpellier.