Archives mensuelles : janvier 2018

Les Reines

© Nabil Boutros

Texte Normand Chaurette – mise en scène Elisabeth Chailloux – Théâtre des Quartiers d’Ivry / Manufacture des Œillets.

L’histoire se déroule en Angleterre, en pleine Guerre des Deux-Roses, une guerre civile qui depuis 1455, oppose la maison de Lancastre dont la rose rouge est l’emblème et la maison d’York qui a la rose blanche pour emblème.

Six reines convoitant le trône s’entredéchirent et complotent. Elles sortent tout droit des drames et psychodrames shakespeariens. Âmes noires, elles se déplacent sur un plateau blanc aux lumières crues qui tombent en douche. L’espace scénique est semblable à une immense piste longitudinale de danse, une galerie de bois le surplombe, telle les galeries d’un château où se déplacent de manière feutrée, les personnages. Certaines royales figures sont chaussées de patins à roulettes, signe de compétition ? De chaque côté du plateau le public se fait face, belle occasion de mettre en valeur la Fabrique, grande salle de la Manufacture des Oeillets-Théâtre des Quartiers d’Ivry.

Tandis que le roi Edouard IV agonise, son épouse, Elisabeth Woodville, espère le trône dont son beau-frère, Georges, pourrait théoriquement hériter. Leurs deux enfants, potentiels héritiers, se trouvent de ce fait menacés. Ils sont ici représentés de façon métaphorique, comme des fœtus morts-nés, et passent de mains en mains. Isabelle Warwick, épouse de Georges ex-futur-roi-malade, pleine d’ambition, convoite également la couronne. Elle risque de se faire damer le pion par sa jeune sœur, Anne Warwick, Duchesse d’York, – épouse de Richard frère d’Edouard, autre-potentiel-futur-roi – pleine d’une insolence espiègle et perverse. La Reine Marguerite d’Anjou, épouse d’Henri VI, venant de France apparaît poussant une énorme mappemonde, et abat ses cartes : « Je m’exile en France » dit-elle, dans des intonations chantantes à la Ingrid Caven ; la vieille Duchesse d’York, icône presque centenaire et mère d’Edouard, George et Richard, donnerait tout pour porter la couronne, quelques instants. Sa fille et soeur des rois, Anne Dexter, mutique, rejetée par sa mère, à qui l’on a coupé les mains, sorte de mouette blessée dans son costume aux ailes d’ange, donne un peu d’humanité. La scène des aveux de son amour pour Georges et de la cruauté exprimée par sa mère, Duchesse d’York, devant laquelle elle s’abandonne quelques secondes, est déchirante. « Qui est Anne ? Anne n’est rien… Cette femme qui a été ma mère… »

Normand Chaurette, romancier, traducteur et scénariste québécois, plonge au cœur de l’Histoire anglaise et du pouvoir au féminin. Il est l’auteur de plus d’une douzaine de pièces de théâtre dont Provincetown Playhouse, juillet 1919, j’avais 19 ans écrite en 1981 et Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues en 1986. On le connaît aussi pour ses traductions des pièces de Shakespeare. Avec Les Reines il fait une ré-écriture de Richard III métissée de Henri VI après, dit-il, une tentative de traduction de Shakespeare. La pièce est une métaphore, sa langue est poétique, elle flamboie, elle embrase : « Adieu mon Roi, mon dragon d’espérance. Adieu mon seul échelon » dit la Reine Elisabeth à la mort de son époux. L’auteur parle de sa démarche d’écriture : « Je ne peux penser l’écriture autrement que comme une écriture musicale et l’acteur comme un instrument de musique. Les mots sont pour moi des rondes, des blanches, des noires et des croches, la voix des acteurs des timbres. » La pièce fut montée au Québec à partir de 1991 date de sa publication, dont en 2005 par Denis Marleau. En France, la Comédie-Française l’a présentée en 1997, dans une mise en scène de Joël Jouanneau.

Elisabeth Chailloux, co-directrice du TQI et de la Manufacture des Œillets avec le regretté Adel Hakim, la met en scène aujourd’hui avec habileté en reconstituant les strates du pouvoir, de la corruption et de la cruauté. Ponctuée par le glas, le bruit lointain des pas asymétriques d’un Richard qui claudique et de nombreux God Save the Queen, elle fait revivre ce monde perdu plein d’ambition, d’intrigues et de meurtres, un monde qui se dérègle. Insolence et noblesse, férocité et pureté blessée, opportunisme et hiératisme, elle dessine avec intensité ces héroïnes déraisonnables comme des gladiatrices, ou des fauves dans l’arène. « Ainsi la roue de la justice a tourné. Tu as usurpé ma place, pourquoi n’usurperais-tu pas une juste part de mes douleurs ? » lance la Reine Marguerite à la Reine Elisabeth. Ironie, prophéties et sarcasmes, férocité et impétuosité, sont le ton de la représentation et les actrices tiennent royalement leurs rôles dans le registre qui leur est imparti, entre piste de cirque et enfers.

Brigitte Rémer, le 25 janvier 2018

Avec Bénédicte Choisnet Anne Dexter – Sophie Daull La duchesse d’York – Pauline Huruguen Isabelle Warwick – Anne Le Guernec la reine Elisabeth – Marion Malenfant Anne Warwick – Laurence Roy la reine Marguerite. Collaboration artistique Adel Hakim – scénographie et lumière Yves Collet – collaboration lumière Léo Garnier – costumes Dominique Rocher – son Philippe Miller – vidéo Michaël Dusautoy – maquillage Nathy Polak – marionnettes Einat Landais – assistante à la mise en scène Isabelle Cagnat – Le texte est publié aux Editions Léméac/Acte Sud-Papiers.

Du 12 au 29 janvier 2018, Théâtre des Quartiers d’Ivry/CDN du Val-de-Marne/ Manufacture des Œillets, 1 Place Pierre Gosnat. 94200. Ivry-sur-Seine – Métro : Mairie d’Ivry – Tél. : 01 43 90 11 11 – www.theatre-quartiers-ivry.com

Cherchez la faute

© Patrick Berger

D’après La divine Origine/Dieu n’a pas créé l’homme de Marie Balmary – adaptation et mise en scène François Rancillac – Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes.

Faute, pêché originel, culpabilité, côte d’Adam… Des tables disposées en carré type salle de réunion, une cinquantaine de spectateurs invités à prendre place et parmi eux quatre acteurs en vis à vis sur chacun des côtés : quatre acteurs en croix. Un dossier papier pour chaque spectateur, versets bibliques posés à chaque place. Au centre, un semblant de Buisson Ardent, en réduction. Etude de la Genèse, version André Chouraqui. On parle de la Bible, même si le penseur et homme politique israélien né en Algérie a aussi traduit la Torah et le Coran. Séance d’exégèse à partir d’un essai de la psychanalyste Marie Balmary qui s’intéresse aux mythes fondateurs et travaille, à partir de ses deux expériences de la parole – la psychanalyse et l’aventure spirituelle – sur le texte original de la Genèse, en hébreu ancien. Explication de texte ! Page 146, verset 98. Chaque spectateur cherche dans ses feuillets et révise sa connaissance des écrits bibliques avant de les replacer, sous la direction de son directeur de conscience, l’acteur/actrice, dans le contexte.

La lecture est polyphonique, trois des acteurs débattent entre eux (Danielle Chinsky, Daniel Kenigsberg, Frédéric Révérend). Le quatrième joue la mouche du coche ou le naïf de service (François Rancillac, Fatima Soualhia Manet en alternance). Dans la seconde partie, les spectateurs – cette communauté éphémère, selon François Rancillac concepteur du « spectacle » qu’il a créé en 2003 à la Comédie de Saint-Etienne, et qu’il reprend quinze ans plus tard – sont invités à discuter avec les acteurs.

Il est vrai que les sujets de la laïcité et des intégrismes sont au coeur de nos sociétés. Que des expositions comme Chrétiens d’Orient 2000 ans d’histoire, à l’Institut du Monde Arabe ou Lieux saints partagés en Europe et en Méditerranée au Musée National de l’Histoire de l’Immigration donnent du grain à moudre sur le thème. Mais nous sommes au théâtre, dans la petite salle de l’Aquarium transformée en salle du chapitre, qui propose la dissection des textes sacrés sans aucune théâtralité.

Que suis-je venu faire en cette galère ? La leçon de caté est pesante. N’est-ce pas un métier que de ré-interroger les sources judéo-chrétiennes, pleines de dogmes, gloses et controverses ? De nombreux théologiens s’y collent et ré-inventent le monde. Marie Balmary le fait de son côté qui plus est par le filtre de la psychanalyse, mais la mise en théâtre reste périlleuse, voire inféconde. Ici pas de théâtre, pas de scène, rien qu’un reste de Cène.

« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » premier verset de la Genèse. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu » premier verset du prologue de l’Evangile selon Saint-Jean. Qu’est-ce que le Verbe ? Qu’est-ce que Dieu ? Qu’est-ce que le théâtre ?

Brigitte Rémer, le 19 janvier 2018

Avec Danielle Chinsky, Daniel Kenigsberg, Frédéric Révérend, en alternance François Rancillac ou Fatima Soualhia Manet – direction technique Dominique Fortin – régie de scène François Lepage – Montage technique Eric Den Hartog, Juliette Ogé-Lion, Antonio Rodriguez.

Du 9 au 21 janvier 2018, du mardi au samedi à 20h – le dimanche à 16h – Théâtre de l’Aquarium/la Cartoucherie route du champ de manœuvre. 75012 Paris – Tél. : 01 43 74 72 74 – www.theatredelaquarium.com

En tournée : Le Granit, Scène nationale de Belfort, 15 janvier 2018 – Théâtre de la Madeleine à Troyes, 23 et 24 janvier – Théâtre Francis-Planté à Orthez, 30 janvier – Maison des Arts du Leman à Thonon-les-Bains, 2 et 3 février – Panta théâtre à Caen, 8 et 9 février – La Filature de Mulhouse, 15,16,17 février – Théâtre de Lisieux, 22 février – Olympia – CDN de Tours, 13 au 17 mars – Le Quai, CDN Angers – Pays de la Loire, du 22 au 25 mai – Théâtre Victor Hugo à Bagneux, 13 juin.

Sur mes Yeux

© Juliette Romens

Texte, jeu, mise en scène Elie Guillou – conseiller artistique Hassan El-Geretly – musique Babx, Grégory Dargent.

C’est une histoire de guerre et d’enfance perdue, en Anatolie où le conflit turco-kurde s’étend au-delà des limites géographiques connues. La mêlée des nationalités, mineures et majeures dans le sens de leur reconnaissance officielle ou non, augmente la fragilité des territoires, du quotidien, de la révolte. La ville de Diyarbakir est le rendez-vous des exilés : « des Kurdes, des Arméniens, des Azéris, des Ezidis, des Assyriens, des Arabes » dit le texte. Chacun enroule et déroule ses appartenances, cherche sa terre. Les circulations et migrations appellent la guerre, les prisons débordent de prisonniers politiques. On est, par ce récit, dans le face-à-face turco-kurde et un état d’insurrection grandissant. « Une crise c’est quand le vieux monde se meurt, que le nouveau tarde à naître et que dans ce clair-obscur surgissent des monstres » disait Gramsci.

L’acteur, narrateur et chanteur, est face au public au centre d’un carré recouvert de copeaux noirs qui craquent légèrement sous la marche. Derrière lui, trois musiciens. Il raconte une histoire d’enfance et d’initiation, celle de Nishwan, dans un contexte de guerre ; la tragédie d’une femme, Jiyan sa mère, gardienne des valeurs et résistante à sa manière ; la mémoire du vieux Dengbej, le poète errant ; l’hésitation du soldat turc avant de sauter de la muraille, en déserteur ; les militants du Parti des travailleurs du Kurdistan qui combattent pour leur autonomie ; les actes de torture subis en prison par Azad, frère de Jiyan, dont il dresse la liste. Elie Guillou est tous ces personnages, il invite au voyage dans l’espace social d’une ville turque située au sud-est du pays et que les Kurdes ont faite leur, Diyarbakir, ville de combats, de couvre-feux et de check-point où l’on est dans le regard des autres, menaçant ou complice. Ses personnages citent en référence un intellectuel turc du XIIIe siècle, Yunus Emre, emblématique par ses pensées et sa façon de vivre.

Elie Guillou se lance dans l’écriture de Sur mes yeux après plusieurs voyages dans les régions kurdes de Turquie et se fait la chambre d’écho de ce qu’il a vu et entendu. Parti rencontrer les conteurs-chanteurs kurdes il y a cinq ans, il a trouvé la guerre. Il y est retourné plusieurs fois, alors que le conflit syrien s’amplifiait et qu’une guerre civile qui ne porte pas son nom se confirmait en Turquie. Il s’est imprégné de la violence sourde qui montait entre l’Etat turc et la population kurde. De cette relation singulière avec le Kurdistan et son peuple éclaté, il a écrit un texte et cherché les compagnonnages qui pouvaient lui permettre de le présenter sur scène pour transcender la réalité et la rendre supportable. Le Théâtre d’Ivry-Antoine Vitez a répondu présent, Christophe Adriani, directeur, lui a donné carte blanche et l’a accueilli en résidence. Hassan El Geretly a répondu présent. Directeur du Théâtre El-Warsha qu’il a fondé il y a trente ans au Caire, il interroge les expressions du récit et la parole des vaincu(e)s, les formes populaires, les identités morcelées dans l’épaisseur de l’Histoire, comme Barthes parle de l’épaisseur des signes et du bruissement de la langue. Palestine, Gaza, Egypte, Liban, sont ses sphères d’intervention et de partage, et il inscrit la transmission dans ses priorités.

Sur mes yeuxSer çava en langue kurde – signifie bienvenue, ou, littéralement et en signe de respect : Je vous place sur mes propres yeux. L’acteur est-il narrateur, ou témoin réel des événements ? Il les interroge et témoigne, sur un mode métaphorique : l’oiseau est symbole de liberté quand Nishwan ouvre la cage, les chaussures trop grandes restreignent les déplacements, finalement « pour aller où ? » La cour intérieure de la maison, le puits, le feu, l’arbre, un mûrier symbole de vie qui ponctue les saisons, symbole de mort quand tout est gelé et que les ronces l’enserrent alors que la guerre arrive aux portes de la maison, la planque dans la cave, la mère et l’enfant épargnés, dans la narration, mais dans la vie… ?

Le passage du récit au chant, signe de la tradition kurde, comme le passage de la parole à la musique instrumentale, s’inscrit dans la construction savante et populaire du récit. Elie Guillou passe de l’un à l’autre avec facilité, entre berceuse et hymne. Le syncrétisme de l’écriture musicale de Babx compositeur imprégné des musiques du monde, donne les couleurs et tonalités qui participent du commentaire. Secondé par Grégory Dargent, il a écrit une partition pour piano (David Neerman), violoncelle (Julien Lefèvre), guitares et clarinette (Pierrick Hardy). Les interventions musicales sont des respirations, comme des parenthèses dans la violence sourde du récit. La théâtralisation passe par une scénographie dépouillée (Cécilia Galli) qui marque, sous le sol noir, le rouge vif des blessures et du fleuve de sang, le vide apparent laisse place à l’ampleur des mots. Les lumières (Juliette Romens) jouent entre jour et nuit, dans la densité du sombre. On est aux frontières entre le récit et le théâtre, la langue d’Elie Guillou cherche de ce côté-là et sa représentation hésite. Au-delà de la théâtralité, dire lui était essentiel, comme un geste de libération. Il est ce jeune soldat, sorte de dormeur du val avec deux trous rouges au côté droit.

Brigitte Rémer, 16 janvier 2018

Avec Elie Guillou, récit, chant – Pierrick Hardy, guitares, clarinette – Julien Lefèvre, violoncelle – David Neerman, piano – scénographie Cécilia Galli – création lumières Juliette Romens – assistante mise en scène Noémie Régnaut – régie lumière Véronique Chanard – régie son Claude Valentin – production administration Dylan Guillou.

Les 11 – 18 et 19 – 25, 26 et 27 janvier 2018 – Théâtre d’Ivry Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure, 94200. Ivry s/Seine – Site : theatredivryantoinevitez. Ivry94.fr – En tournée : 7, 8 février 2018 MDC de Gennevilliers – 20 avril 2018 Pôle Sud, Chartres-de-Bretagne (35), Festival Mythos.

Et aussi, une exposition des photographies de François Legeait dans le hall du théâtre, Kurdistan : le retour des années noires, rapportées de Turquie, Syrie, Irak 2012-2016.

 

Un jour en octobre

© Photo Lot

Texte de Georg Kaiser traduit de l’allemand par René Radrizzani – mise en scène Agathe Alexis – au Théâtre de l’Atalante.

Georg Kaiser (1878-1945) est considéré comme l’un des dramaturges de langue allemande les plus importants du début du XXème, au même titre qu’Ernst Toller ou Bertolt Brecht. Ce dernier voit en lui le représentant du drame de l’individualisme.

Après une formation commerciale et un séjour de plus de trois ans à Buenos-Aires à partir de 1901, Georg Kaiser se consacre exclusivement à l’écriture. De 1910 à 1930 il produit plus de quarante-cinq pièces – comédies, tragicomédies ou pièces d’expression épique – et un opéra bouffe que Kurt Weil mettra en musique. Il s’inscrit, au cours de sa première période de création, dans le mouvement expressionniste qui porte une vision pessimiste, hantée par la guerre qui menace, se teinte de symbolisme et de psychanalyse naissante. Si ses pièces furent parmi les plus jouées en Allemagne entre 1919 et 1933, il fut ensuite interdit de représentation à partir de 1933 et mis à l’index, ses livres furent brûlés et son théâtre interdit. Il quitta l’Allemagne pour s’exiler en Suisse en 1938. Il y mourut sept ans plus tard, dans l’oubli.

Son théâtre est peu représenté en France : il y eut notamment De l’aube à minuit, drame dialogué datant de 1912, mis en scène par Sylvain Maurice en 1994 et plus récemment, en 2016, Le Radeau de la Méduse, pièce écrite entre 1940 et 1943, présentée par Thomas Jolly avec les élèves de l’école du Théâtre National de Strasbourg. Un jour en octobre (Oktobertag) date de 1927, elle est une réflexion sur la condition humaine mais flirte avec le vaudeville.

Nous sommes dans le salon en hémicycle d’une maison bourgeoise où vit Monsieur Coste (Hervé Van der Meulen), notable, oncle de Catherine une nièce qu’il élève (Ariane Heuzé). Catherine revient après un long séjour en province passé chez la sœur de l’abbé Jattefaux (Jaime Azoulay), tuteur chargé par l’oncle de surveillance plutôt que d’éducation. Elle vient d’accoucher, mais pour tous l’énigme est entière : qui est le géniteur de l’enfant ? La pièce tourne en circonvolutions et l’oncle enquête, dégainant sa flasque pour en attraper quelques gorgées et se remettre, au fil des éléments contradictoires qu’il apprend : la paternité revient-elle au lieutenant Marrien (Bruno Bouzaguet) désigné par la jeune femme comme père, et avec qui l’honneur – par la classe sociale qu’il représente – serait sauf ? « Il a suffi d’une étincelle pour porter le feu dans son sang. Cela s’est produit lorsque votre regard l’a effleuré. Elle vous a aimé tout de suite, submergée par le sentiment d’avoir rencontré son destin » dit l’oncle au lieutenant qui tombe des nues et s’en défend, pied à pied. Serait-ce le garçon boucher Leguerche (Benoît Dallongeville), un parti moins enviable, au demeurant maître chanteur qui s’auto-désigne en vue d’une lucrative opération ? L’énigme est à son comble.

Mi-nymphomane, mi-calculatrice la jeune femme hautement inflammable brouille à loisir les pistes et écrit avec exaltation son propre scénario : une rencontre un jour d’octobre, devant la devanture d’une bijouterie, puis à l’église pendant la messe, et dans une loge de l’opéra. Sa force de conviction fait basculer Marrien et le temps se suspend, la raison aussi. « La vie est l’affaire la plus impénétrable que l’on puisse penser » écrivait Kaiser qui a aussi publié deux romans, dont l’un sur l’inceste. A partir de là toutes hypothèses pourraient, dans le regard du spectateur, rester ouvertes. L’oncle fait partie des puissants de ce monde et défend son image sociale. Catherine se perd dans son chaos intérieur, entre hallucination et possession, et s’invente un amour absolu qui se cogne à la réalité,

On suit ce petit polar daté avec sympathie, comme un jeu de piste et les acteurs, bien dirigés par Agathe Alexis, collent à leurs personnages et font hésiter la vérité. Rêve, affabulation, force de conviction, imagination et fantasmes s’entrecroisent, dans l’étrange destin de cette Catherine Coste, entourée d’hommes qui ne veulent que son bien.

Brigitte Rémer, le 13 janvier 2018

Avec Jaime Azulay, Bruno Boulzaguet, Benoit Dallongeville, Ariane Heuzé, Hervé Van Der Meulen. Scénographie et costumes Robin Chemin – réalisations sonores Jaime Azulay – lumière Stéphane Deschamps – chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq – collaboration artistique Alain Alexis Barsacq – assistant à la mise en scène Sébastien Dalloni.

Du 6 janvier au 13 février 2018 – les lundis et vendredis à 20h30, mardis, jeudis et samedis à 19h00, dimanches à 17h00, relâche les mercredis, relâches exceptionnelles jeudi 18 et vendredi 19 janvier – Théâtre de L’Atalante, 10 place Charles Dullin, 75018 – métro : Anvers, Abbesses, Pigalle – tél. : 01 46 06 11 90 – site : www.theatre-latalante.com – La pièce est publiée chez L’Arche Editeur.

Lieux Saints partagés en Europe et en Méditerranée

Notre-Dame qui fait tomber les murs © MuCEM-IDEMEC. Manoël Pénicaud

Exposition au Musée National de l’Histoire de l’Immigration – Commissariat général : Dionigi Albera et Manoël Pénicaud, anthropologues.

Présentée en 2015 au Mucem, l’exposition Lieux Saints partagés en Europe et en Méditerranée se re-pense et se ré-écrit à chaque fois qu’elle fait escale. Première escale après Marseille, Paris. L’exposition a pour objectif de questionner le croisement et la coexistence des trois religions monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam, à partir d’une approche anthropologique. « Les lieux saint à la différence des lieux de culte – mosquée, église ou synagogue – sont habités par la puissance d’un personnage comme Abraham, Elie ou Marie. Ils deviennent ainsi de véritables lieux de pèlerinage avec une date et des interventions précises qui répondent à des démarches individuelles. C’est là qu’apparaît le phénomène de partage » dit Manoël Pénicaud, co-commissaire.

Un parcours en quatre étapes est proposé au visiteur. La première, Une terre sainte et saturée de sens, part de la lithographie de Marc Chagall, Abraham et les trois anges, emblématique du thème de l’hospitalité pour les trois religions et met Jérusalem sous le projecteur. Avant d’être le lieu des dissensions politiques comme elle l’est aujourd’hui, elle fut le symbole des trois monothéismes : le mizrah du judaïsme, mur qui oriente les prières vers Jérusalem, le Saint-Sépulcre des catholiques lieu de la Résurrection dont une maquette recouverte de nacre montre ici les détails, l’Esplanade des Mosquées pour l’Islam d’où le prophète Mohamed se serait élancé dans le ciel à partir de la mosquée Al Aqsa. La figure de Marie citée dans le Coran autant que dans la Bible apporte ses annonciations et ouvre sur la Basilique de la Nativité. L’exposition a retenu trois villes comme symboles de la coexistence des religions où, aujourd’hui encore et malgré les conflits, elles se côtoient : Hébron, peuplée d’une majorité de palestiniens musulmans et d’une minorité de colons juifs, ville sous haute tension depuis la Guerre des six jours de 1967 qui la plaçait sous autorité militaire puis administrative israélienne, et où, de fait, le Caveau des Patriarches se trouve partagé entre musulmans et juifs. La grotte d’Elie sur le Mont Carmel, près d’Haïfa au nord d’Israël, lieu de pèlerinage où se retrouve les trois religions, complétées de la confession Druze qui s’appuie sur l’unité absolue de Dieu, synthèse du mysticisme musulman ainsi que du syncrétisme d’autres religions, entre autre perse et indienne. Le tombeau du prophète Samuel situé au nord de Jérusalem sur le site de Mitzpah qui a érigé une mosquée sur les vestiges d’une église médiévale et où les rites, depuis toujours, sont partagés entre juifs et musulmans.

Faisant le constat que les îles, plateformes pour le commerce et la navigation, sont souvent un point de contact entre civilisations rivales et souvent hostiles, les commissaires ont intitulé cette seconde étape de l’exposition Des îles carrefour. Qui eut pensé que dans l’actualité tragique de Lampedusa avec l’arrivée massive de migrants, cette île cachait dans une grotte, un oratoire dédié à la fois à la vierge et à un saint musulman, et qu’au Siècle des Lumières elle représentait un idéal utopique qui inspira Diderot et Rousseau ? Que Djerba en Tunisie cache une histoire où se mêlent des récits juifs et musulmans et où nombre de juifs tunisiens contraints à l’immigration y reviennent en pèlerinage, à la recherche de leurs racine ? Que l’île de Büyükada au large d’Istanbul accueille dans le monastère grec orthodoxe de Saint-Georges dit le Monastère des musulmans des fidèles de toutes confessions, majoritairement non chrétiens ? Que La Canée, située sur la côte nord-ouest de l’île grecque de Crète était un creuset interculturel et multiconfessionnel ? L’exposition en apporte les traces par de nombreux objets, bijoux, amulettes, carreaux de faïence, photos, sculptures et ex-votos.

D’une rive à l’autre, troisième étape, parle de conquêtes et de colonisation et témoigne des déplacements de population. Ainsi, dès le XIXème siècle, la conquête française de l’Algérie et les symboles catholiques essaimés, tels statues, églises et chapelles. La figure de Marie est un symbole récurrent qu’on trouve dans de nombreuses villes d’Algérie comme Notre-Dame-d’Afrique à Alger ou Notre-Dame-de-Santa-Cruz à Oran, les musulmans s’en sont emparés et ont poursuivi leurs dévotions après la décolonisation. L’émir Abd El Kader, chef de la résistance algérienne contre la colonisation, est une figure phare du dialogue inter-religieux. L’exposition le présente sous l’angle de la spiritualité, de la tolérance et de l’étude des textes, dans une volonté du dialogue islamo-chrétien : « Si tu penses que Dieu est ce que croient les diverses communautés – musulmans, chrétiens, juifs, mazdéens, polythéiste et autres – il est cela et autre que cela » écrit-il. Des Roms, chrétiens et musulmans prient au Sanctuaire Sainte-Rosalie de Palerme, lors d’une fête annuelle nommée Hederlezi. Les Tamouls, chrétiens et hindous, dont une communauté importante s’est installée dans la ville, s’y rendent aussi pour prier.

La quatrième et dernière étape de l’exposition nommée Bâtisseurs de paix, présente, dans une première partie les trajectoires de personnalités qui ont établi des passerelles entre les religions et les cultures : Louis Massignon, grand orientaliste et professeur au Collège de France, qui fut médiateur auprès de l’église catholique pour la reconnaissance de l’Islam. L’un de ses disciples spirituels, Paolo Dall’ Oglio, un jésuite italien qui a fondé à partir de 1982 un monastère en Syrie dédié à l’hospitalité et au dialogue interreligieux et qui est aujourd’hui retenu à Raqqa, par l’organisation Etat Islamique. André Chouraqui, issu du Judaïsme, traducteur de la Torah, de la Bible et du Coran qui fut un passeur, engagé dans le dépassement des conflits.

La seconde partie sur les Bâtisseurs de paix met l’accent sur les initiatives novatrices des projets architecturaux qui favorisent la rencontre et le dialogue interconfessionnels. Ainsi, la Basilique universelle de la paix et du pardon de la Sainte Baume, s’inscrit dans le mouvement d’après-guerre du renouveau de l’Art sacré en France. Un entrepreneur, Edouard Trouin souhaitait y construire, au-delà de la Basilique, une Cité de la contemplation. Il avait mobilisé Fernand Léger pour illustrer le projet et Le Corbusier pour la conception de la cité d’accueil des pèlerins dont ce dernier réalisa les plans, pour un projet qui ne verra pas le jour. L’exposition évoque aussi ces espaces intermédiaires que sont les lieux de prière et de méditation interconfessionnels dans les aéroports et House One à Berlin, projet de maison de prière et d’enseignement des trois religions conçu par l’agence d’architecture Kuehn Malvezzi. Elle montre aussi : l’œuvre architecturale de Nikos Stavroulakis, autre figure du judaïsme méditerranéen fils d’un père grec orthodoxe et d’une mère juive originaire d’Istanbul, artiste, professeur d’histoire et directeur du Musée juif d’Athènes, restaurateur de la synagogue Etz Hayyim à la Canée, en Crète ; un Lieu de recueillement et de prière conçu par Michangelo Pistoleto en 2009 ; des photos réalisées par Alain Bernardini entre 2003 et 2011, sous le thème Les Désactivés mettant en situation des responsables religieux déplacés dans un autre lieu de culte que celui de leur appartenance ;  la quête spirituelle de Cheikh Khaled Bentounès, né en Algérie, guide de la confrérie soufie Alâwiyya. « Plus nous serons nombreux à choisir de mieux vivre ensemble, plus notre engagement changera le monde » dit-il.

Travailler sur les identités religieuses aujourd’hui n’est pas chose facile. A ce titre, l’exposition relève du défi et a une réelle utilité, historique et pédagogique. Les deux anthropologues commissaires de l’exposition, Dionigi Albera et Manoël Pénicaud, directeur et chargé de recherche au CNRS, directeur et membre de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative (IDEMEC) à la Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence, en ont assuré l’élaboration et le contenu scientifique. Conçue comme une déambulation dans le Bassin Méditerranéen, l’exposition utilise tous types de supports comme photos anciennes et récentes, icônes, manuscrits, dessins et tableaux, vidéos et films documentaires, atlas, bijoux, livres sacrés, amulettes, carreaux de céramique, maquettes, statuaires etc… Ce qui compte, au-delà de l’objet présenté, c’est la pensée qui guide le parcours et la place dans l’histoire de l’immigration, dans celle des croyances et des comportements religieux en un geste d’humanisme. Entre ouverture et fermeture, frontières et nœuds de circulation, l’exposition Lieux Saints partagés en Europe et en Méditerranée montre les interactions entre fidèles de religions différentes et recherche du mieux vivre ensemble. Une utopie et un espoir compte tenu de la complexité du monde contemporain.

Brigitte Rémer, le 6 janvier 2018

Du 24 octobre 2017 au 21 janvier 2018, Musée National de l’Histoire de l’Immigration – Palais de la Porte Dorée 293 avenue Daumesnil. 75012 – tél. : 01 53 59 64 30 – mail : palais-portedoree. fr – métro : Porte Dorée. Un catalogue, Coexistences en Europe et en Méditerranée, a été co-édité par le Musée National de l’Histoire de l’Immigration et Actes Sud.

 

Jack Ralite, humaniste et homme de culture

On ne peut quitter l’année 2017 sans évoquer la disparition de Jack Ralite le 12 novembre 2017, grande personnalité des milieux artistiques et culturels, figure de référence pour la politique culturelle en France.

Né le 14 mai 1928 à Châlons-sur-Marne, il avait adhéré au Parti Communiste dans l’après-guerre, en 1947. Ses mandats politiques l’avaient conduit à être député PCF pour la Seine-Saint-Denis, de 1973 à 1981. Dans le Gouvernement Mauroy sous la Présidence Mitterrand, il fut ministre de la santé, puis en 1983/84, ministre délégué à l’emploi. Il fut Maire d’Aubervilliers de 1984 à 2003, puis passa la main, l’habit d’élu local lui allait bien, la ville garde son empreinte. Il fut sénateur de 1995 à 2011. « Le local, c’est l’universel sans les murs » disait-il, reprenant les paroles de Torga.

S’il ne fut pas ministre de la Culture, Jack Ralite s’engagea, prit la parole et la défense de la création et des artistes, de la liberté intellectuelle. Il rassembla, en 1987, les Etats Généraux de la Culture, après avoir lancé une pétition contre la marchandisation de la culture, au moment où TF1 se privatisait et où la cinquième, Canal + et M6, trois chaines privées, se créaient. La mobilisation du milieu artistique fut immédiate et des réunions de réflexion eurent lieu dans tous les théâtres de l’Hexagone. Le rassemblement fédérateur s’est fait au Zénith de Paris, le 16 novembre 1987. La lecture de la Déclaration des Droits de la Culture, fondatrice des Etats Généraux, fut énoncée devant une salle comble. Le mouvement s’est ensuite exporté partout dans le monde, et Jack Ralite en a assuré l’animation pendant trente ans. Ardent défenseur de l’exception culturelle, son combat, il l’a faite inscrire dans les accords généraux sur les services de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Dans la Préface de Cultures au Faubourg, actes des rencontres qui marquaient dix ans de la Formation Internationale Culture, publiés en 2004, Jack Ralite reprenait les mots d’Hölderlin « quand il parlait des traductions et qu’il soulignait qu’elles mêlaient l’apprentissage du propre et l’épreuve de l’étranger. C’est une métaphore heureuse de l’idée qu’il faut en finir avec les différences indifférentes aux autres différences.» Evoquant cette assemblée de francophones, invités du ministère de la Culture au titre de la formation et de la comparaison des savoir-faire dans le domaine des politiques culturelles, il parlait de « mêlée des cultures qui par-delà leurs tensions vibrantes, cherchent une harmonie, c’est-à-dire un vrai pluralisme, pas celui du statu quo, mais celui du mouvement, ce que d’aucuns appellent la diversité culturelle.» Et il poursuit : « Ceci dit, c’était beaucoup plus riche que la diversité culturelle, expression qui renvoie trop à la diversité commerciale prônée par les grandes affaires des industries culturelles financiarisées et qu’un homme d’affaire français, égaré, porta au pinacle en se targuant d’enfoncer la notion d’exception culturelle dont le cœur est que le monde marchand ne peut pas être le régulateur impitoyable et sans rivages de ce qui touche à l’essentiel de la vie des hommes : la culture, les cultures, l’art, les arts. Il y a déjà longtemps qu’Octavio Paz nous avait averti : Le marché est efficace, soit, mais il n’a ni conscience ni miséricorde. Or nous sommes, nous voulons être des sociétés de conscience. »

Grand penseur et grand humaniste, Jack Ralite était pétri de nombreuses références qui le mettaient, et qu’il mettait, en action et en pensée. Il défendait avec acharnement les concepts de Liberté, Egalité et Fraternité, luttait contre l’exclusion, s’engageait pour plus de justice. Il reste une chaise vide autour de la table.

Brigitte Rémer, le 3 janvier 2018

 

Transit

© Emmanuel Burriel

Spectacle de cirque présenté sur une idée originale de la Compagnie Flip Fabrique – direction artistique Bruno Gagnon – mise en scène Alexandre Fecteau – Dans le cadre de Villette en cirques.

Le Québec est à l’honneur pendant plus d’un mois, au Parc et à la Grande Halle de La Villette. A l’affiche, une riche programmation avec des expositions et spectacles de théâtre et de cirque. De grands noms croisent les artistes émergents de la scène québécoise.

Fondée en 2011, la Compagnie Flip Fabrique oeuvre dans la ville de Québec et fait partie de la nouvelle génération du cirque canadien. Elle se compose de cinq circassiens et une circassienne, tous issus de l’Ecole de Cirque de Québec, et qui ont travaillé avec le Cirque du Soleil ou la Compagnie Eloize. Leur premier spectacle, présenté en 2012, Attrape-moi, retraçait l’histoire individuelle de chaque artiste et leur histoire commune. Ils sont une joyeuse bande, liée par l’amitié. Leur travail s’élabore de manière collaborative et met en exergue les points force de chacun, et tous apportent leur pierre.

Avec Transit, ça déménage, leur belle énergie et humeur s’envole dans les airs, tombe et rebondit, fait mine de, imagine et scintille. La troupe visiblement s’amuse et nous amuse sur fond de musique pop, les circassiens font corps. Les équilibres de toute configuration et inventivité s’adaptent aux obstacles que sont notamment de gros buffets qui se renversent et font des galipettes avec eux. Les pyramides qu’ils construisent touchent le ciel. Les lancers acrobatiques se font avec aisance et virtuosité. Les numéros de sangles aériennes sont maitrisés avec gros plans sur l’artiste qui se filme, par la caméra de son téléphone. Le jonglage, avec jeux de balles et de quilles stroboscopiques, se décline en harmonieuses figures aux mille couleurs. Les diabolos montent haut, se croisent et se rattrapent. Les cordes à sauter s’entremêlent mais jamais ne s’emmêlent. Les voltigeurs s’élancent dans les cerceaux, tels des lions à travers le feu, ou bien dansent et s’amusent follement, ou parfois se concurrencent dans un concours de hula-hoop. Au trampo-mur ils excellent, sur un rythme endiablé montant et descendant d’une haute muraille de caissons qui leur sert de niches.

C’est ludique et bon enfant, virtuose, humoristique et poétique. Les séquences s’enchaînent comme des saynettes ponctuées de petits dialogues qui racontent l’itinéraire d’une troupe dans sa dernière tournée. Jade, petit bout de femme faite de souplesse et de grâce mène son monde : cinq baraqués qui se dépassent et se jouent de tout, même peut-être de la peur. Humour, fraîcheur, prouesses, sont autant de mots qui caractérisent cette belle soirée où une pluie de sous-vêtements vole dans le public à la fin du spectacle, dernière pirouette potache dont on peut retenir l’inventivité et la virtuosité, en voltige comme en jonglage.

Brigitte Rémer, le 31 décembre 2017

Avec Jérémie Arsenault, Cody Clay Russell, Hugo Ouellet Côté, Jade Dussault, Bruno Gagnon, Yann Leblanc. Scénographie Ariane Sauvé – chorégraphie Annie Saint-Pierre – costumes Geneviève Tremblay – son Antony Roy – lumières Bruno Matte.

Du 21 au 31 décembre 2017, Espace Chapiteaux, Parc et Grande Halle de La Villette. Métro : Porte de La Villette – www. flipfabrique.com – Tél. : 01 40 03 75 75